Découvrez les Îles Ioniennes : Musiques et Scènes

À la fois grecque mais aussi italienne, jamais passée sous domination ottomane,  Corfou possède une identité à part dans les terroirs grecs. Très vénitienne - dans l’architecture comme la musique -, un peu française et britannique par beaucoup d’aspects, l’île jouit d’un héritage riche issu d’une histoire particulière. C’est ainsi que Corfou s’est bâti cette image d’île des arts, fournissant de nombreux hommes de lettres ou accueillant quelques musiciens éminents. Parmi eux, on trouve le compositeur du premier opéra grec - c’est d’ailleurs à Corfou qu’a eu lieu la première représentation d’un opéra sur le sol grec – ou encore l’auteur de l’hymne national. De toute évidence, l’île inspire les musiciens et transpire la musique.

Les musiques et danses traditionnelles

Si chaque territoire grec retrace une page de l’histoire nationale, que raconte Corfou ? Eh bien, par exemple, que les îles Ioniennes n’ont jamais été sous occupation ottomane, plutôt sous domination vénitienne durant 400 ans entre les XIVe et XVIIIe siècles, alors les chants locaux sont essentiellement basés sur le style de l'Europe occidentale. Principalement localisés à Leucade, Zante ou Céphalonie, ces « kantades » sont des courtes chansons parlant d’amour ou de la vie quotidienne, accompagnées de mandoline et parfois de chœurs d’hommes. Un excellent représentant de cet art à écouter en priorité est Fotis Aleporos, dont la voix de stentor épouse la mandoline dans une alliance souvent poignante. L’été, lors des fêtes des saints patrons des îles ou de l’Assomption, vous aurez l’occasion d’assister à des chants traditionnels, notamment lors des panygiria (fêtes en l’hommage à la Vierge, panagia en grec).
Ces fêtes sont également l’occasion de voir les danses traditionnelles ioniennes comme Lefkaditiko, exécutée en cercle, ou la bien nommée Corfiote, dansée par paires, tout en grâce et légèreté. Il est plus que courant de voir aussi sur place du syrtos, la danse grecque par excellence dont chaque région cultive sa variante, ou du ballos, danse de couple mettant en scène un jeu de séduction. Chaque mois d’août, Leucade se transforme d’ailleurs en grand centre chorégraphique lors du Festival de Danse Folklorique, rendez-vous international de danses et de musiques folkloriques conviant des dizaines de groupes du monde entier.

La musique populaire

Outre les musiques traditionnelles propres à chaque terroir, la Grèce partage sur l’ensemble du pays trois grands piliers musicaux : le dimotiko, le rébétiko et le laïko. Le dimotiko, c’est le chant populaire grec le plus ancien. Il est communément divisé en deux mouvements, l’akritique, datant du IXe siècle, et le klephtique, courant durant toute l’occupation ottomane (de la fin de la période byzantine au début de la Révolution grecque de 1821). Le dimotiko est un bon moyen d’entendre tous les instruments piliers de la musique folklorique du pays : la lira (une vièle emblématique de la Crète), la gaida (cornemuse), le laouto (le luth grec), le tambouras (un autre luth grec) ou encore le daouli (tambour)…
Le genre grec par excellence (classé patrimoine culturel immatériel de l’humanité), c’est le rébétiko. Musique populaire datant du début des années 1960, ce « blues grec » est le chant des déracinés, des exclus, des marginaux, né dans les cafés souterrains d’Athènes et Thessalonique. Il raconte le quotidien fait de pauvreté, de douleur, de faim ou de toxicomanie des « Micrasiates », ces réfugiés grecs expulsés d’Asie Mineure en 1922. Une très belle musique gorgée de spleen qui a connu son heure de gloire entre les mains de Vassilis Tsitsanis, Markos Vamvakaris ou Marika Ninou.
Le troisième grand courant grec, le laïko, est apparu dans les années 1950 et 1960. Signifiant « populaire », le laïko est de la musique pop dans le sens le plus littéral du terme et un descendant du rébétiko. Le terme a évolué avec le temps et qualifie désormais la pop moderne grecque dans son ensemble, voire même la variété. Les figures emblématiques du genre se nomment Stelios Kazantzidis, Manolis Angelopoulos, Manos Hatzidakis, Nana Mouskouri, Melina Mercouri ou encore Dionysis Savvopoulos, Charis Alexiou et Nikos Papazoglou.

