Découvrez l'Arménie : Littérature (BD / Actualité)

Les Arméniens ne sont peut-être pas le peuple du Livre, mais ils ont un grand respect pour celui-ci, qui a même son « temple » à Erevan, le « Matenadaran », dépôt et musée de manuscrits anciens, qui a été agrandi et rénové en 2011. Gardien et véhicule d'une langue qui est le vecteur de l'identité nationale, et ce depuis l'invention de l'alphabet arménien au Ve siècle par Mesrop Machtots, le livre (kirk) arménien a été diffusé des siècles durant grâce au travail minutieux des copistes médiévaux, qui l'a transmis aux générations futures, souvent enluminé de superbes miniatures. Au XVIe siècle, l'imprimerie a pris le relais, permettant une plus ample diffusion de la littérature arménienne, religieuse et de plus en plus souvent profane. L'UNESCO lui a rendu hommage en désignant Erevan Capitale mondiale du livre pour l'année 2012, alors que les Arméniens marquaient le 500e anniversaire du premier livre imprimé en langue arménienne.

Voir le top 10 associé à ce dossier : Lecture

18_pf_157108.jpg

L’alphabet au service des Saintes Écritures et des épopées

La langue écrite arménienne a pris naissance au Ve siècle de notre ère. Elle a été l’apanage du clergé dont les œuvres ont enrichi la littérature jusqu’au Moyen Âge. Ces lettrés se sont penchés tout d’abord sur la traduction des livres sacrés, pour élargir très vite leur étude à l’histoire et bien sûr à la théologie. Le IXe siècle sera celui de l’épopée, transcrivant la geste des héros nationaux, réels ou mythiques, comme l’épopée de Sassountsi David. Retenons le nom de Moïse de Khorène (Movses Khorénatsi) qui a transmis les chants populaires et les traditions de l’époque païenne dans une longue fresque, plus épique qu’historique, qui lui vaut d’être considéré comme l’Hérodote des Arméniens !

Une trinité littéraire

Devant la menace des invasions arabes puis turques et mongoles, les monastères tendent à devenir les principaux foyers culturels du pays. Le plus important probablement des lettrés de cette époque est le poète et religieux Grégoire de Narek (945-1010). Viendront Nerses le Gracieux (XIIe siècle), dont l’œuvre porte sur la poésie sacrée et la musique liturgique, et plus tard à Nerses de Lampron (XIIIe siècle), chantre de l’Arménie cilicienne. Cette trinité littéraire témoigne de la soif de connaissance et de l’esprit de tolérance de ces théologiens, œcuménistes convaincus qui plaidèrent en faveur d’un rapprochement entre chrétiens.

La période cilicienne (XIIe-XIVe siècles)

Cette période donne les signes d’un renouveau littéraire. On relève chez des écrivains comme Mkhitar Gosh ou Mkhitar Hératsi, une volonté de sortir des limites du religieux, de s’intéresser aux sciences, à la philosophie, à la médecine, au droit… Si, à cette époque, la langue des lettrés se rapproche de la langue parlée, le contexte politique ne lui laissera pas le temps d’accomplir sa mutation vers un savoir profane, émancipé de la tutelle religieuse.

Les lettres arméniennes s’exilent

Du XVe au XVIIe siècle, les poètes, fussent-ils des religieux, chantent l’amour et la nature, à l'image de Koutchak. Le XVIIIe siècle est une période sombre de l’histoire des Arméniens, tiraillés entre les Perses et les Ottomans. La production littéraire s’en ressent, contraignant les lettrés arméniens à fuir à Constantinople, à Venise, en Perse, à Rome, ou encore à Amsterdam là où il y a des imprimeries. À partir de ce moment, la culture arménienne se développe hors des terres ancestrales. Dans un pays qui n’est que ruine et désolation, fleurissent pourtant les trouvères (achough) tels Sayat-Nova, Djivani, Chirine, Tourindj, qui écrivent, il est vrai, plus souvent en turc et en persan, selon les cours princières qu’ils sont chargés de distraire. Les Arméniens vivant dans les régions orientales, sous domination turque ou persane, ne pourront réellement exprimer cette identité en gestation qu’avec l’apparition des Russes en Transcaucasie, au début du XIXe siècle.

Une renaissance

De nombreuses écoles sont créées, et Tiflis, majoritairement peuplée d’Arméniens jusqu’au début du XXe siècle, devient le centre de rayonnement de la culture arménienne, présente aussi à Moscou et Saint-Pétersbourg. Badganian, Chirmazanian, Nalbandian et tant d’autres sont les précurseurs de ce renouveau culturel qui s’accompagne d’une promotion de la presse, riche d’une vingtaine de journaux et périodiques en langue arménienne. Certains auteurs s’essaient aussi au théâtre, souvent sur des thèmes patriotiques et sociaux. Cette intelligentsia, très influencée par les courants de pensée européens, est à l’origine de la diffusion d’une langue arménienne moderne, épurée, et accessible au peuple. Mais c’est Khatchatour Abovian qui est considéré comme le principal artisan de ce renouveau littéraire et linguistique. Avec lui, la littérature s’ouvre à la langue parlée, épurée de ses nuances dialectales et unifiée, scellant la rupture avec la langue classique réservée aux moines et aux lettrés, qui creusait le fossé entre le peuple et le monde du savoir. En Arménie, une ville et de nombreuses rues portent son nom.

