Election de Trump : la nuit cauchemardesque des supporters d'Hillary Clinton à Honolulu

Le verdict est tombé : Donald Trump a été élu. Il sera donc le 45ème Président des Etats-Unis et sera investi à la Maison Blanche le 20 janvier 2017. Une victoire contre toute attente qui a stupéfait tous les observateurs politiques du globe.

Actuellement en mission à Hawaï pour écrire le prochain guide sur la destination, nous avons assisté, ce 8 novembre 2016, aux résultats des élections au QG des démocrates à Honolulu, ville de naissance de Barack Obama.

Récit d'une soirée qui a tourné au cauchemar pour les partisans d'Hillary Clinton, nombreux à Hawaï, un Etat traditionnellement démocrate.

Aux Etats-Unis, les citoyens assistent généralement aux résultats des élections chez eux, en famille, devant leur écran de télévision. Alors quand nous avons commencé à demander aux locaux, où les partis politiques des deux candidats allaient se réunir pour les résultats des élections, personne n'a su nous répondre.

Pour avoir la bonne information, nous nous sommes donc rendus au QG du parti démocrate dès son ouverture à 9h, au centre d'Honolulu. Là, un des militants nous a gentiment convié à la soirée électorale du QG qui allait donc se tenir au Centre Culturel japonais à Honolulu.

Papier d'invitation en poche, on sait qu'il faudra être à 18h sur place. Les résultats commenceront à tomber à cette heure-là.

17h30

On prend un Uber à Waikiki pour se rendre au centre culturel japonais et assister aux résultats chez les Démocrates. Très vite, on explique au chauffeur où l'on se rend. Le jeune homme hawaïen, métissé comme beaucoup de locaux, soutient Hillary. Pour lui, Trump ne peut pas remporter les élections.

Quand soudain une information tombe : Trump vient de remporter l'Ohio, un Etat clé. Il est sous le choc. " Non ce n'est pas possible, ce n'est pas vrai. L'Ohio c'est énorme. C'est mauvais signe. Franchement, si Trump est le prochain président des Etats-Unis, je quitte le pays et je vais vivre en Nouvelle-Zélande. " Il est vrai que la Nouvelle-Zélande n'est qu'à quelques heures de vol d' Hawaï...

Au même moment, Hillary Clinton twitte " Quoiqu'il arrive ce soir. Merci à tous pour votre soutien. " Pas vraiment un ton de victoire.

18h

On arrive au Centre Culturel Japonais. Direction la Manoa Ballroom, la salle au 5ème étage, où s'est donc réuni le QG du parti démocrate pour la soirée.

Et là, c'est la stupeur. La salle est quasiment vide, le public est clairsemé. Les visages sont inquiets et fermés. L'ambiance n'est vraiment pas à la fête. Pourtant, la salle a des airs de kermesse. Des banderoles " Hawaii Together with Hillary " sont partout, un grand buffet gratuit est offert aux convives et des artistes défilent sur scène.

Mais au moment de notre arrivée, même la musique n'est pas joyeuse. Le chanteur interprète le fameux " My Way ". Pas vraiment une chanson de victoire non plus...

Pourtant, un des militants nous dit " Tout n'est pas perdu, si Hillary remporte quelques Etats-clés comme la Floride, elle peut encore gagner. "

19h-21h

Mais au fur et à mesure que la soirée avance, les résultats ne sont pas bons. Hillary perd de nombreux Etats clés, dont la Floride. Il semble qu'elle soit en train de perdre à plates coutures.

Des militants ont les larmes aux yeux. Sur scène, un nouveau groupe de musique essaie de mettre du baume au coeur aux militants mais la tristesse s'installe. La tension est palpable sur les visages.

Certains militants quittent même la salle, dépités.

Vers 19h30, le sénateur démocrate hawaïen, Brian Schatz, prend la parole. Il est très ému, son regard est embué. Il fait un discours où il exprime sa tristesse et sa stupéfaction " Ce soir, nous réalisons avec effroi à quel point un grand nombre de citoyens de ce pays ne partagent pas nos valeurs de tolérance et de respect des minorités. " Il remercie aussi tous les militants avec beaucoup d'émotion.

Les jeux ne sont pas faits mais il est clair que la défaite d'Hillary est imminente. Une militante prend sa tête dans ses mains et semble assommée, à la vue des résultats qui tombent : Trump est en train de rafler la plupart des Etats américains dont des Etats clés. C'est un désastre.

Même si la défaite d'Hillary Clinton n'est finalement officialisée que quelques heures plus tard, tout le monde sait déjà qu'elle a perdu.

Quand on recroise le militant qui nous avait invités à la soirée, on lui demande " Alors vous pensez qu'elle peut encore gagner ? ". " C'est presque impossible maintenant. Elle va certainement perdre. " dit-il en retenant ses larmes.

Et, en effet, Hillary Clinton a perdu.

Et, même si les démocrates ont remporté l'État d'Hawaï, la victoire de Trump a véritablement sonné ces militants qui n'en reviennent toujours pas.

21h-23h

On quitte le QG des démocrates et on retourne à Waikiki.

Là aussi, une sorte d'ambiance de fin du monde règne au paradis. Les bars comme le Duke, habituellement animés et où tous les touristes s'encanaillent en écoutant du ukulélé, sont presque vides, comme si les hawaïens étaient en deuil.

Devant une ambiance si lourde, on s'installe finalement sur la plage de Waikiki pour respirer un peu. Quand soudain on aperçoit des moines bouddhistes s'amuser dans l'eau. Oui. Une image surprenante, surréaliste. Et, en dehors des supporters de Trump qu'on n'a pas croisés, ces moines semblent bel et bien les seuls à s'amuser ce soir à Waikiki.

Intrigués, on interroge ces moines sur leur présence ici...

Ils sont venus présenter leur film au festival du film d'Honolulu qui a lieu en ce moment dans la capitale hawaïenne.

Il s'agit d'un documentaire " 1000 hands of the guru " qui raconte leur travail pour préserver les arts sacrés dans leur pays. Pour eux, c'est une consécration d'être ici et de sauter dans les eaux cristallines de Waikiki. L'un d'entre eux sait même surfer, il est au anges.

Trump ? Ils n'y pensent pas. On sent même que c'est le cadet de leurs soucis.

Cette rencontre a donc été une vraie soupape dans cette soirée si tendue. Un moment de zénitude avec des moines venus d'un pays qui a fait du bonheur une de ses priorités nationales.