Aux origines
Turin et Milan sont toutes deux bâties sur d’anciens castra romains dont elles ont hérité leur plan en damier. A Turin, la via XX Settembre vous mènera à une zone archéologique où chaque édifice de brique traduit le pragmatisme romain. Mais c’est à Aoste que les plus beaux vestiges romains sont à découvrir, le triomphal arc d’Auguste en tête. A Milan, vous ne pourrez qu’être émerveillé par la splendeur décorative des premières basiliques paléochrétiennes dont les décorations absidiales en mosaïques à fond d’or reflètent l’influence de Byzance. Sans doute l’une des plus grandes églises à plan circulaire de l’Empire romain d’Occident, ne manquez pas l’église San Lorenzo Maggiore et sa chapelle Sant’Aquilino. Quelques siècles plus tard, ces basiliques serviront de base aux édifices romans, à l’image de la superbe église Saint-Ambroise de Milan avec son très beau portique. Baptistères, campaniles ou tours-clochers comptent parmi les grands attributs des édifices romans, ces derniers portant bien souvent la marque du roman lombard caractérisé par une grande sobriété formelle soulignée par une recherche décorative raffinée dont la bande lombarde - décoration en saillie faite de bandes verticales reliées par des arcatures aveugles - est la plus célèbre représentante. La cathédrale de Trente est l’un des chefs-d’œuvre du roman lombard. Cette période est aussi celle de l’affirmation des cités-Etats qui se fortifient à grand renfort de châteaux et de remparts. Le château de Sirmione, sur les rives du lac de Garde, avec ses enceintes dont la hauteur croît à mesure que le donjon approche, est un modèle en la matière. Puis progressivement ces silhouettes imposantes et crénelées vont se transformer en châteaux-palais à la période gothique. En matière religieuse, les édifices s’affinent et prennent de la hauteur, à l’image du Duomo de Milan et ses superbes vitraux polychromes. C’est aussi le développement du pouvoir civil qui se manifeste dans des édifices tel le broletto ou palais municipal, avec des galeries à arcades en rez-de-chaussée et des salles richement décorées à l’étage. Celui de Côme est l’un des plus beaux.
De la Renaissance au renouveau
Le Duomo, avec sa belle façade de marbre blanc, est l’unique exemple d’architecture Renaissance à Turin… il ne faut donc pas le manquer ! A Milan, c’est Bramante, célèbre disciple de De Vinci, qui va développer harmonie et sens des proportions dans des édifices comme le presbytère Santa Maria delle Grazie. La Renaissance se lit aussi dans les villas aux somptueux jardins savamment ordonnés, à l’image de la Villa d’Este et son jardin à l’italienne sur le lac de Côme. Nouvelle capitale des Savoie, Turin se voit entourée de somptueuses demeures surnommées la « Couronne des Délices de Savoie » dont la richesse ornementale annonce l’effervescence baroque. Car c’est bien dans le Piémont que va se développer un baroque tout entier dédié à la mise en scène du pouvoir. La grande figure de l’époque est Filippo Juvarra qui va intervenir sur des chefs-d’œuvre tels que la basilique Superga avec sa somptueuse coupole ou bien encore la Veneria Reale, la plus belle demeure des Savoie. Cette théâtralité baroque trouve son apogée dans l’aménagement de l’Isola Bella où trônent le somptueux palais des Borromées et son jardin étagé en 10 terrasses où pointe déjà l’exubérance rococo. Le XVIIIe siècle se fera, lui, néoclassique. On retrouve ses lignes claires et ses proportions harmonieuses dans de nombreux théâtres, la Scala de Milan en tête, et dans les belles villas des lacs. Le XIXe siècle sera, quant à lui, le siècle de l’effervescence urbaine. Milan et Turin se déploient bien au-delà de leurs enceintes originelles à grand renfort de larges boulevards arborés qui relient entre elles des places agrandies et sublimées par la multiplication de superbes galeries couvertes. Si l’emploi du portique autour d’une place n’est pas nouveau, l’usage de structures métalliques supportant de grandes verrières constitue, lui, une grande nouveauté. Un élan de modernité qui trouve son chef-d’œuvre dans la Mole Antonelliana de Turin, alors le plus haut édifice en maçonnerie d’Europe. C’est aussi le temps d’un éclectisme romantique dont le Borgo Medievale, reconstitution d’un village piémontais à l’occasion de l’Exposition Générale Italienne de Turin, est le plus populaire des représentants.Vitalité créatrice
Dans les années 1930, la rencontre de l’architecture et du fascisme donne naissance à un style mêlant emprunt aux canons antiques et rationalité géométrique. Giuseppe Terragni est le grand représentant de ce mouvement et c’est à lui que l’on doit notamment la célèbre Casa del Fascio de Côme. La Seconde Guerre mondiale n’épargne pas les grandes villes du Nord. Il faut reconstruire. C’est ainsi que Milan va se transformer en terre du modernisme. Les années 1950 et 1960 sont celles du béton que l’on retrouve dans des structures devenues emblématiques comme le gratte-ciel Pirelli de Gio Ponti et Pier Luigi Nervi ou la Tour Velasca. A Turin, le centenaire de l’unité italienne est l’occasion de construire de nouveaux édifices dont l’étonnant Palazzo del Lavoro de Nervi à l’audacieuse structure de béton et de métal. Le nord de l’Italie devient alors une terre d’accueil pour les plus grands architectes. A Turin, ne manquez pas la Tour Intesa San Paolo de Renzo Piano ou bien l’église de la Sainte-Face de Mario Botta. Milan regorge de tant d’œuvres de starchitects qu’on ne peut toutes les citer. Mais parmi les plus emblématiques, notons : la Fondation Prada de Rem Koolhaas, la tour Union Credit de Cesar Pelli, la Fondation Feltrinelli d’Herzog & de Meuron, et surtout, le tout nouveau quartier City Life au cœur duquel se trouve la place Tre Torri entourée des tours dansantes de Daniel Liebeskind, Arata Isozaki et Zaha Hadid. C’est aussi à Hadid que l’on doit le Messner Mountain Museum du Plan de Corones, une prouesse architecturale blottie dans la roche pour ne pas briser l’harmonie de ces paysages qui abritent également de très belles réalisations traditionnelles de pierre et de bois. Et n’oublions pas le design, dont Milan est la grande capitale, mais qui s’expose aussi à Turin dans d’anciens bâtiments industriels réhabilités, à l’image des OGR, les entrepôts de réparation du matériel roulant. Surprenant !