La brique au cœur de l'architecture traditionnelle
Du sud au nord de la région, la pierre laisse place à la brique. Ainsi dans l'ancienne Picardie (le Compiégnois et le Soissonnais) et dans l'Avesnois, des villages sont encore édifiés tout en pierre. Les ravages de la guerre ont néanmoins laissé place à des reconstructions de brique, avec des fermes massives décorées de frises et de pilastres. Les villages égrènent leurs maisons souvent ponctuées de girouettes aux motifs variés autour des églises. À Saint-Quentin, la ville a été détruite à 80 % pendant la Première Guerre mondiale. Reconstruite dans les années 1920-1930, elle compte pas moins de 3 000 façades Art déco !
Le long du littoral, les stations balnéaires du Pas-de-Calais sont pour le moins hétéroclites, passant de l'Art nouveau et du style anglais Belle Époque aux constructions modernes parfois sans transition. Plus haut encore, les collines boulonnaises comptent d'imposantes fermes, d'anciennes demeures seigneuriales aux allures de manoirs et des fermes blanchies à la chaux.
La Flandre maritime et ses vents d'ouest chargés de pluie ont imposé une architecture de plain-pied, avec des maisons basses et allongées aux murs blanchis à la chaux égayées par les couleurs vives des portes et des volets. Si on redescend le long de la frontière belge, on plonge dans l'agglomération lilloise et ses hautes cheminées d'usines qui témoignent encore de son passé industriel. L'ensemble urbain Lille-Roubaix-Tourcoing est large et s'étend désormais jusqu'à Tournai et Courtrai de l'autre côté de la frontière pour former l'Eurométropole. Les courées, ces petites allées piétonnes perpendiculaires à la rue et desservant une ligne de maison, sont typiques de cet habitat ouvrier des années 1930.
Plus au sud, c'est l'habitat ouvrier minier : les fameux corons ! Il faut dire que l'industrie minière a laissé son empreinte aussi bien dans nos paysages (terrils, anciennes fosses...) que dans certaines des habitations. Des chapelets de maisonnettes qui s'égrènent au pied des terrils, rue après rue, toutes identiques (au rythme d'une porte, une fenêtre, une porte, une fenêtre...) et pourtant toutes différentes (leurs habitants rivalisant d'astuces pour décorer la leur). Enfin, arrivant dans l'Avesnois, de petits villages de caractère utilisent la fagne, une belle pierre bleue typique, alternée avec la brique et des toits en ardoises.
Des villes et villages de caractère
Après ce tour d’horizon du patrimoine architectural de la région, quelques lieux peuvent être plus particulièrement signalés. Du tumulte des affrontements restent encore de nombreux témoignages gravés dans le paysage, les plus remarquables étant les fortifications de Vauban, très bien conservées dans les villes comme Maubeuge, Lille et surtout Bergues ou Le Quesnoy.
Pour admirer des beffrois, vous pourrez vous rendre à Arras, Béthune, Calais, Bailleul, Amiens ou Compiègne (qui a un style plus gothique et élégant). Ces emblématiques tours trônent le plus souvent au milieu des places de marché où se font encore aujourd’hui les rassemblements populaires. Les beffrois sont une des grandes fiertés de la région, 23 d’entre eux sont classés par l’Unesco depuis 2005. Construits entre le XIe et le XVIIe siècle, ils ont été majoritairement érigés grâce à l’essor économique et la naissance de bourgs commerciaux administrés par des marchands. Ces marchands devenus bourgeois revendiquaient une autonomie auprès de leur suzerain.
Il faut également noter l’importance des hôtels de ville dans le patrimoine de la région, importance qui a égalé celle des édifices religieux au fil de longs siècles de lutte pour l’autonomie des cités. On citera ceux de Lille, de Dunkerque, de Calais ou d’Armentières.
Des châteaux nombreux dans l'ancienne Picardie
Les châteaux sont particulièrement nombreux dans les trois départements de l'ancienne région picarde. Vous y trouverez un très beau panel représentatif des différences architecturales médiévales. La première fonction des châteaux et constructions féodales était défensive : la position stratégique de l’Aisne obligea la fortification des villes d’importance, comme Château-Thierry, tandis que forteresses et autres bastions militaires côtoyaient les importants châteaux forts de l’est.
La Somme compte également bon nombre de ces édifices à Saint-Valery, Rue, Péronne…, lesquels furent peu à peu remplacés par des châteaux résidentiels lorsque la situation politique se fit plus sereine. Le plus bel exemple de construction de style Renaissance reste le château de Chantilly, érigé au XVIe siècle, qui servait de résidence aux princes de Condé. Plus à l’est dans l’Oise, à Compiègne, le Palais tel qu’il existe actuellement fut pensé au XVIIIe siècle dans un style classique par Jacques Ange Gabriel. Il a accueilli des rois et des empereurs et conserve de très belles pièces et un parc bien agréable en lien avec la forêt.
