Vers 8 700 av. J.-C
L’arrivée d’Homo sapiens
C’est sur le site archéologique de Maroulas, près du village de Loutra, au nord-est de l’île de Kithnos, que se trouvent les plus anciennes preuves d’un peuplement humain découvertes à ce jour dans les Cyclades : des traces d’habitations, des sols dallés et des tombes mis au jour en 2001-2003 et datés entre 8 800 et 8 600 av. J.-C. Il s’agit d’un peuplement récent au regard de celui de la Grèce continentale, où Homo sapiens a tenté une première implantation il y a 210 000 ans, avant de s’installer durablement vers 40 000 av. J.-C. Pour autant, les premiers habitants de l’archipel bénéficient d’une avancée technologique considérable : venus du Proche-Orient, ils profitent des grandes inventions (agriculture, métallurgie…) du Croissant fertile (zone comprise entre l’Iran à l’Égypte actuels). Trait d’union entre deux mondes, les Cyclades vont ainsi donner naissance à la première véritable civilisation européenne.
3 200-1 050 av. J.-C
La civilisation cycladique
Société préhistorique de paysans, sculpteurs, marins et marchands, la « culture » ou « civilisation cycladique » a dominé l’archipel à partir de l’âge du bronze. Encore mal connue, elle n’a laissé aucun témoignage écrit, mais on retrouve sa trace du Portugal à la Serbie. Elle est surtout célèbre pour ses sculptures raffinées : des statuettes de marbre blanc aux traits émaciés. Admirez ces idoles au musée d'Art cycladique, à Athènes. Le secret de leur beauté tient la nature volcanique de l’archipel. Les Cyclades abritent non seulement des carrières de marbre exceptionnelles, comme à Naxos et à Paros, mais aussi de l’obsidienne, principalement à Milos. Cette roche volcanique vitreuse extrêmement dure permet d’obtenir un polissage parfait du marbre. Elle a assuré la richesse des Cyclades pendant des millénaires. En témoigne la plus ancienne statuette de marbre grecque, appelée la Grosse dame de Saliagos (vers 5 000 av. J.-C.), qui est présentée au Musée archéologique de Paros.
Vers 1 600 av. J.-C
L’explosion volcanique de Santorin
Au sud des Cyclades, en direction de la Crète, Santorin offre des paysages à la beauté singulière qui sont le résultat de la dislocation de l'île lors d’une éruption volcanique entre 1 628 et 1 600 av. J.-C. Longtemps, on a pensé que l’événement avait eu d’énormes répercussions climatiques en Méditerranée, et qu’il serait à l’origine d’un effondrement de la civilisation cycladique, voire des Minoens et des Mycéniens (lire ci-après). Cette explosion serait même pour certains à l’origine de mythes comme celui de l’Atlantide. Dans les faits, l’éruption a surtout eu pour conséquence l’ensevelissement pendant 3 500 ans d’une grande ville au sud de Santorin. Qualifié de « Pompéi grecque », le site archéologique d’Akrotiri offre aujourd’hui le plus imposant vestige de la civilisation cycladique avec ses maisons presque intactes, ses ateliers, son mobilier, son organisation urbaine complexe et ses magnifiques fresques conservées au Musée archéologique national, à Athènes, qui dénotent une forte influence minoenne.
2 000-1 000 av. J.-C
Les Minoens et les Mycéniens
Une fois encore, les Cyclades ont joué le rôle de trait d’union entre deux mondes : au sud, la civilisation minoenne qui prend son essor en Crète à partir de 2 700 av. J.-C., et, au nord, la civilisation mycénienne, née dans le Péloponnèse vers 1 650 av. J.-C. L’archipel a-t-il été soumis par ces deux puissances ? On ne note en tout cas aucun changement brutal dans l’occupation des sites, davantage une pénétration culturelle. Les habitants des Cyclades délaissent leurs fameuses idoles polies à l’obsidienne, adoptent les premiers systèmes d’écriture grecs (linéaires A et B), de nouveaux cultes et arts, comme le démontrent les fresques d’influence minoenne à Santorin ou les tombes de type mycénien à Mykonos. La rupture intervient vers 1 050 av. J.-C., quand les premières civilisations grecques semblent soudain disparaître. Invasion ? Révolte ? Cataclysme ? Personne ne sait ce qui s’est passé au tournant du Ier millénaire avant notre ère. Mais cette date correspond à l’émergence de nouveaux peuples grecs, les Doriens et les Ioniens venus de la Turquie actuelle.