À Constantinople, des revues savantes vont s’attacher à l’épuration de la langue parlée de ses éléments trop dialectaux, marquant les prémices d’un vrai mouvement intellectuel au XIXe siècle. Des salons littéraires accueillent les passionnés des belles-lettres. On traduit beaucoup, surtout les auteurs français, répondant ainsi à la soif de connaissances et d’ouverture. Les romanciers et poètes arméniens de l'époque ont été tout naturellement influencés par le romantisme, comme dans toute l’Europe orientale. Citons par exemple Krikor Odian, le père Léonce Alichan et Hagop Baronian dont les pièces comiques sont encore jouées en Arménie…

Lettres modernes

Au début du XXe siècle, le génocide constitue une tentative d’éradication de cette langue et de cette culture arménienne moderne, qui étaient aussi le vecteur d’une dignité nationale retrouvée. Les autorités ottomanes l’avaient bien compris, en désignant les intellectuels arméniens comme leurs premières victimes : le 24 avril 1915, quelque 200 intellectuels, dont les poètes Daniel Varoujan (1884- 1915), Siamanto (1878-1915), Roupen Zartarian (1874-1915) et Krikor Zorab (1861-1915) sont les premiers à être arrêtés pour être ensuite déportés et massacrés. Parmi ceux qui ont survécu, certains ont repris la plume écrivant souvent plus dans la langue de leur pays d'accueil qu'en arménien ; ce sont les écrivains de l’exil, de la diaspora. L’Arménie russe, devenue soviétique, se verra quant à elle imposer les canons littéraires du réalisme soviétique, mis à la sauce d’un nationalisme toléré. Écrivant dans la langue de la région, l’arménien oriental, ces auteurs, dont certains ont connu le tsarisme, puis l’indépendance et, enfin, le communisme, ont maintenu vaille que vaille le flambeau de la littérature nationale, dans une orthographe remaniée par les « grands prêtres » locaux de la culture soviétique, qui révulse les puristes. Citons les poètes et romanciers Hovannes Toumanian et Avetik Issahakian, les poètes Vahan Terian et Avedis Aharonian, ou encore les romanciers et novellistes Kostan Zarian et Chirvanzade. Évoquons également Yervant Odian, satiriste mémorialiste, les poètes Vahan Tékéyan et Medzarents, la romancière Sibil, Lévon Chanth, Hagop Ochagan, Zarifian, ou encore le poète et écrivain Krikor Beledian, qui réside et publie en France.

Top 10 : Lecture

La littérature d'Arménie

Quelques ouvrages pour découvrir la beauté de ce pays, ses paysages, son histoire, et quelques plumes fort intéressantes.

9782081347731_LeReveBriseDesArmeniens_Couv_HD.jpg

Le Rêve brisé des Arméniens, Gaïdz Minassian, Flammarion, 2015

L’auteur raconte l’histoire de ce pays à travers les parcours des révolutionnaires arméniens, fascinés par le modèle français des Lumières.

Contes arméniens, Collectif, Hachette, 2015

Collection mise en place par la BNF pour la conservation du patrimoine.

La Dette française ou la France face au génocide des Arméniens, Vincent Duclert, Éd. Fayard, 2015

Un ouvrage très intéressant pour ouvrir ses connaissances de l’histoire.

L’Arménie, coll. «  Que sais-je  ?  », Claire Mouradian, PUF, 2013

Pour les aficionados de cette collection, un ouvrage utile et complet.

Exils arméniens : Du Caucase à Paris 1920-1945, Anouche Kunth, Belin, 2016

Cette historienne, chargée de recherches au CNRS, propose un livre complet.

Capture d’écran 2020-11-16 à 09.08.11.jpg

L’Arménie et les Arméniens de A à Z, Corinne et Richard Zarzavatdjian, éditions Gründ, 2020.

Un Beau Livre sous forme de dictionnaire illustré sur l'Histoire de l'Arménie.

9782081344617_15ContesDarmenie_Couv_HD.jpg

15 contes d’Arménie, Flammarion Jeunesse, Collectif, 2015

Contes d’Arménie à découvrir à partir de 3 ans.

La Poésie arménienne : Anthologie des origines à nos jours, Collectif, Les Éditeurs français réunis, 1973

Parfait ouvrage pour tout connaître de la poésie arménienne.

Histoire de l'architecture arménienne des origines à nos jours, Mourad Hasratian, Sources d’Arménie, 2010

Pour découvrir la richesse de l’architecture témoin imminent de l’histoire du pays.

cuisine d'Arménie.jpg

Cuisine d’Arménie, Corinne et Richard Zarzavatdjian, Solar, 2017

Préfacé par André Manoukian, cet ouvrage ouvre la curiosité aux délices culinaires.

Organisez votre voyage avec nos partenaires en Arménie
Transports
Hébergements & séjours
Services / Sur place
Envoyer une réponse