Découvrez l'Andalousie : Au rythme du flamenco

Lorsque le danseur et chorégraphe espagnol Israel Galvan explique que « le flamenco ne résout pas la guerre et n’empêchera pas la fin du monde, mais il peut aider à garder la tête haute », il se fait le porte-parole de tout un peuple qui a longtemps vécu dans l’oppression et qui a choisi le flamenco comme cri de résistance. Le flamenco n’est pas qu’une musique ou une danse, c’est aussi une façon d’être, une façon de voir le monde et une forme d’intransigeance face à la vie. Et dans cet aspect-là, le flamenco est très proche du blues. Depuis l’ouverture du premier café cantante (café chantant) à Séville, l’historique « Café de Silverio » et l’invention des spectacles flamenco, le flamenco comme style musical est resté longtemps très orthodoxe. Mais depuis quelques années, de nouveaux cantaores et guitaristes ont vu le jour, offrant un nouvel élan au flamenco, telle Rosalía dont sa chanson « Malamente » mêle la tradition avec du hip-hop. Alors que le genre semblait immuable, des changements y ont été introduits. On a commencé à faire accompagner les chants flamencos par des orchestres, on y a adjoint d’autres instruments de musique ou des styles différents provenant du jazz, de la musique latino-américaine ou de la musique arabe.

Les chemins du flamenco

Originaire de Basse-Andalousie, à l’intérieur du triangle historique (Málaga, Cadix, Séville), et existant sous sa forme actuelle depuis le XVIIIe siècle, le flamenco est issu de la fusion entre la culture des Gitans venus d’Inde et celle du monde andalou. On peut y trouver des éléments byzantins provenant de l’Église espagnole primitive, mais aussi des influences arabes datant du Moyen Âge. Le flamenco n’a pas été formalisé avant le début du XIXe siècle. Il a d’abord été chanté dans la rue, sur les lieux de travail et lors des fêtes religieuses. En 1842 est créé à Séville le premier café cantante, qui va rapidement essaimer dans toute l’Andalousie, suscitant à la fois la professionnalisation du flamenco et la prise de conscience de l’existence de cet art de la part des classes les plus aisées.

Car le flamenco était encore, à cette époque, interprété en majorité par des Gitans. À mesure qu’il s’est étendu au-delà de ses limites ancestrales, le flamenco est devenu aussi de plus en plus commercial, contribuant à forger le style stéréotypé de la danseuse espagnole aux longs cheveux bruns et à la longue robe à pois, qui tourbillonne au rythme des castagnettes. En même temps qu’il atteignait une audience de plus en plus large, il a fini par se réduire à une sorte d’exhibition folklorique de cabaret, destinée à la consommation d’un public non averti, et a provoqué, par là même le rejet des nombreux Espagnols et Andalous qui ne se retrouvaient pas dans cette proposition plus très artistique. Malgré tout, en marge de ce courant commercial, le vrai flamenco n’a jamais cessé de vivre et de vibrer dans l’âme des Gitans et de nombreux Andalous. Dans les réunions familiales et les peñas des villes et des villages, des groupes d’amateurs ont continué à perpétuer la tradition du cante, de la guitarra et du baile en marge de toute visée commerciale. Le flamenco y développe toujours son intensité émotionnelle et son pouvoir envoûtant.

Le flamenco est basé sur une synthèse unique entre plusieurs éléments qui en déterminent son corpus : le chant, la rythmique complexe procurée par la guitare, les palmas (battements de mains) auxquels peuvent s’ajouter les tempos des cajónes (des caisses en bois – à l’origine des caisses à savon – sur lesquelles sont assis les percussionnistes) ou le taconeo (jeu de pieds) de la danseuse ou du danseur. Selon les rythmes et les régions d’Andalousie sont apparus différents types de chants (par exemple les tarantas du Levante, les granaínas de Grenade, les malagueñas de Málaga ou les rondeñas de Ronda). En Andalousie, cette véritable culture populaire a ses boutiques spécialisées, ses artisans luthiers, ses écoles (Académies de Jerez, Séville, Grenade entre autres). Si les formes les plus importantes du flamenco sont du domaine commun, elles peuvent aussi être liées à un contexte religieux (comme les saetas de la Semaine sainte ou les villancicos flamencos de Noël), à un environnement socio-professionnel (les martinetes de la forge, les mirabrás du marché aux légumes ou les carceleras des prisons). Il existe aussi des chants dits de ida y vuelta (« d’aller et retour ») originaires d’Amérique latine et réintégrés au répertoire flamenco, tels que la colombiana, la milonga argentine, ou la rumba et la guajira cubaines. Les artistes doivent posséder les formes communes et, dans la mesure de leur talent, en développer leur propre version.

