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La Grèce compte près de 11 millions d’habitants. Cela en fait le 10e État le plus peuplé de l’Union européenne et le 83e à l’échelle mondiale. Par sa taille, sa population est comparable à celle de la Belgique ou de la région Île-de-France. Mais, du fait d’un fort déclin démographique, cela est en train de changer. En revanche, le pays semble toujours présenter une certaine homogénéité au niveau ethnique. Certes, depuis l’Antiquité, le territoire a accueilli de nombreux peuples. Mais il existe une certaine continuité historique d’une « ethnie grecque ». Au sein du pays et de la vaste diaspora grecque, cette unité se trouve en outre renforcée par l’usage de la langue écrite la plus ancienne toujours parlée. Autre facteur de cohésion : la religion. Ainsi, officiellement, en Grèce, les habitants sont à 98 % grecs et chrétiens orthodoxes. Il s’agit toutefois d’une réalité mouvante. On s’aperçoit en effet que les Grecs eux-mêmes sont d’origines très diverses, que des minorités peu visibles existent bel et bien et que le poids des étrangers ne cesse de croître.

Dans les rues d'Athènes © lornet - Shutterstock.com.jpg

Un pays qui se vide

Lorsqu’on est en vacances à Athènes ou dans les îles en été, la Grèce donne une impression de forte densité, accentuée par la présence de 20 millions de touristes chaque année. Pourtant, le pays est de plus en plus vide : sa population est en baisse, ses jeunes partent à Athènes ou en Allemagne et ses campagnes deviennent des déserts.

Une démographie en berne. La Grèce compte à peu près 11 millions d’habitants. Mais ce chiffre, longtemps stable, est en train de changer. Déjà, depuis les années 1980, la Grèce possède un taux de fécondité parmi les plus bas d’Europe : 1,30 enfant par femme en moyenne depuis quarante ans. Ainsi, si la population a continué de croître légèrement, c’est surtout grâce à l’apport de l’immigration albanaise. Le problème, c’est qu’un nouveau facteur est apparu en 2009 : la crise économique et financière. Celle-ci a entraîné un exode des jeunes Grecs (environ 500 000 personnes en dix ans), notamment vers l’Allemagne, mais aussi une baisse de la natalité (il y a désormais plus de décès que de naissances), tandis que la population a vieilli (l’âge médian était de 25 ans en 1950, il est désormais de 45 ans). Ainsi, depuis 2015, le pays est repassé sous la barre des 11 millions d’habitants. En 2018, les Grecs n’étaient plus que 10 738 000. Comme aucune mesure suffisante n’est prise, le phénomène devrait s’aggraver. Les projections donnent des estimations à moins de 10 millions d’habitants en 2030 et à moins de 8 millions en 2080. Il faut noter que la situation est similaire dans le reste des Balkans (Bosnie-Herzégovine, Albanie, Serbie…).

Des populations déracinées. La Grèce du début du XXe siècle ne possédait pas du tout la même population que le pays actuel. Déjà, c’était une mosaïque de peuples : des Grecs, des Turcs, des Slaves, des Albanais, des juifs, des Roumains… Après le rattachement de la Grèce du Nord au Royaume en 1912, les composantes non-hellénophones et non-orthodoxes sont assimilées ou contraintes à l’exil. Puis, lors de la « Grande Catastrophe » de 1923, un million de Grecs d’Asie Mineure et de mer Noire sont à leur tour chassés de Turquie, et la majorité d’entre eux vient s’installer sur le territoire de la Grèce actuelle. La guerre civile grecque (1946-1949) va également avoir un impact sur la démographie avec des villages vidés et d’importants mouvements de population à travers tout le pays. Dans les années 1960, alors que les Grecs émigrent massivement vers l’Allemagne, on constate aussi l’arrivée de nouvelles petites communautés grecques chassées d’Istanbul ou d’Alexandrie. En parallèle à toutes ces migrations, le pays est marqué pendant un siècle par un fort exode rural, qui s’accélère entre les années 1950 et 1980. Le résultat de ces déracinements successifs a rendu la population du pays homogène, officiellement grecque et orthodoxe à plus de 95 %. Mais la majorité des familles grecques ne sont le plus souvent pas originaires de l’endroit où elles habitent aujourd’hui. Et la relative stabilité de la population depuis deux ou trois générations est de nouveau remise en cause par la crise de 2009, avec de nouvelles migrations internes et externes.

