Architecture autochtone
Les peuples des Premières Nations produisent une architecture unique, tant temporaire que permanente. Dans la première catégorie, on retrouve des constructions éphémères telles que les igloos, les wigwams et les tipis. Ensuite figurent les maisons semi-souterraines et les maisons longues en bois (longhouses). Ces bâtiments sont non seulement ingénieux et originaux sur le plan technique, mais ils révèlent des systèmes de croyances culturelles profondément enracinées qui en font les dépositaires d'un sens religieux et spirituel riche. Bien entendu, l'architecture autochtone créée avant les premiers contacts avec les Européens changera à la suite de ces contacts. Toutefois, l'architecture indigène contemporaine se pratique toujours, et elle englobe les formes et les matériaux traditionnels et contemporains. Un bel exemple est le Manitoulin Hotel & Conference Centre sur l'île Manitoulin, ou encore le futur complexe Anishnawbe Health dans le secteur West Don Lands à Toronto.
Il faut ici mentionner l'architecte Douglas Cardinal. Né à Calgary et dorénavant basé à Ottawa, son style s'inspire entre autres de ses racines autochtones et intègre des formes organiques gracieuses, lesquelles défient bien souvent les normes d'ingénierie les plus avancées. Deux de ses créations les plus connues sont le Musée canadien de l'histoire à Gatineau (au Québec, juste en face d'Ottawa) et le National Museum of the American Indian à Washington D.C. (États-Unis).
Héritage du passé
Bien que l'on trouve de beaux exemples du patrimoine de l'Ontario français dans la province, tels que le centre missionnaire jésuite Sainte-Marie-au-pays-des-Hurons près de la baie Georgienne, l'église Notre-Dame de l'Assomption (Our Lady of the Assumption Church) à Windsor ou encore la basilique-cathédrale Notre-Dame d'Ottawa, c'est surtout l'influence anglaise qui laissera sa marque.
Après la conquête anglaise, l'influence de l'Angleterre se fait prépondérante et va progressivement modifier le paysage architectural. L'arrivée des Loyalistes, juste après la révolution américaine, contribuera aussi à peupler la province qui verra son architecture se développer à la suite de leur immigration au pays. Le modèle est désormais la maison anglo-saxonne, à cheminées massives et toit à quatre pentes peu inclinées. Les rives du Saint-Laurent deviennent les lieux de villégiature d'une bourgeoisie aisée. Les demeures de Kingston et d'Ottawa sont, à ce titre, représentatives de l'architecture du début du XVIIIe siècle. Très prisé des Anglais, le style palladien, emprunté à Palladio, architecte italien du XVIe siècle, domine l'architecture des villes canadiennes pendant le premier quart du XIXe siècle : inspiré du modèle antique, il affectionne frontons, pilastres, colonnes doriques ou ioniques et corniches moulurées. Les plus beaux représentants de ce style sont The Grange, avec son large fronton surplombant de superbes baies centrales, et la Maison William-Campbell, tous deux à Toronto, sans oublier plusieurs autres exemples remarquables de ce style à Kingston et à Perth, par exemple.
Ce style tout en sobriété ouvre la voie au néoclassicisme que l'on retrouve dans les édifices publics comme le Osgoode Hall à Toronto ou encore l'hôtel de ville de Kingston. Si les bâtiments symboles de pouvoir conservent le style néoclassique, les résidences privées tout comme les industries vont progressivement recourir au très éclectique style victorien. Le Distillery Historic District à Toronto est le plus grand exemple d'architecture industrielle de l'ère victorienne. Toujours à Toronto, les superbes maisons des quartiers comme Cabbagetown, Yorkville ou Rosedale permettent d'admirer une forme de style victorien typiquement torontois, le style baie et pignon, caractérisé par une large baie vitrée en façade et un haut toit à pignons, référence à la verticalité gothique et forme parfaitement adaptée à l'étroitesse des parcelles.
Bref, le patrimoine architectural canadien, établi au cours du XIXe siècle, constitue toujours le reflet des styles en vogue en Grande-Bretagne à cette époque. Ainsi, le Parlement du Canada à Ottawa et de nombreuses universités construites à cette époque (Hamilton, Toronto) sont d'inspiration néogothique, et cela dans l'ensemble du pays.