Les promoteurs du flamenco

Jamais figée dans son expression, l’interprétation du flamenco n’a cessé d’évoluer, tout en demeurant fidèle aux structures de base. Chaque génération a ainsi contribué à l’enrichir et à la renouveler, lui imprimant la marque de sa créativité et des influences propres à son époque. En 1922, le premier concours de cante jondo, le chant flamenco dans sa version primitive, organisé à Grenade avait contribué à lui accorder ses lettres de noblesse. Soutenu par des artistes et des intellectuels comme Manuel de Falla ou Federico García Lorca, le flamenco y a gagné sa reconnaissance officielle. Celle-ci fut confirmée par le talent de quelques artistes exceptionnels qui sont aujourd’hui devenus des « classiques », parmi lesquels on peut citer Manolo Caracol, Don Antonio Chacón, la Niña de los Peines ou Antonio Mairena pour le chant, Sabicas Ramón Montoya ou Niño Ricardo pour la guitare, la Macarrona, la Argentina ou Carmen Amaya pour la danse. Des interprètes comme Paco de Lucía pour la guitare, Camarón de la Isla pour le chant, ou Antonio Gades et Cristina Hoyos pour la danse, ont marqué la période récente de leur empreinte, à tel point que tout artiste contemporain se doit, d’une certaine manière, de situer sa démarche par rapport à la leur. Tout au long du XXe siècle, le flamenco s’est ainsi construit. On le doit aussi à des cantaores comme Antonio Chacón, Manuel Torre ou à Pastora Pavón dite La Niña de los Peines, qui ont donné corps aux chants andalous, tout en se permettant d’élargir les styles de flamenco.

À la recherche de l’esprit du duende

Pour assister à un spectacle authentique, nous vous conseillons de lire la presse locale ou de consulter les affiches (et de choisir, de préférence, les spectacles annoncés par les affiches les plus « modestes » !). Pour la danse flamenca, consultez les programmes des théâtres municipaux andalous, qui offrent en général de très bons spectacles dirigés par des chorégraphes inspirés. À Jerez de la Frontera, par exemple, on trouvera une bonne quinzaine de peñas (cercles et associations de passionnés) perpétuant la tradition du flamenco ou un festival de qualité qui se déroule chaque année généralement fin février-début mars.  L’importance du Flamenco dans la culture andalouse prend surtout corps au cours des ferias et des cérémonies. Ainsi, la « Sevillana », une danse du flamenco typique de la ville de Séville, est dansée par les femmes dans la capitale andalouse au cours de la feria d’avril. À partir du mois d’avril et jusqu’à la fin de l’été, on peut voir des danseurs vêtus de costumes finement travaillés dans les ferias des villes et villages andalous. Pour les plus mordus du flamenco, la Biennale du Flamenco, une feria qui se tient tous les deux ans à Malaga (les années impaires) ou à Séville (les années paires) et qui dure un mois, est immanquable. Si vous prévoyez de visiter l’Andalousie à une autre période de l’année, vous pourrez de toute manière assister à des représentations de flamenco dans les innombrables tablaos et théâtres qui proposent des spectacles tout au long de l’année.

Une forme d’intransigeance sied aux amateurs locaux de flamenco. Pour le puriste, trop de programmation nuit au flamenco, dont l’essence même ne se décrète pas. S’il est nécessaire d’attendre parce que l’instant n’est pas propice, alors il faudra s’armer de patience jusqu’au moment parfait. L’amateur doit partir en quête de l’esprit du flamenco, et prendre son temps en dégustant du fino (un vin blanc sec), en attendant que survienne le duende, la catharsis artistique des Andalous.  Pour cela, entrez dans certains bars ou peñas pour connaître leur programmation, souvent aléatoire. À Séville, tentez ainsi votre chance à la peña Torres Macarena. Si un écriteau précise que l’entrée et le bar sont réservés aux adhérents, n’hésitez pas malgré tout à en pousser la porte. En réalité, tous les visiteurs sont les bienvenus s’ils ont l’esprit tourné vers le flamenco puro.