Plus original dans sa conception parfois controversée, le château de Pierrefonds est l’œuvre de Viollet-le-Duc, qui s’inspira des anciens châteaux forts pour le reconstruire. Dans l’Aisne, situation oblige, les fortifications entourent les châteaux comme celui des ducs de Guise, dont il ne reste que quelques vestiges. Dans la même veine, le château de Coucy date du XIIIe siècle et fut l’une des plus fameuses forteresses de France avant sa destruction partielle. En revanche, le château de Condé-en-Brie, du XVIe siècle, est parfaitement conservé. Sur le territoire de la Somme, on trouve le château fort de Rambures et celui de Péronne.
Dans le Pas-de-Calais, on citera deux beaux exemples très différents : le château de Boulogne-sur-Mer, une forteresse devenue musée dans la vieille ville, et, dans un style très différent, le très élégant château d’Hardelot, qui accueille désormais un centre culturel franco-anglais consacré à l’Entente Cordiale.
Une architecture religieuse bien présente
La région possède quelques perles de l’architecture religieuse de France. Joyau des joyaux, la cathédrale Notre-Dame d’Amiens date du début du XIIIe siècle. Véritable chef-d’œuvre gothique, elle fut créée par Robert de Luzarches qui combina la démesure des parures extérieures aux vitraux, tours et sculptures dans un seul grand ensemble classé au patrimoine mondial de l’Unesco. La cathédrale Saint-Pierre de Beauvais se distingue également par son chœur gothique (le plus haut du monde avec 47 mètres). Datant du XIIIe siècle, elle n’a jamais vraiment été terminée, car il manque encore la nef.
Autre bijou, l’élégante cathédrale de Laon domine la ville haute et se voit à plusieurs kilomètres à la ronde. Senlis compte aussi une cathédrale de renom, qui s’inscrit parfaitement dans les vieilles pierres du paysage. À Noyon, une grande église accueillit le couronnement de Charlemagne. Il s’agit ni plus ni moins de la plus ancienne cathédrale gothique de la région. Quelques cathédrales du Nord méritent également le détour, telles Notre-Dame-de-Grâce de Cambrai, la basilique du Saint-Cordon de Valenciennes ou encore la sublime tour abbatiale de Saint-Amand-les-Eaux.
Le patrimoine sacré ne s’arrête bien évidemment pas à ces édifices puisque, à cela, il faut ajouter les collégiales, dont celle d’Abbeville, inachevée depuis le début de sa construction au XVe siècle, mais proposant un bel exemple de style gothique flamboyant. Bien avant cela se construisait la basilique de Liesse au XIIe siècle. Les abbayes et les prieurés sont fortement présents dans la région, comme à Saint-Riquier ou à Valloires dont les célèbres jardins fleuris valent le détour. N’oublions pas l’abbaye de Vaucelles, classée monument historique, située dans la vallée du Haut-Escaut sur la commune de Les Rues-des-Vignes à 10 km de Cambrai et à 24 km de Saint-Quentin.
Une architecture militaire héritée des anciens conflits
D’anciens bastions se retrouvent encore dans la région, des vestiges de fortifications encouragées par la situation stratégique de la zone. Ces premiers édifices sont construits au XVe siècle, après l’introduction des armes lourdes. Il faudra cependant l’arrivée de Vauban (1633-1707) et de son génie militaire pour que les lignes de défense deviennent réellement efficaces.
Chacune de ses fortifications prend la forme d’une étoile à branches multiples, les bastions étant disposés de manière à offrir le meilleur angle de vision possible aux défenseurs. Certaines sont conservées en l’état, mais d’autres ont souffert des affrontements du XIXe et surtout du XXe siècle.
Les plus beaux exemples encore visibles se trouvent à Bergues, Lille, Le Quesnoy, Maubeuge ou Arras. La route des villes fortifiées suggère par ailleurs aux amateurs de fortifications les villes à visiter dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie. Elle vous permettra d'aller à la rencontre de ces témoignages du passé, plus ou moins bien conservés et entretenus.
Des moulins à vent plus très nombreux
Tandis que les moulins à eau continuent de tourner au gré du courant, les moulins à vent, qui ont pourtant peuplé toute la région, ne sont plus très nombreux. Leur construction remonte au Moyen Âge, souvent au XIe siècle. Rapidement, les techniques se sont affinées pour donner ce que certains appellent les « géants du Nord » et les constructeurs ont su adapter chaque moulin à son environnement. Les moulins peuplaient surtout trois départements : le Pas-de-Calais, la Somme et le Nord qui en comptait le plus grand nombre dans ses Flandres bien exposées.
Lors de la guerre de 1914-1918, tous les moulins situés sur la ligne de feu ont été rasés. Aujourd’hui, s’ils ont perdu leur rôle économique, les moulins sont devenus des points d’attraction touristique et des centres d’animations et de festivités. Quelques-uns d’entre eux ont été rénovés ou même reconstruits pour perpétuer la tradition du pressage artisanal de céréales et d’oléagineux. Quelques meuniers sont encore en activité et produisent essentiellement de la farine, en petite quantité.