Découvrez les Baléares : Littérature (BD / Actualité)

L'archipel des Baléares jouit de vrais atouts pour attirer les artistes étrangers : hors du monde par son côté insulaire, il en est pourtant la quintessence par sa riche histoire aux influences multiples. Et ils furent nombreux à s'y promener, le temps d'un hiver ou d'une retraite bien plus longue. Le plus fidèle est certainement l'écrivain britannique Robert Graves (1895-1985) qui s'y installe à la trentaine, mais il faudrait aussi mentionner George Sand et Frédéric Chopin, Albert Camus, Jean Giono, Jorge Luis Borges, Georges Bernanos, Gertrude Stein, Romain Gary, William Butler Yeats, D.H. Lawrence… et ne surtout pas oublier de préciser que les Baléares ont également vu naître des auteurs d'exception. De Ramon Llull qui fixe à l'écrit les règles du catalan à Antoni Maria Alcover qui œuvre pour préserver le patrimoine culturel de son île, nombre d'entre eux partagent cet amour pour leur langue, et par extension, pour leur terre natale.

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Première période

Son nom n'évoquera peut-être rien de ce côté-ci des Pyrénées et pourtant Ramon Llull fut l'un des plus importants écrivains du Moyen Âge. Il est toujours aujourd'hui encensé ne serait-ce que pour son apport à la langue catalane. Il voit le jour à Palma aux alentours de 1232 alors que Majorque, trois ans auparavant, a assisté à la victoire de Jacques Ier d'Aragon sur les Maures qui l'occupaient, l'heure est en effet à la Reconquista. Au carrefour des civilisations et des langues, son île natale a sans aucun doute une grande influence sur Ramon Llull qui, érudit et doté d'une rare intelligence, devient rapidement le précepteur de l'infant. Après une vie joyeuse, il décide de se convertir au catholicisme en 1265, mais ne délaisse pas pour autant les lettres, il bascule simplement de l'écriture de chansons d'amour en occitan à la rédaction d'un monumental Livre de contemplation de Dieu. Polyglotte, il s'attelle à apprendre l'arabe afin de poursuivre ses croisades personnelles, ses œuvres – nombreuses ! on en dénombre plus de 200 – sont à son image, éclectiques, philosophiques et parfois un peu excessives. Mais outre son côté touche à tout – il a aussi bien écrit des ouvrages théologiques, des romans que des encyclopédies scientifiques – Ramon Llull est surtout considéré comme l'un des pères de la langue catalane écrite, ses expérimentations en termes de syntaxe et de vocabulaire ont en effet contribué à en fixer les normes et à la différencier définitivement de l'occitan. C'est le catalan, à nouveau, qui sera à l'honneur dans l'un des plus remarquables textes historiographiques du Moyen Âge, Les Quatre Grandes Chroniques, dont Ramon Muntaner, qui n'est pas né aux Baléares mais a poussé son dernier soupir à Ibiza en 1336, signe la plus longue. Dans cette chronique qui porte son nom, il se fait le mémorialiste de la période s'étirant de la naissance de Jacques Ier (1207) au couronnement d'Alphonse IV (1328). Pourtant, il était dit que le Royaume de Majorque, autonome, finirait par être rattaché à la couronne d'Aragon, ce qui fut le cas en 1348 suite à de longues dissensions. La grande histoire laisse alors place à la petite, la réalité à la fiction, et Guillem de Torroella, dont on sait peu de choses à part qu'il aurait vu le jour au milieu du XIVe siècle dans une famille majorquine originaire de l'Empordà, écrit un conte fortement inspiré des romans de chevalerie français. Dans La Faula, il explique comment il a été amené par une baleine sur une île mystérieuse, que d'aucuns assimilent à la Sicile, où résidait le Roi Arthur depuis la bataille de Salisbury. Abattu par le désintérêt de son temps pour les principes chevaleresques et courtois, le souverain breton, alors aux prises à une grave dépression, aurait invité Guillem à raconter son périple aux Majorquins pour que ceux-ci retrouvent, malgré tout, espoir. Pure œuvre d'imagination ou allégorie d'une époque, la traduction française de ce texte catalan se découvre aux éditions Classiques Garnier et permet à chacun de se faire sa propre opinion.

Le renouveau

C’est en poésie que ressuscite la littérature des Baléares à la fin du XIXe siècle, notamment sous la plume de Miquel Costa i Llobera. Né à Pollença en 1854, décédé à Palma en 1922, il suivra sa vocation religieuse en devenant prêtre, mais c’est au sacre de la nature qu’il dédiera ses plus belles odes. Lauréat des Jeux floraux, ces joutes poétiques en catalan alors populaires en Espagne, il saura se faire un nom grâce à Lo pi de Formentor publié en 1875, un poème dédié à un arbre de sa terre natale qui influencera, entre autres, le peintre Joan Miró. Son œuvre majeure, Horiacianes (1906), le hisse définitivement au titre des membres d’importance de l’École dite de Majorque à laquelle sont également assimilés Maria Antònia Salvà (1869-1958), Llorenç Riber (1881-1958), Emília Sureda (1865-1904), Miquel dels Sants (1864-1920), et surtout Joan Alcover (1854-1926) qui volontiers tient salon et dont l’un des poèmes, La Balanguera, est devenu l'hymne officiel de l’île suite à sa mise en musique par Amadeu Vives.

