Entre le méandre du Mississippi, le golfe du Mexique et le placide lac Pontchartrain règne une touffeur tropicale. D'une sensualité sauvage. On ne saurait dire pourquoi, l'atmosphère de la Louisiane a quelque chose qui envoûte sur-le-champ. Serait-ce la vibrante nonchalance de La Nouvelle-Orléans et son pittoresque Quartier Français distillant sans relâche de bourdonnantes mélopées ? Ou plutôt le passé fiévreux des plantations de canne et de coton, symbole poignant du Deep South, et dont les éblouissantes villas parent aujourd'hui encore les berges lascives du grand fleuve ?

 

New Orleans, trois siècles d'histoire

Voilà plus de trois siècles, le navire français du sieur de Bienville embrassait l'embouchure du Mississippi. Malgré les terrains inondés, l'homme flaire la dimension stratégique du site et établit une colonie. Bientôt, trappeurs français, chasseurs canadiens et condamnés préférant les marécages aux cachots de la Bastille peuplent la région. En 1718 - il y a tout juste 300 ans -, La Nouvelle-Orléans naissait ! Du labeur des esclaves noirs surgit à cette époque le fameux Quartier Français. Sur cette véritable agora créole trônent la St Louis Cathedral, modèle d'architecture française datant de 1793, le Presbytère qui fut jadis lieu de résidence des moines capucins, et le Cabildo, longtemps siège politique de la colonie où fut signé en 1803 le " Louisiane Purchase ", la cession de la Louisiane, alors française, aux États-Unis. Sur Charles Street, l'imposant Couvent des Ursulines, bâti en 1745, est toujours debout. C'est toutefois aux Espagnols, débarqués en 1762, que le Vieux Carré (l'autre nom du vieux-centre) doit son architecture actuelle. Ce sont deux incendies qui poussèrent les Espagnols à troquer le bois contre la brique, érigeant des portails à arcades donnant sur des cours intérieures ornées de fontaines. Les volutes de fer forgé décorant les balcons sont elles l'oeuvre d'artisans, gens de couleur libres, réfugiés à La Nouvelle-Orléans après l'insurrection de Saint-Domingue de 1791.

C'est que la cité-sur-l'eau amalgame toutes les populations, à l'image du French Market : d'abord dédié aux Amérindiens vendant herbes et épices, ce sont ensuite les cultivateurs allemands de l'amont du fleuve qui investirent les étals, puis les commerçants italiens. Portée par les fructueuses plantations, la vie va alors bon train dans la paroisse et, bien que catholique, la population s'accommode assez bien de la profusion de saloons. Sauf peut-être les Américains, plus puritains. Les divergences de moeurs s'évanouissent le 22 décembre 1814. À l'occasion de la bataille de La Nouvelle-Orléans, créoles, Américains, Noirs libres et pirates se mettent sous le commandement du général Jackson pour bouter les Anglais. S'amorce l'âge d'or des steamboats : des centaines de bateaux à vapeur déchargent un flot ininterrompu de balles de coton, tabac et indigo, enrichissant prodigieusement la cité. On pourra d'ailleurs de nos jours embarquer sur l'un de ces antiques bateaux à roue à aubes le temps d'un dîner au crépuscule. Dès le printemps 1862, la capitale louisianaise tombe aux mains de l'Union. Trois ans plus tard, la guerre civile s'achève et l'esclavage est aboli. Passé les heures sombres de la reconstruction, le XIXe siècle voit éclore près de Congo Square une curiosité toute louisianaise : le quartier de débauche légale de Storyville. Dans cet antre du jeu et de la prostitution de luxe, toute la bonne société se presse pour assister, derrière un masque de rigueur, aux excès de Mardi gras. Au sortir de la Première Guerre mondiale, le secteur est nettoyé. Mais celle qui a vu le jour au coeur des nuits grivoises ne se laisse pas engloutir : la musique jazz compte bien se faire entendre. Bientôt, Louis Armstrong, Sidney Bechet et Fats Domino font frémir les cabarets de New Orleans.

 

The Big Easy

Cette douceur de vivre, cette attitude laidback qui veut qu'on laisse venir les petits bonheurs à soi, ont valu à New Orleans son plus fameux sobriquet : The Big Easy ! C'est que le temps prend son temps ici. Que l'on considère le roulis des badauds depuis la terrasse du Café du Monde servant depuis 1860, de jour comme de nuit, beignets au sucre et café au lait-chicorée. Que l'on s'évade vers le dédale verdoyant du City Park ou sous les chênes d'Audubon Park à bord d'un antique streetcar longeant St Charles Avenue, le fameux Tramway nommé désir de Tennessee Williams. Que l'on s'attarde au zinc du Snug Harbor ou du Spotted Cat, sur Frenchmen Street, en sirotant un café brûlot, transporté par les notes chaudement mélancoliques d'un brass band.

Sur Esplanade Avenue, les hautes demeures victoriennes s'égrènent sous la voûte paresseuse des arbres. On y rencontre celle qu'occupa le peintre Edgar Degas en 1872 - qui a reçu du ministère de la Culture, en décembre 2018, le label " Maisons illustres " - ou Greek Revival, abritant le Musée de F.P.C., gardien de la mémoire des Gens de couleur libres. Les shotgun houses du Bywater, bicoques peinturlurées sur berge, abritent pléthore de galeries d'art, tout comme les anciens entrepôts du CBD, de l'autre côté de Canal Street. Le week-end, on visera Magazine Street pour ses cafés branchés, ses disquaires et ses friperies. Avec escale à Mardi Gras World, les ateliers de création, depuis 1947, des chars du carnaval de New Orleans. Si la fête est un exutoire, le blues, le gospel et le vaudou, tous nés du christianisme imposé par les ségrégationnistes blancs aux esclaves ouest-africains, en sont aussi. Du Mapple Leaf Bar au Palm Court, en passant par le Preservation Hall baignant dans son jus, les mélomanes seront aux anges, qu'ils viennent pour le jazz, le rockabilly ou l'entraînant zydeco.