1 200-800 av. J.-C
Les « siècles obscurs »
L’effondrement des civilisations cycladique, minoenne et mycénienne donne lieu à des bouleversements en Grèce pendant 400 ans. Cette période dite « obscure » se traduit par l’arrivée de nouveaux peuples grecs (Ioniens, Doriens…), la perte de l’écriture, l’abandon des villes, mais aussi par l’adoption de croyances et de coutumes communes. Les contemporains, sans explication face aux ruines de civilisations disparues, inventent des mythes comme celui du labyrinthe de Minos dans les vestiges de la Crète. Dans les Cyclades, Naxos est désormais associée à Ariane abandonnée par Thésée après l’épisode du Minotaure. Quant à Délos, lieu de naissance des dieux Apollon et Artémis, elle devient la plus importante île-sanctuaire de Grèce. Les Grecs renouent aussi des liens avec l’Orient. Grâce aux Phéniciens, ils mettent au point le premier alphabet complet (consonnes et syllabes) qui sera utilisé par les poètes, tel Homère, pour fixer les récits fondateurs des nouvelles cités grecques.
800-510 av. J.-C
L’époque archaïque
L’âge d’or de la Grèce antique commence avec l’émergence du concept de la polis, cité-État dirigée par et pour ses citoyens. Dans les Cyclades, les cités sont organisées en îles. Les premières sont celles d’Andros et de Kéa. Mais, grâce à leurs ressources, s’imposent bientôt Sifnos (mines d’or), Milos (obsidienne), Syros (argent), Santorin (pierre ponce) et, surtout, Naxos (marbre et agriculture). Cette dernière rayonne avec ses marchands et ses soldats, mais aussi avec ses artistes qui érigent vers 530 av. J.-C. le temple de Sangri, dédié à Déméter, qui servira de modèle au Parthénon d’Athènes. Les Cyclades restent à l’écart de la colonisation grecque de la Méditerranée, à l’exception de Santorin qui fonde Cyrène, sur la côte libyenne, en 631 av. J.-C. Quant à l’île-sanctuaire de Délos, qui tire ses richesses des pèlerins et de son immense marché aux esclaves, elle devient l’enjeu de luttes entre cités des Cyclades, avant de passer sous contrôle des Perses, puis d’Athènes.
510-323 av. J.-C
L’époque classique
La rébellion des Grecs d’Asie Mineure (actuelle Turquie) contre l’Empire perse (actuel Iran) marque le début des guerres médiques (490-479 av. J.-C.). Les Cyclades sont d’abord soumises par les Perses, mais une partie de l’archipel se révolte, permettant aux Grecs de l’emporter. Cette victoire est surtout celle d’Athènes qui exerce alors son hégémonie sur la moitié du monde grec en fondant la ligue de Délos (477 av. J.-C.). L’île-sanctuaire devient le siège d’une alliance de cités contraintes de fournir armées et argent à Athènes. Cette dernière attire savants, artistes et philosophes, mais utilise aussi le trésor de la ligue à ses propres fins, notamment pour ériger le Parthénon. L’impérialisme athénien provoque la colère d’une partie des Grecs. C’est ainsi qu’éclate la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.) qui secoue la Méditerranée. Elle se solde par la victoire de Sparte, la fin de la démocratie athénienne et un affaiblissement des cités grecques.
Vers 465-410 av. J.-C
Diagoras de Mélos
Ce poète, juriste et philosophe de Milos est considéré comme le premier penseur de l’athéisme. Pourfendeur de croyances qui étaient le socle de la société grecque antique, il est le disciple de Démocrite, qui fut le premier à décrire l’univers constitué d’atomes. Diagoras dénonce en particulier la supercherie d’un des plus anciens cultes ésotériques grecs, les Mystères d’Éleusis, chers aux Athéniens. Ces derniers le condamnent pour impiété en 416 av. J.-C. C’est surtout un prétexte pour discréditer celui qui, après la guerre du Péloponnèse, s’était érigé contre le retour de l’hégémonie athénienne. Diagoras avait plaidé en faveur de son île qui refusait de payer un tribut à Athènes. Peine perdue : en 415 av. J.-C., les habitants de Milos sont massacrés ou réduits en esclavage. Quant à Diagoras, il meurt quelques années plus tard en exil.