Le poids des villes. Résultat des chocs des guerres et de la pauvreté, la population grecque s’est largement déplacée vers les villes à partir des années 1920. Un siècle plus tard, on constate que les villes concentrent aujourd’hui 80 % des habitants du pays. Le souci, c'est que, à elle seule, l’agglomération d’Athènes absorbe 3,8 millions d’habitants, soit 35 % de la population. Et si l’on ajoute Thessalonique (1 million d’habitants), les deux premières villes du pays représentent 45 % de la population. Cela crée un déséquilibre dans l’occupation du territoire, d’autant qu’Athènes et Thessalonique sont plus jeunes et possèdent l’essentiel de l’activité économique. Aucun autre pôle n’est en mesure de rivaliser, puisque seules trois autres villes dépassent les 100 000 habitants : Patras (Péloponnèse) avec 210 000 habitants, Heraklion (Crète) avec 170 000 habitants et Larissa (Thessalie) avec 160 000 habitants. Ainsi, alors que la densité moyenne est de 81 habitants au km2, en dehors de ces cinq villes, elle s’établit le plus souvent entre 0 et 30 habitants/km2. Autant dire que le reste du pays est presque vide. Et la crise de 2009 a encore accentué le problème avec davantage de jeunes ruraux à la recherche d’emploi venant en ville, et des villages peuplés de retraités ou carrément abandonnés partout à travers la Grèce.

Les « minorités » grecques

Officiellement, la population du pays est à 98 % grecque et orthodoxe. Cette apparente homogénéité est à nuancer. Car, sans même parler des immigrés (au moins 10 % de la population) ni des minorités ethniques et religieuses, elle masque les origines très variées des Grecs eux-mêmes.

Les Micrasiates. Un Grec sur deux a au moins un ancêtre venu d’Asie Mineure (Mikra Asia en grec), vaste région qui recouvre l’actuelle Turquie et les rives de la mer Noire, et qui appartenait à la civilisation grecque durant l’Antiquité. Environ 1,2 million de Grecs furent chassés de Turquie lors de la « Grande Catastrophe » de 1923. Arrivés avec toute une culture orientale, ils ont très fortement influencé la Grèce actuelle que ce soit par leur musique (le rébetiko), par leur cuisine ou par leurs revendications politiques, qui ont souvent pesé dans les relations entre Athènes et Ankara. Aujourd’hui complètement intégrés à la société grecque, les Micrasiates (ou Grecs d’Asie Mineure), sont orthodoxes et ont donné au pays quantité de personnalités de premier plan. Mais on distingue parmi eux plusieurs sous-communautés tels les Grecs de Smyrne (aujourd’hui Izmir) ou de Constantinople (Istanbul) avec pour chaque groupe ses traditions comme la cuisine smyrniote, plus épicée, ou le football, avec les grands clubs de l’AEK (Athènes) et du PAOK (Thessalonique) fondés par des réfugiés de Constantinople. Les Pontiques constituent quant à eux presque une minorité à part au sein des Micrasiates. Originaires de la mer Noire (autrefois appelée le Pont-Euxin), ils seraient entre 400 000 et 1 million en Grèce aujourd’hui. Pour la majorité d’entre eux, leurs familles chassées de Turquie sont arrivées ici à partir de 1923. Elles ont été rejointes par d’autres Pontiques de Géorgie, de Russie ou d’Ukraine après l’effondrement de l’URSS en 1991. Ces derniers arrivants sont parfois moins bien intégrés, qualifiés de « Russes » et l’objet de nombreuses blagues (comme les Belges au sujet des Français et inversement). Et, toujours parmi les Micrasiates, il faut évoquer une communauté originaire de Cappadoce (partie orientale de la Turquie) : les Karamanlides, environ 200 000 turcophones orthodoxes qui furent assimilés aux Grecs lors de l’échange de populations de 1923. Certaines familles pontiques et karamanlides continuent de parler des langues turques à la maison, mais utilisent le grec à l’extérieur. Ces populations ont été utilisées pour repeupler les villes et les villages vidés de leurs habitants turcs, slaves ou juifs dans les années 1920, principalement en Crète, en Macédoine et en Thrace orientale. Par ailleurs, les Micrasiates constituent une grosse partie de la population d’Athènes et environ la moitié de la diaspora grecque travers le monde.