Naissance de la métropole de Toronto
Village fortifié iroquois avec palissades et maisons longues, puis comptoir commercial français (le légendaire Fort Rouillé) : la cité a connu plusieurs vies avant de devenir une ville clé de la province du Haut-Canada créée en 1793, sous le nom de York, par les Anglais qui y appliquèrent avec une rigueur toute militaire un tracé quadrillé. À partir du XIXe siècle, la ville devenue capitale entame sa croissance.
À la fin du XIXe siècle, Toronto devient un puissant centre industriel et commercial. En matière architecturale, cela se traduit par un recours aux styles historicisants, sorte de vision romantique d'un passé idéalisé, en particulier pour les édifices de pouvoir. Le néo-roman, ou Romanesque Revival, avec ses arches puissantes et ses ornementations en pierre est très populaire. C'est ce style qui est privilégié par Richard Waite pour l'imposante Assemblée législative de l'Ontario, point de fuite de la grande University Avenue. Mais le grand architecte de la période est E. J. Lennox à qui l'on doit l'ancien hôtel de ville, le Gladstone Hotel et surtout l'incroyable Casa Loma dominant la colline de Davenport. Cette demeure est un véritable pot-pourri architectural mêlant style normand, néogothique et roman tardif dans un ensemble inspiré du château écossais de Balmoral. Si les styles sont historiques, le confort, lui, est résolument moderne : la demeure possède l'électricité ! Lennox a même donné naissance à un autre style torontois, spécifiquement dans le quartier The Annex et baptisé style « Annex House ». Tourelles et toits mansardés caractérisent ces superbes demeures de brique qui empruntent autant au néo-roman qu'au style Queen Anne à l'ornementation plus subtile, que l'on retrouve également dans les rangées de maison de brique rouge à l'est et à l'ouest du centre-ville.
À côté de ces influences européennes se développe aussi une architecture inspirée par les courants venus des États-Unis, à commencer par le style Beaux-Arts, tout en rigueur et élégance néoclassiques, utilisé dans les édifices publics et surtout les banques qui, avec leurs frontons et colonnades, deviennent les temples du nouveau siècle qui s'annonce. Un très bel édifice de style Beaux-Arts est la gare Union Station, avec sa large façade et sa longue colonnade dorique encadrée de portiques. Autre courant venu des États-Unis, le style commercial et ses premiers gratte-ciel. Le plus célèbre est l'immeuble de la Confederation Life (réalisé par des architectes de Chicago, là même où furent inventés les gratte-ciel) avec son ossature de métal encore masquée par une façade romano-gothique. Toronto héberge d'ailleurs le plus grand nombre de gratte-ciel au pays, pour la plupart concentrés dans le Financial District. Parmi les futures tours à ne pas manquer : The One par Norman Foster dans le quartier de Yorkville qui, avec ses 309 m, sera le plus haut gratte-ciel du Canada.
La modernité est en marche, comme en témoignent les nouvelles réflexions en matière d'architecture domestique qui s'inscrivent dans un retour à un courant plus naturaliste inspiré de la simplicité et de la rusticité du mouvement anglais Arts and Crafts et des premières cités-jardins dont on encourage la création à la périphérie de la ville, comme le montre le travail d'Eden Smith qui a conçu les logements du très bucolique Riverdale Courts.
Courants modernes et postmodernistes
L'architecture métallique qui triomphe aux États-Unis avec l'Ecole de Chicago (début du XIXe siècle) conquiert à son tour l'Ontario, plus particulièrement Toronto, annonçant l'ère des gratte-ciel et des ascenseurs. Lui succède le style Art déco dans les années 1930, avec des édifices tels que le Commerce Court North dans le quartier financier de Toronto (1931). Après la Seconde Guerre mondiale, le Style international s'impose jusque dans les années 1970. Les formes sont simplifiées à l'extrême - on pourrait presque parler de boîtes -, l'usage du verre, du béton et de l'acier est systématique et la fonction prend le pas sur l'ornementation. Une des réalisations de premier plan durant cette période est sans conteste le Toronto-Dominion Centre (ou TD Centre) conçu par l'architecte Ludwig Mies van der Rohe dans les années 1960. C'est à ce moment que survient le boom des buildings à travers tout le pays, mais aussi celui des banlieues dont la ville de Don Mills au nord de Toronto, avec son architecture inspirée du style très épuré du Bauhaus. Elle est la première ville nouvelle véritablement conçue sur le modèle des cités-jardins, où la primauté est donnée à l'humain. Puis