323-167 av. J.-C
L’époque hellénistique
La dernière phase de l’Antiquité grecque se traduit par une propagation immense de la culture grecque, mais aussi par la fin de l’indépendance des cités. Menacées de toutes parts après la guerre du Péloponnèse, les Cyclades trouvent protection auprès de la Macédoine. Ce royaume de la Grèce du Nord a accru son territoire, d’abord sous le règne de Philippe II (359-336 av. J.-C.), puis sous celui de son fils, Alexandre le Grand. À la mort de ce dernier, en 323 av. J.-C., son empire s’étend jusqu’aux portes de l’Inde. Mais ses diadoques (généraux) se déchirent et établissent trois grands royaumes en Grèce, en Égypte et en Asie. Les Cyclades se retrouvent ballotées entre ces dynasties hellénistiques, tandis qu’à l’ouest émerge Rome qui finira par soumettre l’Égypte grecque à la mort de Cléopâtre en 30 av. J.-C. Pour autant, l’archipel brille par son dynamisme. En témoigne la célèbre statue d’Aphrodite sculptée à Milos vers 150 av. J.-C. et exposée au Louvre depuis 1821 sous le nom de Vénus de Milo.
De 167 av. J.-C. à 1205
L’époque romaine et byzantine
Dès ses origines, Rome a été fascinée par la culture grecque, de l’adoption des dieux de l’Olympe à l’importation massive de marbre des Cyclades. Après la conquête de l’archipel, en 167 av. J.-C., elle a tenu à rétablir l’autonomie de Délos, son principal partenaire commercial. Les îles prospèrent durant la Pax Romana (Ier-IIe siècles) et c’est assez tôt que s’implante le christianisme, comme on peut le voir aux catacombes de Trypiti, à Milos (IIIe siècle). Lorsque Rome vacille, l’empereur Constantin déplace la capitale vers l’Orient, jugé plus sûr, en 330, dans la cité grecque de Byzance, bientôt renommée Constantinople. C’est donc sans rupture que les Cyclades sont rattachées à l’Empire romain d’Orient, dit byzantin. Cette longue période romaine est toutefois marquée par l’abandon des temples antiques, le pillage des Goths (376), la guerre civile née de la querelle théologique de l’iconoclasme (VIIIe siècle) et par des raids arabes (IXe et XIe siècles). Ces derniers entraînent un changement de l’habitat avec la création de villages à l’abri à l’intérieur des îles.
1205-1537
L’époque vénitienne
En 1204, les armées catholiques de la quatrième croisade pillent et s’emparent de Constantinople. Certes, depuis le Schisme de 1054, les Églises d’Orient et d’Occident étaient séparées, mais rien, sauf l’appât du gain, ne justifiait la capture sanglante de la riche capitale byzantine, d’autant que les croisades avaient au départ été conçues pour soutenir les chrétiens d’Orient face à l’avancée de l’islam. Toujours est-il que l’Empire byzantin disparaît brièvement – il est rétabli en 1261 – et les croisés se partagent la Grèce. Les Vénitiens s’accaparent les Cyclades et y fondent le Duché de Naxos. Ils s’approprient les terres, établissent un système féodal inégalitaire dominé par des familles italiennes et le clergé catholique. Au XVe siècle, quelques îles reviennent aux Byzantins, mais l’archipel est la cible de pirates catholiques. De cette période de Frankokratia (« souveraineté des Francs »), les Cyclades conservent la plus forte proportion de catholiques en Grèce : environ 15 % de la population, en particulier à Tinos, seule île à rester vénitienne jusqu’en 1715.
1537-1832
L’époque ottomane
Après le déclin de l’ère vénitienne, les Cyclades renaissent sous les Ottomans. Cette dynastie turque musulmane en guerre contre les Arabes et les Byzantins depuis 1299 est fascinée par l’héritage romain et finit par s’emparer de Constantinople en 1453. Mais elle n’a que peu d’intérêt pour les choses de la mer. Et c’est tardivement, en 1537-1538, que le corsaire gréco-turc Barberousse capture les Cyclades pour le compte de Soliman le Magnifique. La présence ottomane demeure toutefois très faible : quelques colons turcs à Naxos, presque aucun militaire ni administrateur ailleurs. Certains nobles italiens restent en place et le pouvoir – notamment fiscal – est délégué à l’Église orthodoxe grecque. Profitant d’une large autonomie, l’archipel renoue avec ses traditions byzantines. Malgré les épidémies, il se développe grâce aux armateurs qui commercent avec Marseille et aux pirates européens établis à Paros, Antiparos, Ios et Milos. Peu touchées par la guerre d’Indépendance grecque (1821-1829), les Cyclades sont le seul grand archipel à rejoindre le nouveau Royaume de Grèce en 1832.