L’époque se prête aussi à définir une identité propre comme en témoignent les différents travaux d’Antoni Maria Alcover né à Manacor en 1862. En sus de ses activités ecclésiastiques, l’homme entreprend de retranscrire les légendes locales qu’il publie sous pseudonyme, tout d’abord dans la revue La Ignorancia puis sous forme de recueil. Son intérêt porte également sur la linguistique puisqu’en 1900 il initie une collecte de vocabulaire en dialecte local, le majorquin, puis lance l’année suivante la première revue de philologie d’Espagne. Ce projet deviendra le dictionnaire catalan-valencien-baléare auquel il contribuera activement et dont il dirigera la composition avant que le Minorquin Francesc de Borja Moll ne le remplace à sa mort, survenue en 1932. Le premier volume de cette somme colossale, qui en comptera dix, sera publié en 1926, le dernier en 1962 seulement, la dictature franquiste ayant entre temps mis un frein à ce type d’initiatives.

Le XXe siècle s’émaille de noms qui ont marqué l’histoire de la littérature des Baléares. Ainsi, Llorenç Villalonga (1897-1980) fait paraître en 1931 ce qui est considéré comme le premier roman de l’archipel, Mort de dama, dont la fibre satirique et clairement moqueuse n'en facilitera pas la bonne réception. Étonnamment, il est plus aisé de se procurer en français un autre titre de l’écrivain, Un été à Majorque, qui se veut comme une réponse au fameux texte Un hiver à Majorque de George Sand (Presses universitaires de Clermont-Ferrand). Marià Villangómez (1913-2002) et Jaume Vidal Alcover (1923-1991) exploreront quant à eux les possibilités offertes par le théâtre, tandis que le journaliste Baltasar Porcel, né à Andratx en 1937 et mort à Barcelone en 2009, s’essaiera à tous les styles, passant allègrement du récit de voyage au roman, de la nouvelle à l’essai politique, et raflant au passage quelques prix littéraires d’envergure. Une partie de son œuvre a fait l’objet de traductions par les éditions Actes Sud. Enfin, impossible de ne pas citer Carme Riera, née en 1948 à Palma, elle aussi couronnée par de prestigieuses récompenses dont le Prix national des lettres espagnoles en 2015 et dont La Moitié de l’âme à découvrir chez Points donne un aperçu de son talent, et son concitoyen José Carlos Llop, prolixe auteur protéiforme, que les éditions Jacqueline Chambon suivent fidèlement depuis 2005. En 2018 a été traduit Rois d’Alexandrie qui éveille le souvenir des années 70 à Majorque et des 18 ans de l’auteur, entre pop music, politique et drogues de toutes sortes.

Top 10 : Lecture

La littérature des Baléares

Réduire l’archipel des Baléares à ses plages attrayantes, ses paysages époustouflants et l’amour de la musique électronique serait une grave erreur. Ici se sont écrit quelques-unes des plus belles pages de la littérature catalane qui se dévoilent parfois dans de belles traductions françaises. Petit panorama.

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Histoire de famille

Le Parfum des citronniers. Deux sœurs que tout sépare se retrouvent quand une inconnue leur lègue un moulin, vont-elles parvenir à rattraper le temps perdu ? Cristina Campos, éditions Pocket.
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Classique

La Faula. Pensant mettre le pied sur un récif, un noble majorquin monte en fait sur une baleine qui le mènera à la rencontre du Roi Arthur, en proie à une terrible dépression. Guillem de Torroella, éditions Classiques Garnier.

Bande-dessinée

Karmen. Quand Catalina se suicide suite à un chagrin d’amour, la mystérieuse Karmen – cheveux roses et combinaison de squelette – décide de prendre les choses en main. Guillem March, éditions Dupuis.

Beau-livre

Miró à Majorque. L’île où le peintre a rendu son dernier souffle abrite une impressionnante collection de ses œuvres, ce catalogue lui rend hommage. Collectif, 5 continents éditions.
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Nouvelle voix

Solstice. L’auteur revient sur les vacances qu’il passait en famille dans sa jeunesse, et sur les petits riens dont il faisait des trésors. José Carlos Llop, éditions Jacqueline Chambon.
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Récit de voyage

Un hiver à Majorque. Quand la santé de Chopin décline, le couple mythique n’a d’autre choix que de rejoindre le Sud. Une expérience que relate l’auteure dans ce texte méconnu. George Sand, éditions Le Livre de Poche.
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Cuisine

La cuisine catalane, volume 2. Pas moins de 400 recettes, dont les plus raffinées de l’archipel, pour prolonger le plaisir des vacances à la maison. Éliane Thibaut-Comelade, éditions Trabucaire.
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Poésie

Majorque, l’île aux poètes. Dans cette anthologie trilingue, les poètes nés après 1960 encensent leur île. Des photographies complètent le voyage. Collectif, éditions Illador.

Roman noir

Un, deux, trois, sol… Une détective privée féministe enquête sur une disparition inquiétante à la demande d’une voyante, un roman vif et caliente. Maria Antónia Oliver, éditions Gallimard.
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Curiosité

Récits d’Ibiza. Qui s’attendait à croiser l’ombre du philosophe allemand à Ibiza ? Il y vécut ses derniers moments de joie avant l’exil incessant. Walter Benjamin, éditions Riveneuve.
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