Les Grecs catholiques. Au pays de l’orthodoxie, il existe 200 000 catholiques, dont seulement 70 000 sont des Grecs. Cette petite communauté se retrouve surtout à Athènes et dans d’anciennes possessions vénitiennes et italiennes comme les Cyclades, la Crète, Corfou et le Dodécanèse. Ils représentent même la moitié de la population à Syros et à Tinos (Cyclades). Bien intégrés mais encore souvent qualifiés de Frangi (« les Francs »), ils suivent pour l’essentiel le rite latin de l’Église catholique romaine. Toutefois, 6 000 d’entre eux appartiennent à la méconnue Église grecque-catholique hellène. Bien que placée sous l’autorité du pape, celle-ci suit les mêmes rites byzantins que les orthodoxes, avec notamment l’autorisation du mariage pour les prêtres.

Les Saracatsanes. À l’origine implantés dans le massif du Pinde, mais aussi dans le Péloponnèse, en Macédoine, en Thrace orientale, en Thessalie et dans l’Eubée, ils sont environ 80 000 en Grèce et quelques milliers en Albanie et en Bulgarie. Il s’agit d’une ancienne tribu de bergers et bandits parlant un dialecte proche du grec ancien. Peuple nomade et rebelle, les Saracatsanes ont été sédentarisés de force sous la dictature de Metaxas, en 1938. Eux-mêmes se disent grecs, mais ethnologues et historiens ne sont pas d’accord sur leurs origines : peut-être sont-ils des Aroumains ou des Bulgares hellénisés, les descendants des Pélasges (les habitants de la Grèce durant la période achéenne), ou encore le résultat d’un melting-pot de différents peuples. Opposés au gouvernement d’Athènes durant la guerre civile (1946-1949), les Saracatsanes rallièrent en masse les pays communistes voisins avant d’en être chassés. Aujourd’hui installés dans les grandes villes, ils sont réputés pour leur folklore et sont souvent encensés pour leur bravoure.

Les Maniotes. Les habitants du Magne (le « doigt » central du Péloponnèse) sont environ 20 000 à vivre dans une des régions les plus déshéritées du pays. Si leur appartenance à l’ethnie grecque ne fait aucun doute, ils occupent une place à part dans l’imaginaire collectif. Leur vieux dialecte les rattache directement au grec laconien parlé par les Spartiates durant l’Antiquité et leur péninsule reculée constitua un refuge pour les Grecs lors de l’arrivée des Avars et des Slaves au VIe siècle. À la fois bergers, bandits et pirates, ils restèrent attachés à l’héritage byzantin, infligeant une lourde défaite au prince de Morée Guillaume II de Villehardouin en 1259 et forçant les Ottomans à leur garantir une autonomie politique. Mais les conflits claniques et les vendettas familiales poussèrent une partie des habitants à l’exil, notamment en Corse au XVIIe siècle. Fer de lance de la Guerre d’indépendance à partir de 1821, les Maniotes s’opposèrent ensuite longtemps à l’État grec. La pauvreté a depuis contraint une majorité d’entre eux à l’exode, en particulier vers Athènes.

