Contes et légendes : une riche tradition orale
L'imaginaire breton regorge de légendes et d'êtres magiques. Un folklore qui plonge ses racines dans la mythologie celte, païenne, teintée de religiosité chrétienne par la suite.
Parmi les protagonistes : les fées et les korrigans, qui peuplent les fontaines, les dolmens, les grottes... Les fées affectionnent aussi les lacs et les rivières, les korrigans les bois et les landes. Les premières, bienveillantes en général, viennent volontiers en aide aux braves et aux modestes, mais peuvent aussi se montrer rancunières et cruelles. D'une grande beauté, elles savent guérir, fabriquer de l'or, chantent à merveille et aiment séduire les hommes. Les korrigans peuvent aussi se montrer généreux, mais ces nains espiègles jouent plutôt de mauvais tours aux humains, surtout s'ils leur manquent de respect.
Autre figure majeure, l'Ankou personnifie la mort, sujet qui hante l'imaginaire breton. Drapé dans une longue cape, il se déplace sur une charrette grinçante, sa faux montée à l'envers à la main. On peut observer des sculptures de l'Ankou dans plusieurs églises et ossuaires, comme à Ploumiliau ou Brasparts.
La plus célèbre des légendes bretonnes est sans doute celle de la cité d'Ys, sorte d'Atlantide bretonne conduite à sa perte par Dahut, la fille terrible du roi Gradlon. Le mythe arthurien figure également en bonne place dans l'imaginaire régional. Né outre-Manche, à l'époque des invasions anglo-saxonnes, il a été largement diffusé et adopté en Bretagne. Ainsi, la légendaire forêt de Brocéliande est-elle associée à celle de Paimpont, où l'on peut partir sur les traces du roi Arthur, du chevalier Lancelot, de Merlin l'enchanteur, des fées Morgane et Viviane... Un univers à découvrir au Centre de l'imaginaire arthurien, installé dans le château de Comper.
Toutes ces traditions orales se sont perpétuées grâce au travail conduit par les folkloristes au XIXe siècle. Premier d'entre eux, le vicomte de La Villemarqué publie en 1839 le Barzaz Breiz, un recueil de chants populaires bretons, œuvre centrale du patrimoine littéraire régional. À sa suite, d'autres se sont lancés dans le collectage de récits populaires : François-Marie Luzel en Basse-Bretagne, Paul Sébillot en Haute-Bretagne ou encore Anatole Le Braz, auteur de la célèbre Légende de la mort, qui relate les croyances liées au trépas, très prégnantes en Bretagne.
Romantisme et exotisme
Au XIXe siècle, à l'époque du romantisme, la Bretagne est un terreau fertile pour les écrivains : ses paysages d'une beauté sauvage se prêtent à la contemplation, à la mélancolie et au mystère, thèmes marquants de ce mouvement artistique. La région, qui reste à l'écart de la révolution industrielle et préserve une culture originale, apparaît alors comme un lieu exotique et pittoresque, qu'il faut explorer. De nombreux artistes et écrivains accomplissent leur voyage en Bretagne, à l'image de Balzac, George Sand, Jules Michelet ou encore Gustave Flaubert et Maxime Du Camp, qui signent Par les champs et les grèves en 1847, récit de leurs pérégrinations à travers la région.
La Bretagne a d'ailleurs enfanté et inspiré le précurseur du romantisme français, François-René de Chateaubriand. Né à Saint-Malo en 1768, il a passé une partie de son enfance au château de Combourg, un chapitre de sa vie qui façonnera sa mélancolie. L'auteur des Mémoires d'outre-tombe repose dans la cité corsaire, face à la mer : son tombeau situé sur l'îlot du Grand Bé, accessible à marée basse, constitue un haut lieu de pèlerinage littéraire, romantique s'il en est.
Le XIXe siècle est aussi celui de l'essor des écrivains-voyageurs. Outre les récits qu'elle inspire, la Bretagne, ouverte sur le monde par son ancrage maritime, fournit quelques grands noms en la matière, tels que Victor Segalen, médecin de marine épris de culture chinoise, ou Pierre Loti. Cet officier de marine établi à Brest a publié de nombreux livres inspirés de ses voyages. Mais c'est en Bretagne qu'il a puisé la matière de son plus célèbre roman, Pêcheur d'Islande : paru en 1886, il dépeint avec réalisme la rude vie des pêcheurs à la morue de Paimpol.
Panorama contemporain
Parmi les grands écrivains bretons du XIXe siècle, il faut encore citer Paul Féval, auteur de nombreux romans-feuilletons à succès, l'intellectuel Ernest Renan ou encore Alfred Jarry, père d'Ubu-roi et de la pataphysique.
Au XXe siècle, dans l'entre-deux-guerres, le Briochin Louis Guilloux s'impose comme un écrivain majeur, avec ses romans empreints de social, tels que Le Sang noir. Après 1945, la littérature n'échappe pas au revival breton : le poète et écrivain Xavier Grall se fait l'ardent défenseur de la cause bretonne, tandis qu'en 1975, Pierre-Jakez Hélias publie Le Cheval d'orgueil, récit largement autobiographique dans lequel il dépeint la société paysanne bigoudène, ancrée dans ses traditions. L'œuvre connaît un retentissement considérable et participe à redonner sa fierté à la Bretagne rurale. Quant à Henri Queffélec, c'est la Bretagne des mers et des îles qu'il s'attache à décrire dans ses romans, avec réalisme et poésie. La mer berce aussi l'œuvre de son fils Yann, écrivain et navigateur.
Autre grande plume bretonne, la lorientaise Irène Frain puise une partie de son inspiration dans ses terres natales. Prix Nobel de littérature en 2008, Jean-Marie Gustave Le Clézio, issu d'une famille bretonne émigrée à l'île Maurice, s'inscrit quant à lui dans la grande lignée des écrivains-voyageurs. Tout comme Michel Le Bris, fondateur du festival Etonnants voyageurs à Saint-Malo et chantre de la littérature-monde.
La Bretagne a également ses poètes : Tristan Corbière et Auguste de Villiers de l'Isle-Adam, figures du symbolisme au XIXe siècle, Eugène Guillevic, l'un des plus grands poètes français du XXe, Anjela Duval, paysanne du Trégor et poétesse de langue bretonne, Christian Prigent et son œuvre contestataire, ou encore Yvon Le Men, prix Goncourt de poésie en 2019.
La région compte enfin un bon vivier d'auteurs de bande dessinée, au premier rang desquels se trouve Jean-Claude Fournier, qui a notamment signé neuf albums de Spirou et Fantasio, dont l'un dédié à l'Ankou. Son atelier rennais a servi de pépinière à nombre de jeunes bédéistes, tels que le scénariste Kris, le dessinateur Michel Plessix ou encore Emmanuel Lepage, brillant auteur costarmoricain de carnets de voyage et de BD au goût d'ailleurs.