vient le brutalisme, issu du modernisme et qui rassemble toutes les constructions dures et imposantes en béton, généralement des édifices institutionnels, scolaires, commerciaux et résidentiels. Un bel exemple est le Centre national des arts d'Ottawa, ouvert en 1969 et conçu par l'architecte Fred David Lebensold (à savoir que le CNA a fait peau neuve il y a quelques années), ou encore la Tour CN de Toronto, réalisée entre 1973 et 1976 par l'architecte brutaliste australien John Andrews. À la même époque, on réhabilite des quartiers et édifices patrimoniaux comme ce fut le cas avec le Queen's Quay Terminal, un ancien entrepôt situé sur les rives du lac Ontario à Toronto. Dans les années 1980, le courant postmoderniste domine le paysage, mouvement qui déclinera au début des années 2000. C'est alors que l'architecture se diversifie et voit de superbes réalisations comme l'extension du Royal Ontario Museum de Daniel Libeskind (magnifique structure en acier revêtue d'aluminium et ponctuée de grandes baies vitrées), le Sharp Centre for Design de Will Alsop (sorte de table couverte de pixels noirs et blancs soutenue par des piliers d'acier multicolores de 26 m de haut) et le projet de rénovation et d'agrandissement de l'Art Gallery of Ontario par Frank Gehry, tous trois à Toronto, ou encore la reconstruction du centre des congrès d'Ottawa, le Shaw Centre, par la firme ottavienne BBB Architects. Le nouveau bâtiment a d'ailleurs reçu la certification LEED Or pour son design écologique et durable.
Concernant Frank Gehry (né à Toronto en 1929), il est considéré comme l'un des plus grands architectes encore en vie et il est également professeur d'architecture à l'Université de Yale (États-Unis). Parmi ses constructions célèbres, on note le Musée Guggenheim à Bilbao, l'Université d'art à Tolède, l'Art Gallery of Ontario à Toronto, la Cinémathèque française à Paris ou encore le Dr Chau Chak Wing Building à Sydney. Il travaille actuellement à la construction du Guggenheim Abou Dabi, sur l'île de Saadiyat dans les Émirats arabes unis, un musée d'art contemporain dont l'ouverture a été retardée. À noter qu'en 2014, Frank Gehry fut nommé Commandeur de l'Ordre national de la Légion d'honneur en France.
Renouveau contemporain
L'Ontario, plus particulièrement Toronto, a très rapidement attiré les plus grands penseurs de l'architecture et de l'urbanisme, à commencer par la célèbre philosophe et urbaniste Jane Jacobs qui a toujours protégé les quartiers historiques d'un renouveau urbain brutal créant, selon elle, des espaces sans âme. Au contraire, Jacobs prône la richesse et la complexité des quartiers à usages multiples accueillant la modernité tout en préservant la richesse patrimoniale. Autre composante de l'architecture postmoderne, l'intégration des contraintes de l'environnement qui donne naissance à des villes dans la ville imaginée pour se prémunir des rigueurs du climat. Le plus bel exemple : l'Eaton Centre de Toronto, vaste système de cours intérieures à plusieurs étages avec une couverture de verre, relié au métro et aux rues extérieures.
Ce renouveau architectural s'accompagne d'un renouveau urbanistique. Les anciens sites industriels sont réhabilités et transformés en logements ou en boutiques, et l'accent est mis sur les espaces publics et les voies piétonnes. Les jeunes architectes d'aujourd'hui se placent dans cette lignée tout en prônant un style qui fait la part belle à la linéarité, la sobriété et les matériaux naturels.
On pense notamment à la future Place des Arts de Sudbury, du consortium d'architectes Yallowega Bélanger Salach Architecture et Moriyama Teshima Architects, avec son design mettant à l'honneur la géographie nord-ontarienne et la culture francophone, ou encore au nouveau bâtiment du Canadian Canoe Museum à Peterborough, lequel sera de construction durable avec certification LEED Argent. Quant à Toronto, ville sans cesse en mouvement, elle imagine l'avenir avec d'étonnants projets prônant une architecture durable. En 2022, ce sera le grand Renzo Piano qui réalisera son premier projet canadien avec le nouveau palais de justice de Toronto conçu selon les principes de transparence et de durabilité. Puis en 2023, le Centennial College devrait voir sortir de terre le premier bâtiment universitaire en bois massif et zéro carbone, dont la structure empruntera aux cultures autochtones et occidentales dans un souci de vérité et de réconciliation. De son côté l'agence 3XN a dessiné les plans du plus grand immeuble de bureaux en bois massif dans le quartier émergent de Bayside. Et ce n'est que la pointe de l'iceberg...