Les Souliotes. Dans l’Épire, la vallée de Souli compta jusqu’à 12 000 habitants au XIXe siècle. Ils ne sont plus que 700 aujourd’hui. Ethniquement albanais mais parlant grec et de confession orthodoxe, les Souliotes furent des guerriers redoutés, s’opposant au puissant Ali Pacha de Ioannina, avant de rallier les troupes napoléoniennes au sein du Régiment albanais. Ils furent ensuite de tous les combats, de la Guerre d’indépendance à la résistance contre les nazis. Chassés de leur vallée par la pauvreté dans les années 1950, ils n’en demeurent pas moins, comme les Maniotes, l’un des modèles de l’identité grecque moderne.

Les minorités ethniques

Carrefour entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique, la Grèce fut dès l’Antiquité constituée d’une mosaïque de peuples. Mais, de 1830 à 1977, l’État grec a mené une politique d’hellénisation forcée (ou « nettoyage ethnique ») qui a quasiment fait disparaître les minorités non-grecques, soit en les chassant, soit en les assimilant.

Les Albanais. Ils seraient environ un million en Grèce, soit près de 10 % de la population. La plupart se sont installés dans les années 1990, après les deux chocs que le pays voisin a connus : la chute du régime communiste de Tirana (1991) et la « crise des pyramides » (1997). Leur arrivée a été massive et a longtemps provoqué un fort sentiment anti-albanais au sein de la population grecque. Aujourd’hui, les choses sont plus apaisées : les immigrés albanais ont participé à l’essor économique du pays et ont permis de repeupler de nombreux villages et petites villes qui étaient en perdition. L’intégration, d’abord freinée par les autorités, s’est toutefois faite assez facilement, grâce à la proximité culturelle entre les deux peuples. Si les Albanais sont à 60 % musulmans, ils sont peu pratiquants et restent marqués par les traditions orthodoxes héritées des Byzantins. Leur langue est différente, mais le grec est parlé ou compris dans la plupart des régions du sud de l’Albanie. Par ailleurs, les Grecs et les Albanais sont les deux plus anciens peuples des Balkans. Ils ont tissé des liens étroits tout au long de l’histoire : les Grecs colonisant l’Illyrie (Albanie) pendant l’Antiquité et les Albanais venant s’installer en Grèce au Moyen Âge. Appelées les Arvanites (orthodoxes) et les Tsamides ou Chams (musulmans), les anciennes populations albanaises constituaient la majorité des habitants de villes comme Athènes et Ioannina lors de l’indépendance, en 1829. De nos jours, il est difficile de noter la présence des Albanais en Grèce, tant ceux-ci se sont fondus dans la population locale. Et l’intégration est désormais officiellement admise. Après deux grandes vagues de régularisations (en 2003 et en 2010), en 2015 l’État a enfin accordé la nationalité grecque aux enfants albanais nés et vivant en Grèce. Une mesure qui permet aussi de lutter contre le déclin démographique.

La minorité dite « turque ». C’est la seule minorité ethnique reconnue par l’État et un cas tout à fait unique dans l’Union européenne. Selon l’accord de Lausanne de 1923, la Grèce est tenue de conserver sur son territoire une minorité de musulmans officiellement désignés comme « turcs ». Ceux-ci sont cantonnés dans une partie de la Thrace orientale, près de la Bulgarie, où s’appliquent certains aspects du droit islamique et de l’ancien droit ottoman. Environ 150 000 personnes vivent ainsi autour de la ville de Xhanti. Il s’agit pour les deux tiers d’entre eux de Turcs, mais aussi de Pomaks, de Roms, ou encore d’Africains. Sous la pression d’Ankara, l’ensemble des « Turcs » de Thrace orientale bénéficie toujours de certains avantages comme une fiscalité réduite et des écoles bilingues. Mais le fait que le pouvoir judiciaire soit localement confié à des muftis (nommés par l’État) est considéré comme discriminatoire par le Conseil de l’Europe. Et, en dehors de la Thrace, cette minorité de citoyens grecs connaît des problèmes d’intégration aggravés par différentes vexations comme les refus administratifs quant à l’obtention de salles de prière et de lieux de sépulture musulmans.

