Broodhagen, le pionnier
Jusque dans les années 1950, l'art barbadien reste centré sur ses traditions. Les arts premiers, implantés dans l'environnement, dominent la création.
Des pionniers comme le sculpteur Bajan Karl Broodhagen (1909-2002) repoussent les frontières. Né en 1909 en Guyane, Broodhagen arrive sur l'île à l'adolescence. Tailleur, il perfectionne en cousant sa compréhension du corps humain, qu'il réutilisera en sculpture. Ses portraits réalistes, sculptés ou peints, sondent l'individualité. L'artiste répond à des commandes, ou part à la recherche de l'inspiration dans les rues.
Dans les années 1940, son travail déstabilise le grand public. Ses nus sensuels sont jugés inacceptables. C'est en Angleterre, où il séjourne grâce à une bourse, qu'il se fait remarquer. Grâce à cela, il obtient un poste d'enseignant, par lequel il forme les esprits au dessin d'après modèle vivant, et aux tendances modernistes.
Ses sculptures font désormais partie du paysage de la Barbade. Son « Bussa », surnom donné à la statue du chef de la rébellion d'esclaves, ou Slave in Revolt, se dresse devant St Barnabas depuis 1985 pour commémorer l'émancipation des esclaves. Ses bustes de personnalités parsèment l'île comme celui de Dame Nita Barrow ou Sir Grantley Adams. Critiqué pour ses proportions, son visage est en fait fidèle à la réalité.
La place des artistes suscite de l'anxiété jusque dans les années 1970. Puis, peu à peu, leurs messages politiques ou sociaux sont entendus. Ils sont aussi appréciés parce qu'ils transmettent l'histoire du peuple. Sous leurs doigts, le patrimoine immatériel devient tangible.
Ouverture au monde
Dans ce même élan, Ras Akyem contribue au rayonnement de l'île. Peintre né en 1953 à La Barbade, il étudie l'art en Jamaïque. Le mouvement Rastafari imprègne son style. En 1995, il organise sa première exposition personnelle à la Barbade, « Animal Art ». Il s'agit d'un hommage à l'artiste d'origine haïtienne, Jean-Michel Basquiat, qui imprègne profondément sa création. Internationalement reconnu, il est présent dans de nombreuses collections privées et publiques.
En l'honneur de sa carrière, il reçoit en 2010 le prix d'excellence des arts visuels pour sa contribution au développement artistique de la Barbade.
Un art non conventionnel
Omowale Stewart, né en 1950, est un artiste autodidacte très prolifique. Dès ses premières peintures, il retranscrit l'essence même du pays dans ses œuvres figuratives. Il fonde le groupe DE PAM (De Peoples Art Movement) destiné à encourager une pratique artistique non traditionnelle. Cette association est fondamentale dans la culture de la Barbade. Par son intermédiaire, Omowale Stewart a permis aux artistes de se détacher des conventions, en les sensibilisant à des approches novatrices.
En 1991 et 1993, deux de ses œuvres sont sélectionnées par l'UNICEF pour illustrer ses cartes.
Sur l'île, il exécute des fresques publiques inspirées de scènes prises sur le vif, dont celle du UN S.I.D.S au Sherbourne Conference Centre, et au Cable and Wireless Mural à Wildley. Il expose dans les Caraïbes, en Amérique du Nord et en Europe.
Il peint sur commande des portraits de célébrités locales, ministres et personnalités de la vie culturelle comme l'écrivain Kamau Brathwaite. Son style évolue peu au fil de sa carrière. Omowale Stewart continue de montrer l'île authentique à partir d'une palette vibrante. La petite touche surréaliste de ses compositions fascine. Il crée également des costumes, qui reprennent les mêmes couleurs vives.
Neville Legall
Artiste prolifique, Neville s'intéresse très jeune au dessin, après avoir feuilleté le carnet de croquis d'un ami. Il se met alors à représenter tout ce qui attire son œil. Il perfectionne sa technique lors d'un programme d'échange artistique du Detroit Jazz Center, sous la tutelle de l'artiste afro-américain Harold Neal.
De nos jours, Neville continue de saisir des scènes quotidiennes de la Barbade. Ses scènes au style vif séduisent au-delà des Caraïbes et inspirent ses contemporains. Ses visages sont brouillés, les silhouettes lointaines, perdues dans de vastes paysages lumineux. Une femme isolée porte ses courses, des ouvriers triment dans un champ de pommes de terre, des aînés attendent le bus. Ses larges coups de pinceau rendent les formes quasi abstraites.
On peut découvrir son art à la Gallery Of Caribbean Art (Northern Business Centre - Queen's Street Speightstown - St. Peter) et dans les collections de lieux tels que la George Washington House, le Ministère de la Culture, la National Library et le Geriatric Hospital.
Heureux de partager son savoir-faire, il organise des ateliers avec le centre Plein Air Barbados. Ouverts à tous. Neville enseigne à la St. Leonard's Boys School et au Harrison College, et participe à des comités culturels. Parmi ses initiatives notoires, il a été le principal artiste du Rock Hall Mural Project en 2017. Ce projet de fresque publique a bénéficié de la participation d'artistes amateurs et professionnels, comme Glenroy Jordan et Everick Lynton, d'étudiants et de locaux.
Lieux et événements
Le grand rendez-vous annuel des arts visuels a lieu au mois de mars. La foire annuelle CaFA Fair Barbados regroupe les beaux-arts des Caraïbes, avec une sélection d'artistes émergents et de célébrités internationales. Parmi les talents régionaux, citons la prometteuse Anna Gibson, artiste contemporaine qui explore tous les médiums. Centrée sur la femme et ses fragilités, elle trafique le corps dans de superbes métamorphoses, entre réalisme et expressionnisme.
La CaFA est visible simultanément sur la plateforme virtuelle caribbean.global, la 14ème édition s'est tenue au Pelican Craft Center. Elle incluait la mode, la vidéo, la lecture et des tables rondes.
Les galeries d'art abondent sur l'île. En plus d'exposer de l'art, certaines proposent des cours pour enfants et adultes comme l'ArtSplash center, qui abrite aussi un restaurant family friendly, et un marché des producteurs.
La Gallery of Caribbean Art (Speightstown, West Coast), est l'une des plus grandes et des plus sélectives. On y trouve de la peinture mais aussi de la sculpture, en argile, en métal ou en bois. Lieu de référence pour les artistes depuis 1957, le Barbados Arts Council à Bridgetown soutient ses talents, les étoiles montantes de la scène locale.