Les trois régions
Il est de convention de diviser le Viêt Nam en trois régions distinctes qui correspondent aux divisions qu’adoptèrent les Français et à la vision qu’ont les Vietnamiens de leur propre pays : le nord ou Bac-bô (le Tonkin), le centre ou Trung-bô (l’Annam) et le sud ou Nam-bô (la Cochinchine). Néanmoins, d’un point de vue géographique, ces trois régions ne présentent pas de cohérence et ne rendent pas compte de la diversité du pays.
Les reliefs
Le Viêt Nam est essentiellement un pays de collines, de montagnes et de hauts plateaux. On distingue au Viêt Nam trois grandes zones montagneuses : la zone nord-ouest, sur la rive droite du fleuve Rouge ; la zone nord/nord-est, sur la rive gauche du fleuve Rouge ; la chaîne Truong Son, qui sépare le Viêt Nam du Laos et d’une partie du Cambodge.
La zone nord-ouest. Avec des chaînes de montagnes plus ou moins élevées et des plateaux qui s’étalent parallèlement selon une direction nord-ouest sud-est, la zone qui s’étend au nord-ouest de la vallée du fleuve Rouge est la plus accidentée. La chaîne Hoang Liên Son, prolongement oriental du complexe himalayen, est dentelée de pics abrupts aux parois quasi verticales et qui sont les plus élevés du pays. Dans la province de Lao Cai, au sud-ouest de la station d’altitude de Sapa, le Fan Si Pan, sommet de l’Indochine, culmine à 3 147,3 m. Sa beauté sauvage a malheureusement été défigurée par la construction d’un téléphérique.
La zone nord/nord-est. Au nord de la vallée du fleuve Rouge, dans la province de Ha Giang, plusieurs chaînes de montagnes ont des sommets qui s’élèvent à plus de 2 000 m (Tây Côn Linh, 2 431 m ; Kiêu Liêu Ti, 2 402 m). Le massif de la rivière Chay et le plateau karstique de Dong Van (entre 1 400 et 1 600 m d’altitude), riches de paysages spectaculaires et peuplés de minorités ethniques, sont des destinations particulièrement recommandées pour les amateurs de randonnée. Plus à l’est et jusqu’aux côtes de la province de Quang Ninh, une région de basses montagnes (la majorité ne dépassant pas 1 000 m) et de collines (« moyenne région »). Une multitude de vallées conduisent vers la Chine. Depuis l’Antiquité, la région a toujours été le théâtre d’une importante circulation, le point de passage des invasions, des migrations et des échanges commerciaux.
La cordillère Truong Son. Autrefois appelée « cordillère annamitique », elle est souvent présentée comme « l’épine dorsale » du pays. Le terme de cordillère est simplificateur puisqu’il englobe en fait de manière générique une succession de chaînes et de plateaux qui ne relèvent pas tous de la même unité géologique. La cordillère Truong Son s’allonge sur 1 200 km du nord au sud, de la province de Thanh Hoa jusqu’à la province de Lâm Dông. Elle sépare le Viêt Nam du Laos. Plusieurs cols permettent néanmoins le passage entre les deux pays. Dans la province de Quang Binh, au nord-ouest de Dông Hoi, le col de Mu Gia (418 m), fut le point de départ de la fameuse piste Hô Chi Minh.