Les Turcs du Dodécanèse. Hormis en Thrace orientale, où ils sont environ 100 000, les Turcs sont encore présents à Rhodes (environ 3 500 personnes) et Kos (2 000), deux îles proches de la Turquie. Il s’agit souvent de descendants de familles de Crète, où les Turcs représentaient la moitié de la population avant d’être chassés de l’île en 1923. L’archipel du Dodécanèse constitua alors un refuge, puisqu’il est resté sous domination italienne jusqu’en 1947.

Les Slaves. Arrivés à partir du VIe siècle, ils étaient bien implantés, voire majoritaires, en Macédoine, en Thrace et dans le Péloponnèse. Mais après 1912, les Slaves de Grèce ont été chassés en nombre ou assimilés. Aujourd’hui, on estime qu’ils sont entre 50 000 et 250 000, principalement dans les régions du nord. On distingue parmi eux les Pomaks (Slaves islamisés), qui seraient entre 15 000 et 50 000, et les Bulgares orthodoxes, qui pour la plupart se disent « Slaves de Macédoine » ou « Macédoniens » et entretiennent des liens étroits avec la Macédoine du Nord. L’usage des langues slaves du sud (bulgare, slavo-macédonien et variantes locales) tend à se perdre faute d’enseignement et aussi à cause de la pression sociale. Quant aux toponymes slaves, ils ont presque tous été hellénisés. L’exemple le plus frappant se trouve dans le Péloponnèse : le village de Tsimova a été renommé Areopoli en hommage au dieu grec de la guerre, Arès. C’est en effet là que débuta la guerre d’Indépendance grecque, le 17 mars 1821.

Les Roms. Présents dans les Balkans depuis le XIe siècle, ils seraient de 110 000 à 300 000 en Grèce, majoritairement de religion orthodoxe. Parlant romani et grec, ils sont pour l’essentiel sédentarisés autour des grands centres urbains et la municipalité d’Agia Varvara (agglomération d’Athènes) constitue leur fief le plus florissant. Réputés pour leurs musiciens, comme le grand chanteur Manolis Angelopoulos (1957-1989), la majorité d’entre eux connaît toutefois des conditions de vie très difficiles. Au sein de l'UE, c'est en Grèce que les Roms font l'objet des plus graves discriminations : chômage, manque d'accès aux services publics, interpellations arbitraires, etc.

Les Aroumains. Appelés aussi les Valaques (terme plus péjoratif), ce peuple de langue latine est dispersé à travers le sud des Balkans. En Grèce, ils seraient entre 50 000 et 200 000, principalement dans les régions du nord, dont seulement 2 000 personnes parlant encore l’aroumain. Les hypothèses les plus probables en font les descendants de colons romains ou de populations locales romanisées durant l’Antiquité. Mais ils sont considérés comme roumains par les autorités de Bucarest (même s’ils ne parlent pas le roumain). Souvent issus de familles de commerçants et de bergers qui ont fait fortune lors des grandes transhumances de moutons à travers les Balkans, les Aroumains de Grèce se considèrent comme grecs et sont majoritairement orthodoxes. La communauté compte des personnalités importantes, comme la famille Boutaris (vins de Macédoine) et les philanthropes du XIXe siècle Zappas et Averoff. On distingue aussi quelque 2 000 Méglénites, des Aroumains musulmans souvent considérés comme turcs.

