La nouvelle exposition programmée au musée du quai Branly - Jacques Chirac, intitulée Black Indians de La Nouvelle-Orléans, rend hommage à l'extraordinaire créativité des Africains-Américains de Louisiane qui s'exprime de façon spectaculaire depuis des siècles, lors des défilés de Black Indians. Au moment du Carnaval de Mardi gras, les groupes (" tribus ") rivalisent de costumes fabuleux, tout de plumes et de paillettes, de symboles, de couleurs vives et de préciosité. Ceux-ci sont fabriqués tout au long de l'année au sein des familles et des collectifs, et nécessitent des milliers d'heures de travail. Le carnaval de Mardi gras est le plus important rendez-vous festif à La Nouvelle-Orléans, un grand moment de défoulement et de musique.
Costumes fabuleux, rythmiques endiablées et joutes chantées
Avec les Black Indians, c'est la mémoire des ancêtres esclaves qui croise celle des communautés amérindiennes. Dans sa chanson emblématique Mardi Gras in New Orleans (1949), Professor Longhair insiste là-dessus : If you go to New Orleans you ought to go see the Mardi Gras (Si tu vas à La Nouvelle-Orléans, tu devrais aller voir le Mardi Gras !). Cet événement incarne à lui seul l'identité de La Nouvelle-Orléans, avec ses défilés de chars et ses fanfares dans le Vieux Carré de la ville. En marge de ces festivités héritées de l'époque coloniale française perdurent les spectaculaires défilés de Black Indians aux costumes ornés de perles, sequins et plumes. Une tradition longtemps ignorée.
Battle de Big Chiefs et Queens des tribus
Popularisées par la série télévisée américaine Treme de David Simon (HBO) dans les années 2010, ces parades sont un puissant marqueur social et culturel pour les Africains-Américains de Louisiane. Portées par les percussions et les chants des Big Chiefs et Queens issus d'une quarantaine de " tribus ", elles célèbrent la mémoire de deux peuples opprimés, amérindiens et descendants d'esclaves. Les parades des Black Indians témoignent de la résistance de la communauté noire aux interdits de la ségrégation raciale et aux festivités de Mardi gras dont elle était autrefois largement exclue. Dans le même temps, elles rendent hommage aux communautés amérindiennes qui avaient recueilli les esclaves en fuite dans les bayous.
Colloque de l'esclavage aux Black Indians
À travers un parcours géographique et chronologique jalonné d'entretiens, de costumes contemporains et d'oeuvres traditionnelles, l'exposition révèle une culture singulière, construite par plus de 3 siècles de résistance contre les assauts de la domination sociale et raciale, domination encore présente aujourd'hui. S'ajoute la lumière apportée par un colloque dédié à l'extraordinaire parcours des Africains-Américains de La Nouvelle-Orléans. Celui-ci entend discuter et célébrer l'histoire des Africains-Américains de la Louisiane dès le début de la Nouvelle-France jusqu'à la période actuelle. Ce colloque se déroule les 6 et 7 octobre autour de conférences, discussions et échanges libres, qui abordent les dimensions historiques, culturelles et artistiques de ce phénomène social.
Similitudes entre peuples indigènes opprimés
D'autres civilisations ont développé des expressions similaires et que l'on retrouve au musée. Ainsi, au même titre que le musée du quai Branly - Jacques Chirac détient de somptueux costumes de Black Indians, il possède des costumes colorés et surprenants, visibles dans les collections, dont ceux de la Diablada. L'origine de cette danse remonte au XVIIe siècle, quand les Espagnols vinrent exploiter les mines de Bolivie en faisant travailler les populations locales. Les mineurs des villes de Potosí et d'Oruro firent de la Vierge de la Candelaria (Vierge du Socavón) la Sainte Patronne des mineurs. En parallèle, la croyance en Supay, personnage mythique préhispanique, évolua en Tío de la Mina le bienfaiteur des mineurs, associé au Diable par les Espagnols. De même, les Andins vénéraient les wakas, lieux sacrés, sources, montagnes et momies, qui incarnaient pour eux les forces surnaturelles. Les Espagnols détruisirent ces wakas pour combattre l'idolâtrie. Dès lors, les wakas vont être incarnés par les indigènes eux-mêmes.
Danses profanes et syncrétisme religieux
Cette mainmise des Espagnols fut suivie par un fort syncrétisme religieux que l'on observe encore aujourd'hui. La Diablada en résulte qui fusionne des éléments de religion catholique et des croyances autochtones au travers d'une danse théâtrale qui met en scène les personnages de Lucifer ou Ñaupa Diablo, escorté d'une légion de démons et de l'Archange Saint-Michel, chef de la milice angélique. La danse de La Diablada, exécutée lors du Carnaval de Oruro, ville minière de Bolivie, intègre des rites amérindiens demandant aux esprits de bonnes récoltes et extractions de minerai (Tío de la Mina). Les masques et habits portés dans ces danses permettent un contact direct avec le divin. Les costumes présentés au musée du quai Branly - Jacques Chirac ont été créés et portés entre 1961 et 2009, et acquis auprès d'une des fraternités qui participent au carnaval de la ville d'Oruro.
Informations pratiques
Montée avec le soutien précieux du Louisiana State Museum, l'exposition Black Indians de La Nouvelle-Orléans est programmée du 4 octobre 2022 au 15 janvier 2023, tous les jours sauf lundi.
Du mardi au dimanche de 10h30 à 19h
Nocturne tous les jeudis jusqu'à 22h
Ouvertures exceptionnelles tous les lundis de 9h30 à 19h durant les vacances de Toussaint et Noël
Entrée plein tarif : 12 ?
Gratuit pour les -26 ans résidents UE
Dans le cadre de cet évènement, le musée programme une série de visites guidées, de rencontres et de concerts (Sunpie and the Louisiana sunspots, Galactic, Cedric Watson et
Outils de visite disponibles sur place et/ou en téléchargement : audioguide, dépliant de visite, dossier pédagogique à destination des enseignants
Dans le cadre de l'exposition Black Indians, le musée organise " Les dimanches en fanfare "
Plus de renseignements sur le site Internet du musée du quai Branly - Jacques Chirac.