Dans les années 1960, les tablaos se sont développés, s’inscrivant dans un mouvement de recherche du flamenco des origines. Ces lieux, à l’ambiance intime, ont contribué au maintien de l’art du flamenco et à sa restauration. Vous trouverez de nombreuses salles qui proposent aussi des spectacles chaque jour à heure fixe, avec ou sans dîners-spectacles. Dans le quartier de La Giralda, la Tablao Los Gallos est le plus ancien de tous (1966). La salle a vu passer les artistes emblématiques du flamenco comme La Paquera de Jerez, Gabriela Ortega ou encore Antonio Mairena et Fosforito. Une importante restauration menée à bien il y a quelques années a permis de conserver intacte l’ambiance du lieu.

Dans un autre quartier de Séville, proche des arènes, se trouve un tablao qui a pris le nom de son emplacement, El Arenal propose un spectacle de flamenco capable de vaincre les éventuelles réticences à l’encontre de ce type de spectacle. Oubliez le repas, prenez quelques tapas et concentrez-vous sur le flamenco, dispensé par d’excellents guitaristes et de très bons danseurs. La décoration et l’éclairage d’El Arenal participent également à l’attraction du lieu.

El Patio Sevillano est aussi l’un des points de référence du flamenco de la ville de Séville, situé sur les rives du Guadalquivir et avec un spectacle soigné. Il a ouvert ses portes en 1973. Il offre, en plus du spectacle, des cours de flamenco, des workshops et des spectacles privés. La décoration présente d’intéressantes œuvres d’art avec tout le charme d’un tablao andalou. Vous pouvez aussi vous rendre au Palacio Andaluz, désormais installé dans le quartier de la Cartuja. Un palais andalou qui permet également de découvrir la tradition flamenca sur une adaptation innovatrice de Carmen de Bizet dans un décor grandiloquent.

Le quartier Gitan de Sacromonte à Grenade propose des spectacles dans de magnifiques caves, dans lesquelles le spectacle du Flamenco se mêle à la beauté architecturale andalouse. C’est que vous trouverez l’indispensable Cueva de la Rocío : à l’origine, c’était un lieu de fête gitane fondée en 1951 par « Los Maya », de grands artistes du flamenco. Maintenant, on peut même y célébrer un mariage ou un baptême. Michelle Obama fait partie des visiteurs récents. Depuis 1953, la Zambra María la Canastera a vu défilé de nombreuses têtes couronnées et des célébrités comme Ernest Hemingway ou Ingrid Bergman. Il s’agit de l’un des endroits les mieux conservés de la ville, qui a gardé toute la saveur de son histoire grâce à une décoration soignée et une proposition artistique très intéressante. Dans le quartier de Sacromonte, se trouve aussi Los Tarantos. Fondé en 1972, ses propriétaires ont su conserver la pureté du flamenco et vous pourrez y assister à un spectacle d’environ 30 minutes. Un conseil : achetez vos billets à l’avance et présentez-vous 20 minutes avant le spectacle pour être devant, car la salle est petite et vite remplie.

Fondée en 1984, l’Escuela Carmen de las Cuevas est une école de flamenco située entre les quartiers d’Albaicín et du Sacromonte, qui délivre à la fois des cours de langue et de culture espagnoles tout en proposant des cours de flamenco. Le Liceo Flamenco de Malaga se trouve en plein cœur de la ville, sur la rue Beatas, dans un ancien hôtel particulier. La spécificité du lieu est de combiner modernité et tradition, en offrant aux plus jeunes de découvrir leur patrimoine culturel, sans rester figer dans la tradition. Le Liceo Flamenco propose ainsi des expositions, dégustations de vins et cours de flamenco en plus de spectacles « à domicile ». Enfin, si vous n’êtes toujours pas rassasié de flamenco, Séville a inauguré en 2006 le premier et le seul Musée de la danse Flamenco au monde. Le musée en lui-même est impressionnant, puisqu’il s’agit d’un des musées les plus avancés technologiquement en Espagne. Les expositions interactives présentent les origines et l’évolution du flamenco, couvrant les différents styles de musique et de danse.

Organisez votre voyage avec nos partenaires en Andalousie
Transports
Hébergements & séjours
Services / Sur place
Envoyer une réponse