Les juifs. S’ils ne sont aujourd’hui que 5 000 en Grèce, ils constituèrent d’importantes communautés jusqu’au début du XXe siècle, comme à Thessalonique, autrefois surnommée la « Jérusalem des Balkans ». La majorité était des descendants de séfarades chassés d’Espagne et du Portugal en 1492 et accueillis par les Ottomans. Mais il existait des communautés plus anciennes, comme les Romaniotes arrivés en Grèce du Nord durant la période romaine ou les juifs de Thèbes déplacés à Corfou par le roi Roger de Sicile en 1150. Environ la moitié des juifs ont fui le pays à partir de 1912. Et la Shoah fut ici particulièrement meurtrière : 60 000 juifs grecs furent massacrés par les nazis en 1943-1944 (86,7 % de la communauté), dont 50 000 rien qu’à Thessalonique. Ceux qui étaient partis avant s’installèrent principalement en Palestine, où ils construisirent le port d’Haïfa, et en France, avec d’illustres descendants comme Edgar Morin, Marcel Dassault, Nicolas Sarkozy ou Patrick Modiano, originaires de Thessalonique, ou encore, Georges Moustaki, de parents corfiotes.

Les Dönme. Au XVIIe siècle, quelques familles juives de Thessalonique se convertirent à l’islam et fondèrent une secte messianique. Conservant certains rites juifs et appelés les Dönme (« le retour » en turc), ils sont aujourd’hui environ un millier encore en Grèce. Assimilés aux Turcs, ils sont répartis entre Ioannina, Thessalonique et Alexandroupolis.

Les Arméniens. Ils sont entre 20 000 et 35 000, principalement orthodoxes, installés à Athènes, à Thessalonique et en Thrace. Fuyant le génocide de 1915, environ 100 000 Arméniens trouvèrent refuge dans les enclaves grecques d’Asie Mineure avant de partager le sort des Micrasiates en 1923. Accueillis en Grèce, ils émigrèrent ensuite en masse vers la France, comme la famille de Charles Aznavour, et les États-Unis d’Amérique. Une épopée narrée dans le film d’Elia Kazan, America America (1963).

Les Grecs africains. C’est la plus petite et la moins connue des minorités du pays. Personne ne sait exactement pourquoi ni depuis quand, mais un millier de Noirs musulmans vivent dans le village d’Avato (24 km au nord-est de Xhanti). Certains chercheurs estiment que leurs ancêtres étaient des esclaves des Ottomans au XVIIIe siècle, tandis que d’autres les voient comme les descendants de supplétifs soudanais de l’armée britannique au XIXe siècle. Bien intégrés aux Pomaks et aux Roms, ils pratiquent l'islam, parlent grec et turc et sont assimilés par l'État à la minorité dite « turque ».

Les étrangers en Grèce

Si la Grèce est traditionnellement un pays d’émigration, elle est aussi devenue une terre d’accueil. De nouvelles populations sont venues s’installer lors du boom économique des années 1980. Mais, hormis l’arrivée massive d'un million d’Albanais dans les années 1990, l’immigration est longtemps demeurée très faible. Toutefois, elle a soudain explosé (+ 1 000 %) avec la « crise des migrants », en 2015.

Les réfugiés. En 2015, 846 000 réfugiés, principalement des Syriens, Afghans et Irakiens fuyant leurs pays en guerre, sont arrivés en Grèce en l’espace de quelques mois. À l’échelle de la France, cela représenterait 6,5 millions de personnes débarquant soudainement. Cette crise sans précédent a provoqué la mise en place de la mission humanitaire la plus chère de l’histoire de l’ONU. La Grèce n’était pourtant qu’un « sas » vers les pays riches d’Europe,  puisque seuls 8 % des réfugiés ont fait une demande d’asile pour rester ici. Quelque 300 000 réfugiés vivent toujours en Grèce, le plus souvent parqués dans des camps gérés par l’armée autour d’Athènes, de Thessalonique et de Patras. Et, malgré des départs constants vers l’Europe du Nord, ce chiffre demeure stable, voire augmente. En effet, environ 10 000 réfugiés continuent d’arriver en Grèce chaque mois. Il s’agit toujours de Syriens, d’Afghans et d’Irakiens, mais aussi de Bengalis, de Pakistanais, ou encore de Somaliens. Lorsqu’ils ont la possibilité de sortir de leurs camps, ces immigrés s’intègrent peu à la population locale. Mais, même minoritaires, ceux qui ont choisi de rester en Grèce constituent désormais une source de main-d’œuvre bon marché pour les entreprises. Ainsi, on estime que les étrangers représentent 25 % de la population active, souvent à des postes dont les Grecs eux-mêmes ne veulent pas. Alors que le taux de chômage flirte avec les 20 % depuis 2009, le parti néo-nazi Aube Dorée a obtenu jusqu’à 10 % des voix en faisant campagne sur le thème de l’immigration. Mais, dans leur majorité, les Grecs se montrent plutôt conciliants, prêts à aider, sinon à tolérer les réfugiés. Car eux-mêmes restent souvent marqués par le souvenir de l’exil.