En Louisiane, la cuisine est sertie de lettres de noblesse. Les gourmets auront l'embarras du choix. La France mit au point les sauces (étouffée, piquante, bisque...) et le pain ; l'Espagne créa le jambalaya (paella épicée) ; l'Afrique apporta l'okra et la grillade ; l'Allemagne démocratisa charcuteries et moutarde ; la Caraïbe importa ses légumes tropicaux ; les Indiens mirent sur la table herbes aromatiques et maïs ; l'Italie popularisa pâtes et sandwichs, à l'image de la solide muffuletta, dont la Central Grocery demeure la Mecque. L'apport des Cadiens est lui aussi considérable. Ce peuple chassé du Canada et réfugié dans les bayous dut se montrer inventif, mitonnant cuisses de ouaouarons (grenouille) et spicy gators (alligator sauce piquante). Le désormais typique crawfish (écrevisse) vint ensuite garnir les marmites cadiennes.

 

Plantation Road

En épousant les courbes du Mississippi, c'est le fil du temps qu'on remonte. Les 212 miles de la Great River Road, ou Plantation Road, sont émaillés d'imposantes demeures blanches à colonnades de style Renaissance grecque et d'habitations créoles aux porches colorés.

Ces exploitations agricoles des XVIIIe et XIXe siècles ont été les moteurs d'une économie fondée sur l'esclavage, et si elles sont aujourd'hui reconverties en musées et B&B, c'est bien pour témoigner de cette époque à la fois glorieuse et impitoyable du Deep South. On y apprend les us et coutumes des riches familles, mais aussi les terrifiantes conditions de vie des Noirs captifs s'usant dans les champs. Ces splendides villas flanquées de chênes centenaires font partie de l'imaginaire américain.

On visitera aussi l'instructif Musée du Capitole à Baton Rouge : histoire, écosystèmes et culture du Pelican State y sont exhaustivement abordés. Plus en amont du Mississippi, la tranquille St Francisville constitue une étape agréable. Les 150 bâtisses autour de Prosperity Street témoignent de son illustre passé, autant que les fers forgés de la plantation Myrtles. De là, on rejoint Natchez et l'État du Mississippi, la Crossroad region et ses vastes étendues. À moins qu'on oblique vers le sud féérique, ses swamps et ses chaleureux habitants cadiens.

 

Down the bayou

On s'engouffre ensuite dans le sud-ouest. Aux abords de Breaux Bridge, capitale de l'écrevisse et sanctuaire des antiquaires, se dessine l'hiératique bassin de l'Atchafalaya dont les Cadiens (Cajuns en anglais) furent les premiers occupants, avec pour voisins 300 espèces d'oiseaux, renards, ours, loutres, serpents, alligators et crapauds-buffles. Au crépuscule, à bord d'un kayak, on ira fendre en silence la façade épaisse des eaux, à la rencontre de la faune sauvage.

Plutôt paisible, Lafayette s'anime le week-end au son des joyeux violons cajuns. Au printemps aussi, à l'occasion du Festival international de Louisiane. Après une danse déchaînée, un Cajun vous gratifiera sans doute d'un amical " Lâche pas la patate ! " (N'abandonne pas !) C'est officiel : la Louisiane a rejoint, à l'automne 2018, la grande famille de la francophonie. On goûtera ici aussi à une cuisine singulière, des fruits de mer marinés dans le vin blanc du Blue Dog aux shrimp dinner et gumbos du chef Rocky, sans oublier la pimentée Creole Lunch House. Lafayette est une base arrière idéale pour rayonner sur la région, en suivant, par exemple, le Cajun Boudin Trail (sentier du boudin), victuaille ici révérée.

Les villes du Nord-Ouest - Mamou, Opelousas ou Rayne, cité de la grenouille - sont placées sous le signe de la musique, la swamp pop notamment, le rock des marais.

En repiquant au sud, Lake Charles, ses casinos et ses " Cajun cow-boys " (le Texas est à 60 km), bien que très industrielle, possède de belles demeures victoriennes et des plaines côtières où l'eau salée se mêle à celle des marais, attirant une époustouflante avifaune. Birdwatching à prévoir !

Au sud de Lafayette, les marécages se font plus denses. Les pêcheurs à l'écrevisse nous invitent à les suivre. Lors d'un swamp tour sur le Bayou Teche, les airboats rasent les plans d'eau à tout berzingue et débusquent le seigneur des hôtes de ces bois : le titanesque alligator. Décoiffant ! L'agréable New Iberia et ses chênes centenaires raviront les fans de Dave Robicheaux, flic des romans de James Lee Burke, et du jazzman Bunk Johnson. Non loin, le petit mont de sel d'Avery Island est couvert d'une luxuriante végétation tropicale, décor de la fabrique du Tabasco, ouverte à la visite. Avec des dizaines de ponts enjambant les sept bayous du centre-ville, Houma est la Venise de l'Amérique, et c'est en français que vous y demanderez la route de Cocodrie. Si la Louisiane est une botte, Cocodrie en est la pointe. Au bout du bout, l'esprit vagabonde, vaguement béat. C'est l'heure du départ.

 

Infos futées

 

Quand ? Le printemps et l'automne sont les meilleures saisons.

 

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