Au sud du col de Hai Van (ou « col des Nuages », situé au nord de la ville de Da Nang), dans les provinces de Kontum, Gia Lai, Dak Lak, Dak Nông et Lâm Dông, un massif relève d’une autre histoire géologique, caractérisé par de hauts plateaux autrefois couverts de forêts et de savanes, berceau des peuples autochtones. En raison de la richesse des sols rouges basaltiques, cette zone des hauts plateaux (en vietnamien, le Tây Nguyên) est aujourd’hui spécialisée dans les productions agricoles à grande échelle : caféiculture, théiculture, poivriers, noix de cajou, hévéas…
Les reliefs karstiques. Les formations karstiques constituent un trait particulier du relief vietnamien. Le spectaculaire paysage maritime de la baie d’Halong, composé de centaines d’îles et îlots calcaires déchiquetés par le vent, les embruns et le passage des siècles, érodés par l’obstination des courants marins et des tempêtes, creusés de grottes labyrinthiques, est inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Le mot karst est à l’origine un terme local désignant les plateaux calcaires du nord-ouest balkanique. Par extension, il a fini par s’appliquer à toute région calcaire présentant des caractéristiques apparentées. Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer la genèse et l’évolution des karsts, parmi lesquels les mouvements tectoniques, la nature de la roche, la végétation et le climat. Au Viêt Nam, les massifs karstiques se concentrent essentiellement au nord, dans le prolongement de la plus grande région karstique du monde, celle du sud-est de la Chine. La zone littorale, avec la baie d’Halong et l’île de Cat Ba, est bien connue, mais d’autres lieux sont également remarquables, parmi lesquels le plateau de Dong Van, à l’extrême-nord du pays, déjà mentionné ; le massif de Cao Bang, dans le nord-est, où l’on peut se rendre aux chutes de Ban Giôc ; la « baie d’Halong terrestre » dans la province de Ninh Binh, au sud de Hanoi. Il faut enfin évoquer le Parc national de Phong Nha-Ke Bang, dans le centre du pays (province de Quang Binh), également inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, et qui abrite un extraordinaire réseau souterrain, avec la grotte de Son Doong, la plus grande du monde.
Ces merveilles naturelles ont accueilli le tournage de films à grand succès : Indochine (de Régis Wargnier, 1992), tourné dans la baie d’Halong et dans la province de Ninh Binh ou plus récemment, Kong : Skull Island (J. Vogt-Roberts, 2017), tourné dans la baie d’Halong, la province de Ninh Binh et le Parc national de Phong Nha-Ke Bang. Les massifs karstiques, outre leur intérêt scénique, sont également propices aux activités sportives, dont l’escalade, surtout pratiquée dans l’île de Cat Ba.
Les fleuves
Entre la montagne et la mer, deux plaines deltaïques – delta du fleuve Rouge au nord, delta du Mékong au sud – sont reliées par une étroite bande côtière. Les plaines n’occupent qu’un cinquième de la superficie totale, mais regroupent les quatre cinquièmes de la population. La vie des plaines deltaïques dépend largement des crues. Pendant la saison des hautes eaux, les fleuves charrient 80 % de leur débit total annuel contre 20 % en période de basses eaux. Les berges des fleuves sont alors submergées parfois jusqu’à +6 ou +12 m (+12,3 m à Hanoi en 1945, alors que certaines rues de la ville ne sont qu’à +4 m) et leur cours est changeant, incertain sur une partie de leur tracé. L’eau joue un rôle essentiel dans l’imaginaire des Vietnamiens. Pour le paysan du delta, domestiquer la terre, c’est d’abord maîtriser l’eau. En référence à cette osmose, pour parler de leur « pays », les Vietnamiens utilisent le terme de dât-nuoc, mot à mot terre-eau.