Les marins et ouvriers étrangers. Dans les ports grecs, vous remarquerez que la plupart des gros bateaux de pêche ont des équipages étrangers. Il s’agit le plus souvent d’Égyptiens. En 2010, Le Caire et Athènes ont signé un accord portant sur le développement de la pêche et de l’aquaculture en Grèce. Dans ce cadre, plusieurs milliers de pêcheurs égyptiens séjournent en Grèce de manière saisonnière ou permanente. Pour autant, la plupart ne disposent pas de permis de séjour et sont fréquemment la cible de l’extrême-droite. En tout, il y aurait environ 10 000 Égyptiens en Grèce. Par ailleurs, quasiment toute l’agriculture grecque tourne désormais grâce aux étrangers : ceux-ci représentent aujourd’hui 90 % des emplois salariés du secteur, avec des bergers venus de Bulgarie et des ouvriers agricoles asiatiques (dont 35 000 Pakistanais) ou albanais. Les Albanais constituent également la main-d’œuvre principale pour les entreprises du bâtiment et de la construction. La plupart de ces immigrés sont en situation illégale, mais ils sont désormais indispensables à l’économie grecque.

Les Philippins. Depuis les années 1990, c’est devenu une « mode » pour les riches familles athéniennes d’avoir une employée de maison originaire des Philippines. Cette tendance s’est propagée au reste du pays, si bien qu’on estime aujourd’hui que les Philippins (à 90 % des femmes) sont 40 000 en Grèce. L’État minimise le chiffre et parle de 5 000 personnes. Tout comme il minimise les conditions de travail de ces « bonnes à tout faire », souvent proches de l’esclavage.

Les ressortissants de l’U.E. Les citoyens non-grecs de l’Union européenne sont environ 150 000 à vivre en Grèce. On compte avant tout des Chypriotes (de langue grecque), des Allemands (le plus souvent d’origine grecque) et des Bulgares. Les Français seraient, eux, au nombre de 18 000, dont la moitié dans l’agglomération d’Athènes.

La diaspora grecque

Pendant l’Antiquité, le peuplement grec ne se résumait pas au seul territoire de la Grèce, mais couvrait presque l’ensemble de la Méditerranée. Aujourd’hui, c’est pareil, mais à une échelle mondiale, avec environ 10 millions de Grecs et hellénophones de Montréal à Melbourne et d’Alexandrie à Ajaccio.

