Organisation du monde orthodoxe
Les 260 millions de chrétiens orthodoxes sont organisés par ethnies, par langues et/ou par pays. Chaque communauté possède sa propre Église, dirigée par un patriarche ou une métropole (archevêque) : le patriarcat de Moscou s’étend à tous les orthodoxes russes à travers le monde, l’archevêché d’Albanie à tous les orthodoxes albanais, etc. Chaque communauté possède sa langue liturgique, mais toutes suivent le rite byzantin fixé au Moyen Âge. Il n’existe pas d’autorité suprême comme le pape chez les catholiques, l’égalité est la règle. Les Églises orthodoxes reconnaissent toutefois une primauté d’honneur au patriarcat de Constantinople, dit « œcuménique » (« de l’ensemble du monde connu »). Dirigé par des Grecs, celui-ci se trouve à Istanbul, en Turquie. Il est l’héritier du patriarcat byzantin qui dominait la chrétienté avant 1054. Il administre des diocèses et des monastères en Turquie, en France, en Asie ou en Amérique et même en Grèce, où restent sous sa juridiction les territoires acquis par le pays en 1912, comme la Macédoine et le mont Athos. Ainsi, selon la région où ils habitent, les Grecs dépendent soit du patriarcat d’Athènes, soit du patriarcat de Constantinople. En tout, on compte environ 23 millions d’orthodoxes grecs, principalement en Grèce, à Chypre, en Australie et en Amérique du Nord. Ceux-ci sont en minorité face aux 140 millions d’orthodoxes russes, mais ils occupent une place toujours prépondérante : du fait de l’histoire, les Grecs contrôlent en effet la « tête » (le patriarcat de Constantinople) et le « cœur » (le mont Athos) de l’orthodoxie.
Le poids de l’orthodoxie en Grèce
La vaste majorité des Grecs, 98 %, sont des chrétiens orthodoxes. De moins en moins pratiquants, ils restent cependant très attachés à leurs églises et à leurs monastères qu’ils fréquentent en nombre pour les grandes cérémonies religieuses… et civiles. L’Église orthodoxe grecque et l’État grec ne sont toujours pas séparés et les prêtres sont rémunérés en tant que fonctionnaires. Si l’orthodoxie n’est plus la religion officielle, l’Église demeure un acteur incontournable en Grèce. Alors qu’elle est le plus riche propriétaire foncier du pays, ses relais dans les cercles du pouvoir font qu’elle échappe toujours aux impôts. Plus symboliquement, c’est aux prélats que l’on demande d’organiser la cérémonie d’investiture de chaque Premier ministre. À ce jour, un seul chef de gouvernement, athée et de gauche, a refusé de prêter serment sur la Bible : Alexis Tsipras, en 2015.
Les principales différences avec les catholiques
Les différences théologiques entre les catholiques et les orthodoxes sont très faibles. Cela tient au fait que toutes les Églises chrétiennes reconnaissent les sept conciles œcuméniques comme la base de leurs dogmes respectifs. Entre le IVe et le VIIe siècle, ces réunions ecclésiastiques convoquées par les empereurs byzantins ont permis de codifier à peu près tous les aspects de la vie des chrétiens. Toutefois, des divergences apparaissent progressivement à partir du VIIe siècle jusqu'au schisme de 1054. Et la séparation devient définitive après la grande trahison de l’Occident : la prise de Constantinople par les croisés en 1204.
Pape. Les orthodoxes ne reconnaissent ni l’autorité ni l’indépendance du pape qu’ils considèrent comme un « patriarche » parmi d’autres. En 325, le concile œcuménique de Nicée organise la chrétienté en cinq patriarcats : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. En théorie, une primauté honorifique est reconnue à Rome. En réalité, c’est le patriarche de Constantinople qui dirige les chrétiens. Mais à partir du VIIe siècle, du fait de l’éloignement et de pressions politiques, le patriarche de Rome (le pape) conteste l’autorité de Constantinople jusqu’à se déclarer indépendant en 1054.
Eucharistie. Nommé « divine liturgie » par les orthodoxes, le sacrement de l’eucharistie occupe la même place centrale dans les deux confessions : le pain partagé est le symbole du corps du Christ. La seule variante, c’est la levure. Traditionnellement, les chrétiens d’Occident prennent leurs repas avec du pain à pâte levée et réservent le pain sans levure (l’ostie) au culte. En Orient, c’est le contraire : pain azyme (sans levure) à table, pâte levée dans l’église. Cette différence n’a rien de théologique, elle est culturelle. C’est pourtant ce prétexte qui fut utilisé par les légats du pape pour prononcer l’excommunication du patriarche et de l’empereur de Constantinople en 1054, déclenchant ainsi le Schisme, la séparation entre orthodoxes et catholiques.
Mariage des prêtres. Les conciles œcuméniques ont notamment fixé « l’interdiction d’interdire le mariage des prêtres ». Une règle complètement bafouée par les catholiques. Chez les orthodoxes, le célibat est uniquement requis pour les moines, les évêques et le patriarche. Ainsi, en Grèce, personne ne prête attention au pope (prêtre) se promenant avec son sticharion (robe noire) et son kamilavkion (chapeau cylindrique) accompagné de sa femme et de leurs enfants.
Filioque. En 800, Charlemagne est le premier souverain européen à reprendre le titre romain d’empereur d’Occident. Pour s’affirmer face aux empereurs romains d’Orient (les Byzantins), il introduit une mini-transformation du dogme : le Filioque. Ce terme latin signifie « et le Fils ». Il porte sur la nature de l’Esprit saint. Pour les conciles œcuméniques, l’Esprit saint « procède de Dieu », c’est-à-dire que Dieu occupe la première place, qu’il est « source de divinité ». Avec le Filioque, les Occidentaux disent désormais qu’il procède « de Dieu et du Fils », plaçant le Christ à l’égal de Dieu. C’est la seule véritable différence théologique entre catholiques et orthodoxes. C’est aussi une arme : Charlemagne oblige les évêques d’Occident à reconnaître le Filioque, marquant ainsi son autorité sur le pape de Rome qui accepte de le sacrer empereur. Malgré les protestations de Constantinople, Charlemagne et ses successeurs ont désormais un clergé à leurs ordres.
Culte des icônes. La vénération des images s’est développée à partir du VIe siècle en Orient. Si elle surprend voire choque les catholiques, elle a aussi fait débat chez les orthodoxes. Pendant deux siècles, l’Empire byzantin s’est déchiré pour savoir s’il fallait accepter ou non les représentations humaines dans les églises. En 843, l’impératrice Théodora met fin à cette « crise iconoclaste ». Dès lors, il est reconnu aux icônes un caractère sacré : ces images sont considérées par les orthodoxes comme une manifestation des personnages saints qu’elles représentent. En Occident, les fresques, tableaux et vitraux des églises ont uniquement un but illustratif.