Le delta du fleuve Rouge. Au nord, le delta du fleuve Rouge (Bac Bô, en vietnamien), un ancien golfe comblé par les terres alluvionnaires déposées par le fleuve (sông) Thai Binh, mais surtout par le fleuve Rouge. Long de 1 200 km, celui-ci prend sa source sur les hauts plateaux de la province chinoise du Yunnan. C’est à Lao Cai (à 1 180 km de la mer et à 800 m d’altitude) que le fleuve Rouge pénètre au Viêt Nam. Jusqu’à Yên Bai, la vallée reste droite et encaissée. Le fleuve grossit en aval de ses affluents, la rivière Noire (sông Da) et la rivière Claire (sông Lo), elles aussi descendues de Chine méridionale. Il entre dans le delta à hauteur de la ville de Viêt Tri. Il s’écoule alors paresseusement vers ses multiples embouchures au fil d’innombrables méandres. Pendant la période des hautes eaux (de juin à octobre), du fait de la double action de la fonte des neiges (en amont, dans la partie chinoise) et des pluies de mousson, les crues du fleuve Rouge peuvent être très importantes et se succéder de façon irrégulière et rapide. Elles ont imposé depuis toujours la construction d’un système de digues, qui au fil de milliers d’années ont façonné le paysage du delta. En 1108, sous la dynastie des Ly, les annales enregistrent pour la première fois l’édification de digues sur une grande échelle, mais le fleuve Rouge aurait été endigué dès l’année 43 de notre ère. Le delta du fleuve Rouge constitue le foyer de concentration le plus précoce des Viêt, mentionnés dès le IIIe siècle avant notre ère, et le centre d’une civilisation fondée sur la riziculture irriguée, sur des pratiques et des habitudes culturelles étroitement liées à l’eau, et dont les villages de nos jours restent profondément empreints.
Du delta du fleuve Rouge au delta du Mékong, s’étend un chapelet de petites plaines côtières, qui, au sud du col de Ngang (porte Hoanh Son dite « porte d’Annam », entre la province de Ha Tinh et celle de Quang Binh), sont compartimentées par les contreforts de la cordillère Truong Son qui s’avancent jusqu’à la côte.
Le delta du Mékong. Le delta du Mékong (Nam Bô, en vietnamien) est également un ancien golfe marin comblé par le travail d’alluvionnement d’un réseau hydrographique comprenant la rivière Dông Nai et le fleuve Mékong. Celui-ci, le plus long et le plus puissant fleuve de la péninsule indochinoise, prend sa source dans les hauteurs tibétaines (province chinoise du Qinghai), à 5 000 m d’altitude, traverse la province du Yunnan (Chine), où il est baptisé Lancang Jiang (« fleuve turbulent »), la Birmanie, le Laos, la Thaïlande, le Cambodge et achève un périple de quelque 4 500 km au sud du Viêt Nam. À Phnom Penh (Cambodge), le Mékong s’est séparé en deux bras principaux qui se prolongent au Viêt Nam où ils sont appelés Tiên Giang et Hâu Giang. Ces deux bras continuent à se ramifier jusqu’à se jeter dans la mer à travers neuf estuaires (plusieurs sont aujourd’hui ensablés), une configuration qui explique le nom vietnamien de « fleuve des Neufs Dragons » (sông Cuu Long). La plaine du Mékong, contrairement à celle du fleuve Rouge, n’exige pas la construction de digues, car la crue annuelle s’élève lentement à partir de juin jusqu’à atteindre son maximum en octobre. Le paysan peut donc adapter le rythme de ses travaux. Le delta du Mékong est parcouru d’un réseau très dense de canaux, et d’arroyos (rach), qui quadrillent la région et sont utilisés comme voies de circulation des hommes et des marchandises. L’alternance des marées s’y propage depuis les estuaires et joue un rôle fondamental dans le déplacement des bateaux et les travaux d’irrigation. Le delta du Mékong, grâce aux limons fertiles déposés par les crues, est surnommé « le grenier à riz » du pays, fournissant la moitié de la production nationale et plus de 90 % des exportations vietnamiennes de riz. Il fournit également 70 % de la production de fruits. Le Mékong est parfois qualifié d’« autoroute à poissons », mais dans le delta, la pêche, bien que demeurant un secteur important, est concurrencée par d’autres activités, telles que l’irrigation, la fourniture d’eau potable ou les usages industriels. L’importance du delta du Mékong souligne la gravité des menaces auxquelles il est aujourd’hui confronté. Le delta est l’une des régions du monde les plus menacées par le réchauffement climatique et l’élévation du niveau de la mer. Celui-ci s’est élevé de 20 cm au cours des cinquante dernières années. Les épisodes climatiques extrêmes et imprévisibles se succèdent, sécheresses prolongées et crues dévastatrices. Lors des périodes de sécheresse, de plus en plus fréquentes, le manque d’eau empêche l’irrigation suffisante des terres cultivables et amoindrit les ressources de la pêche. Le faible niveau d’eau contribue en outre à l’augmentation du taux de salinité liée aux remontées d’eau de mer dans le fleuve. L’eau de mer peut pénétrer jusqu’à 60 km à l’intérieur des terres, mettant en péril des dizaines voire des centaines de milliers d’hectares de production du « grenier à riz » vietnamien. Par ailleurs, le pompage du sable destiné à satisfaire la demande de béton nourrie par la croissance des villes d’Asie du Sud-Est entraîne l’érosion des berges et l’affaissement des sols. Surtout, la multiplication des barrages en amont du fleuve, particulièrement en Chine, a des effets néfastes. Les lâchers perturbent le débit, diminuent la ressource halieutique et retiennent la plus grosse partie des alluvions nécessaires à la fertilisation des sols en aval. D’ici la fin du siècle, ce sont des milliers de kilomètres carrés du delta du Mékong qui risquent d’avoir été submergés.