Les vieilles communautés d'Europe du Sud et du Proche-Orient. Sur tout le pourtour méditerranéen, les descendants des antiques colonies grecques ont, pour la plupart, été assimilés aux populations locales au fil des siècles. Mais grâce à l’apport de nouveaux migrants, certaines communautés se sont maintenues. C’est le cas en Italie, où l’on note une présence hellène continue depuis le VIIIe siècle av. J.-C. avec aujourd’hui environ 30 000 personnes dont la langue maternelle est le grec moderne. Les régions de Calabre et des Pouilles sont quant à elles le fief des Grikos, une minorité de 60 000 personnes parlant un mélange de grec ancien et de grec byzantin. Juste en face, en Albanie, on recense 215 000 locuteurs, surtout dans le sud du pays, et officiellement reconnus en tant que minorité ethnique. En revanche, les Grecs ont quasiment disparu du reste des Balkans, à l’exception de la Roumanie où ils seraient 6 000. Plus loin, au-delà du Caucase, des Pontiques continuent de parler grec en Ouzbékistan et au Kazakhstan (environ 10 000 pour chacun) où ils furent déportés par Staline dans les années 1950. On retrouve 2 500 Grecs à Istanbul, massés autour du patriarcat de Constantinople, et un millier tout au plus dans le reste de la Turquie. Le pays compte également quelque 300 000 Grecs islamisés qui ne sont pas considérés comme faisant partie de la diaspora. De petites communautés subsistent en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Israël. L’État hébreu abrite par ailleurs 60 000 juifs originaires de Grèce. Quant à Chypre, c’est un cas à part, puisque c’est le seul autre pays où le grec est la langue nationale avec environ un million de locuteurs. Ils sont 5 000 en Égypte, principalement à Alexandrie, cité créée par Alexandre le Grand et abritant toujours un patriarcat orthodoxe. La plus récente des « colonies » grecques se trouve en Corse, avec un millier de personnes à Cargèse et à Ajaccio. Elle fut fondée par des Maniotes au XVIIe siècle (lire ci-avant). Si les descendants ont perdu l’usage de leur dialecte grec, certains continuent de se rendre à l’église Saint-Spyridon où les messes catholiques sont dites par un pope suivant le rite byzantin. Le reste de la France accueille environ 35 000 Grecs orthodoxes, arrivés récemment, ainsi qu’environ 30 000 descendants de juifs de Thessalonique.

Les communautés récentes du Nouveau monde et d’Europe du Nord. À l’image des armateurs Stavros Niarchos et Aristote Onassis, c’est pour fuir les graves crises de la Grande Catastrophe (1923) et de la guerre civile (1946-1949) que les Grecs ont émigré en masse vers les États-Unis d’Amérique ou l’Argentine. Les pays du Nouveau monde concentrent aujourd’hui la part la plus importante de la diaspora. Les communautés y sont généralement bien intégrées et composées aussi bien de citoyens grecs et chypriotes-grecs que de descendants de Grecs et Chypriotes-Grecs. La plus vaste est celle d’Amérique du Nord avec 3 millions de personnes aux États-Unis et près de 300 000 au Canada, dont 80 000 au Québec. Les Grecs sont environ 300 000 en Amérique du Sud, établis notamment à São Paulo (Brésil) et à Buenos Aires (Argentine). De l’autre côté de l’Atlantique, l’Afrique du Sud en accueille 140 000. Et en Australie, où la communauté compte 425 000 membres, Melbourne est considérée comme la troisième plus grande ville grecque au monde, après Athènes et Thessalonique, avec 150 000 habitants grecs (47 % de la population). Dans l’Ancien monde, si les Grecs ont délaissé la Méditerranée, ils ont gagné en nombre l’Europe du Nord à partir du XIXe siècle. Ancienne puissance colonisatrice (officielle) à Chypre et (officieuse) en Grèce, le Royaume-Uni recense 400 000 locuteurs grecs, dont 300 000 rien que pour la région de Londres. On trouve aussi des communautés d’environ 20 000 personnes en Belgique, en Suède et aux Pays-Bas, de 10 000 personnes en Suisse, et aux alentours de 5 000 personnes en Autriche, en Hongrie et en République tchèque. Mais le pays qui attire aujourd’hui le plus les Grecs, c’est l’Allemagne. Jusqu’à récemment, la communauté y était de 360 000 personnes. Or, depuis la crise de 2009, on estime que près de 300 000 nouveaux Grecs ont émigré plus ou moins temporairement outre-Rhin.

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