La musique classique

La musique classique grecque débute avec Manolis Kalomiris (1883-1962), le Bartok national qui a travaillé à l’établissement d’une école nationale grecque en musique. Mais à l’international, le nom le plus prestigieux du domaine est de loin Mikis Theodorakis (né en 1925). Célèbre auteur de la musique de Zorba le Grec, on connaît moins ses cinq opéras, quatre ballets et sept symphonies traversés par une écriture puissante, pleine de grandiose et de démesure. Et il serait injuste de parler de classique grec sans aborder Mitropoulos, Callas et Xenakis. Dimitris Mitropoulos (1896-1960), le Mahler du pays, fut un pianiste étonnant, une personnalité hors-norme et un chef d’orchestre exigeant. Maria Callas, « La Callas », fut une soprano magnifique qui passionna les foules autant sur scène qu’en dehors. Yannis Xenakis (1922-2001), lui, était un grand musicien de recherche, célèbre pour ses travaux sur l’électroacoustique auxquels la musique moderne doit énormément. Désormais, hors des frontières grecques, c’est sans doute le travail de Teodor Currentzis qui fait couler le plus d’encre. Celui que l’on surnomme « l’enfant terrible du classique » est réputé pour ses interprétations radicales, voire sulfureuses, et plaît beaucoup en Russie où il a collaboré avec le National Philharmonic of Russia, la Philharmonie de Saint-Pétersbourg et le théâtre Bolchoï. Côté solistes, Leonidas Kavakos est un violoniste grec virtuose que les orchestres s’arrachent et Dimitris Sgouros est un pianiste considéré par beaucoup (dont Arthur Rubinstein) comme un des plus grands.
Vous ne devinerez jamais combien d’orchestres philharmoniques on dénombre à Corfou... Pas moins de 18 ! Cette mélomanie, l’île la doit encore à ses quelque quatre siècles de domination vénitienne où elle a épongé beaucoup d’influences européennes. À vrai dire, c’est à Corfou que fut joué le premier opéra sur le sol grec, en 1733, au Teatro di San Giacomo (détruit en 1943). Il s’agissait de Gerone, Tiranno di Siracusa du compositeur Johann Adolph Hasse, un des maîtres de l’opéra vénitien. On date de 1837 l’origine des orchestres philharmoniques à Corfou, durant le protectorat. Alors que les Britanniques refusaient que les orchestres jouent pour les fêtes orthodoxes, les Corfiotes ont créé la Société Philharmonique de Corfou. Cette association eut tellement de succès que peu à peu d’autres associations furent fondées. Aujourd’hui on en dénombre près d’une vingtaine, la plupart constituées de musiciens amateurs mais passionnés. Les orchestres philharmoniques de Corfou sont particulièrement célèbres pour leurs prestations lors des fêtes de Pâques.
Durant le protectorat britannique, c’est Nikolaos Chalikiopoulos Mantzaros qui a créé la première école de musique en Grèce. Mantzaros a eu de nombreux élèves célèbres dans le pays, notamment Spyros Xyndas, l’auteur du premier opéra grec. Au passage, Mantzaros n’est autre que le compositeur de l’hymne national grec (et vingt-quatre symphonies).
S’il est très courant d’entendre et pouvoir écouter du classique à Corfou en toute saison, mentionnons le Centre Culturel Zeidoros de Kapsali, jolie bâtisse de 1650 abritant un théâtre de 250 personnes et programmant pas mal de musique classique.

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