Depuis 1832
L’époque contemporaine
Depuis deux siècles, les Cyclades ont subi de manière atténuée les maux de la Grèce : surendettement constant, corruption, guerres civiles (1917 et 1946-1949), coups d’État, exode rural… Malgré la pauvreté, les épidémies et la Grande Famine orchestrée par les nazis en 1941-1944 (300 000 morts au niveau national), l’archipel a conservé une population stable. Il n’a ainsi accueilli que très peu des Grecs chassés d’Asie Mineure (1 million de réfugiés) après la Grande Catastrophe de 1922. Mais les Cyclades ont fait l’objet d’attentions particulières de la part des dictateurs. Le régime de Metaxas (1936-1941) et celui des colonels (1967-1974) ont utilisé les îles inhabitées de Gyaros et de Makronissos ainsi qu’Amorgos et Anafi comme lieux d’exil des opposants. Les juntes ont aussi fait des Cyclades une vitrine touristique, notamment en imposant la couleur blanche aux maisons. Une esthétique discutable : alors que pendant des siècles les villages se sont fondus dans le paysage pour échapper aux pirates, des îles comme Mykonos et Santorin sont désormais atteintes de la « rougeole blanche », symptôme architectural d’un surtourisme dévastateur.
1922-2020
Manolis Glezos
Né à Naxos, ce militant de la gauche non communiste est l’auteur du premier acte de résistance grecque contre l’occupant allemand : le 30 mai 1941, Manolis Glezos retire le drapeau nazi flottant sur l’Acropole. Engagé contre la dictature de Metaxas dès le lycée, c’est un opposant au fascisme, puis au régime pro-britannique et à la junte des colonels. Ce qui lui vaut une condamnation à mort, 11 ans de prison et 5 ans d’exil. Élu plusieurs fois député, y compris lorsqu’il est incarcéré, il rejoint le Pasok en 1984, promeut la démocratie locale dans son village naxien d’Apiranthos, siège comme eurodéputé, puis prend la tête de la gauche radicale, bientôt renommée Syriza. Opposé aux mesures d’austérité après la crise de 2009, il est le député le plus confortablement élu de l’histoire du pays, en 2014. En 2015, il quitte Syriza qui vient d’accéder au pouvoir et anime la nouvelle opposition de gauche jusqu’à sa mort à 97 ans.
2009-2023
Les gouvernements face aux crises
En octobre 2009, le Premier ministre Georges Papandréou révélait l’ampleur réelle du déficit dans le pays. Placée sous tutelle, la Grèce obtient de nouveaux prêts assortis de conditions draconiennes. Si l’État est sauvé, l’économie s’effondre. La crise est aussi morale et politique. En 2015, pour la première fois, les électeurs confient le pouvoir au parti de gauche Syriza. Mais le Premier ministre Alexis Tsipras est contraint de poursuivre la politique d’austérité. Malgré un retour à l’équilibre budgétaire (2017), Syriza est battu aux élections de 2019, permettant à Kyriakos Mitsotakis de devenir Premier ministre. Mais le gouvernement fait face à de nouvelles crises. Côté tourisme, le principal revenu de la Grèce continue de se développer. L’année 2022 s’annonce comme la meilleure de son histoire, dépassant les chiffres record de 2019 avant le Covid. Une bonne nouvelle ? Pas pour tout le monde. Un nombre croissant de Grecs est obligé, à cause de l’inflation, d'organiser ses vacances « à l’étranger » - entendez dans des pays meilleur marché comme l’Albanie ou la Bulgarie. Et le reste de l’année, ce n’est guère mieux : dans des îles touristiques comme Santorin, il devient impossible de se loger à cause des logements réservés à certaines plateformes. Pour remédier à ces questions, depuis 2023 des campagnes souhaitent mettre l’accent sur un tourisme plus durable, réparti sur davantage de saisons et surtout dans davantage d’îles. Après tout, il existe officiellement 124 îles à visiter dans le pays…