Le littoral
Le littoral vietnamien qui s’allonge sur plus de 3 000 km offre des paysages d’une grande variété. Au nord s’étend la prestigieuse baie d’Halong. En allant vers le sud, de la province de Thanh Hoa à celle de Binh Dinh, des falaises sont reliées les unes aux autres par des plages magnifiques. Dans la province de Phu Yên, le cap Dai Lanh (cap Diên ou cap Varella), contrefort de la cordillère Truong Son, est réputé pour sa beauté et parce qu’il est le premier à être touché par les rayons de l’aurore. Au sud de Quy Nhon et jusqu’à la province de Ninh Thuân, un relief tourmenté et sinueux est entrecoupé de larges baies. La plus célèbre est celle de Cam Ranh (province de Khanh Hoa), au sud de Nha Trang, l’une des plus belles du monde. Au-delà du cap Dinh (ou cap Padaran), dans la province de Ninh Thuân, et jusqu’à Vung Tau, on rencontre un littoral plat, bordé de cordons de dunes.
Du golfe du Bac Bô (ou golfe du Tonkin), au nord, à celui de Thaïlande, au sud, le Viêt Nam recense au large plus de 3 000 îles et archipels. Parmi ceux qui sont accessibles et ouvertes au tourisme, du nord au sud, l’île de Cat Ba (la plus grande île de la baie d’Halong), l’île de Ly Son (province de Quang Ngai), l’archipel de Cu Lao Cham (province de Quang Nam), l’archipel de Côn Dao (ou Poulo Condor, dans la province de Ba Ria - Vung Tau), l’île de Phu Quôc (province de Kiên Giang, dans le golfe de Thaïlande)…
Au grand large, enfin, les archipels coralliens Hoang Sa (ou Paracels ; la souveraineté du Viêt Nam y est aujourd’hui violée par la Chine) et Truong Sa (Spratleys). Le Viêt Nam dispose d’un domaine maritime dont la superficie est trois fois plus vaste que celle du territoire terrestre. La mer de Chine méridionale (Biên Dông [mer de l’Est] en vietnamien) est une mer semi-fermée qui communique au nord avec l’océan Pacifique, et au sud-ouest, par le détroit de Malacca, avec l’océan Indien. Ces eaux très fréquentées – elles voient passer un tiers du trafic maritime mondial – sont également riches en poissons et en hydrocarbures. Cet espace maritime mal délimité fait l’objet de litiges territoriaux entre États riverains, mais les tensions sont aujourd’hui aggravées en raison des politiques de plus en plus agressives par lesquelles la Chine cherche à imposer sa souveraineté. Son ouverture maritime confère donc au Viêt Nam une place importante dans la géopolitique mondiale, et particulièrement dans un contexte international marqué par la maritimisation des enjeux et le déplacement du centre de gravité stratégique vers l’océan Pacifique.