Ouverte au printemps 2021, la Bourse de Commerce - Pinault Collection est un nouveau musée d'art contemporain situé à proximité des Halles dans le 1er arrondissement. Cette belle bâtisse circulaire, dont l'architecture a été restaurée et transformée, est le lieu d'un dialogue inédit entre patrimoine et art contemporain. C'est là, en plein coeur de Paris, qu'un large programme d'expositions et d'événements propose un point de vue sur la collection d'oeuvres contemporaines que François Pinault constitue depuis près de cinquante ans. Un ensemble exceptionnel de plus de 10 000 oeuvres, peintures, sculptures, vidéos, photographies, oeuvres sonores, installations et performances, de près de 380 artistes originaires du monde entier.
Depuis février 2023 et jusqu'au mois de septembre prochain, la Bourse de Commerce - Pinault Collection propose une nouvelle saison d'expositions nommée "Avant l'orage". Elle s'est ouverte avec une installation monumentale et inédite de l'artiste danois Danh Vo, spécialement créée pour la Rotonde. Depuis fin mai, elle est réactivée par l'exposition dédiée à l'artiste britannique Tacita Dean, dans la Rotonde et la Galerie 2.
Avec "Avant l'orage", le musée dévoile des créations inédites au sein de ses différents espaces. Le public est invité à flâner au fil des saisons et au gré d'écosystèmes. Il y découvre des oeuvres et des installations immersives en lien avec la nature, éternelle source d'inspiration pour les artistes. C'est également une belle occasion de s'interroger sur le dérèglement climatique et ses conséquences, sujet qui ne manque pas de nourrir leur esprit créatif. Voici 5 oeuvres immersives à découvrir à la Bourse de Commerce lors d'un passage à Paris cet été.
1. Le panorama hypnotisant d'Hicham Berrada
L'oeuvre Présage, de l'artiste franco-marocain Hicham Berrada, est une installation vidéo avec vidéoprojecteurs synchronisés. Elle immerge les spectateurs dans un univers visuel mutant. Un développement constant de formes, de filaments, d'excroissances et de spores colorés, créés par l'action de substances corrosives et toxiques sur des métaux. Une vidéo qui, diffusée à l'échelle de la galerie d'exposition, fait découvrir au public une nouvelle sorte de peinture de paysage. Une surface instable où naissent des formes et des couleurs, et qui n'est pas sans faire penser à la prolifération d'un récif corallien.
L'oeuvre, emprunte de poésie, est le résultat de l'activation des propriétés du réel. Au sein de la Bourse de Commerce - Pinault Collection, le spectateur est plongé dans l'immensité d'une scène dont il lui est bien difficile de saisir tous les éléments. À lui de laisser aller son esprit et son imagination pour en faire ressortir un monde qui lui appartient.
2. Les cocons tout droit sortis d'un film de science-fiction d'Anicka Yi
Anicka Yi est une artiste américaine d'origine sud-coréenne. Sa pratique explore les porosités entre le vivant et l'artificiel. Dans le cadre d'"Avant l'orage", les visiteurs découvrent d'incroyables cocons d'algues luminescents, aux formes variées et suspendus au-dessus de cratères. Comme flottant dans l'espace, on ne sait plus très bien si l'on fait face à d'énormes lanternes comme on en trouve en Asie, ou à de gigantesques gousses à l'intérieur desquelles un ou plusieurs insectes seraient en gestation. Il faut s'approcher au plus près des oeuvres pour déceler les bruits et mouvements d'un insecte à l'intérieur. Cet incroyable travail s'intéresse au flou interprétatif entre nature et technique, à l'hybridation et au mélange post-biologique. Le temps de l'observation et de l'écoute, on pénètre au coeur d'un film de science-fiction, où le végétal semble donner naissance à des êtres électroniques.
Les cocons sont entourés de peintures de la série ÄLñ§ñ, animées par un effet holographique. L'artiste a recours à l'intelligence artificielle ou encore à des éléments d'origine minérale qui agissent comme une couche de peinture reprise à l'acrylique par Anicka Yi.
3. Le cycle de peintures de Cy Twombly
Le cycle de peintures Coronation of Sesostris se compose de dix panneaux de plus de deux mètres de hauteur. Inspirées du roi légendaire de l'Égypte ancienne Sésostris, les oeuvres évoquent tour à tour des soleils rougeoyants et des bateaux en flamme, références à la course du char solaire du pharaon. L'artiste américain Cy Twombly s'attache à dépeindre un cycle solaire mutant, dans lequel on passe tour à tour du soleil à la nuit, du monde des vivants au royaume des morts. La vie du roi se confond avec celle du dieu Râ.
Comme une habitude dans les oeuvres de Twombly, des citations, poèmes antiques ou contemporains s'ajoutent aux images. Citations de Sappho, d'Alcman ou encore poème de Patricia Waters, les thématiques abordées sont celles des fluctuations du désir ou de la relation aux religions perdues.
4. La veste de costume de Robert Gober
Lors de leur déambulation au sein de la Bourse du Commerce - Pinault Collection, les visiteurs seront peut-être surpris de tomber sur cette veste de costume noire vue de dos et d'où dépasse un col de chemise blanc. Rien d'exceptionnel à première vue. Sauf qu'en s'approchant, ils constatent la présence d'une petite ouverture carrée qui invite à regarder à l'intérieur. Ils découvrent alors une véritable fenêtre ouverte sur la nature, avec un mélange de branchages, d'eau qui coule et de paroi rocailleuse.
L'oeuvre Waterfall, du sculpteur américain Robert Gober, est un clin d'oeil à la dernière installation de Marcel Duchamp Étant donnés : 1° la chute d'eau 2° le gaz d'éclairage... Au sein d'une exposition nommée "Avant l'orage", difficile de ne pas y voir une référence au dérèglement climatique. La veste noire évoque les hommes d'affaires et l'exploitation abusive de la planète, avec des conséquences qui finissent par se ressentir sur ce si joli paysage bucolique dévoilé par la petite ouverture carrée.
5. Le film à la pellicule ancienne de Tacita Dean
Depuis mai dernier, la Bourse de Commerce - Pinault Collection propose une exposition du travail de l'artiste britannique Tacita Dean, constituée d'oeuvres inédites et conçue en résonance avec la saison "Avant l'orage". Parmi les temps forts, son film intitulé Geography Biography (2023), tourné en 35 mm, spécialement pour cette exposition. À l'occasion de cette cartographie autobiographique, les images filmées dans diverses régions du monde s'entrelacent avec des cartes postales du XXe siècle issues de sa collection. L'ensemble donne vie à des paysages recomposés et évoquant des temporalités lointaines et imaginaires, des fragments de vie et de mémoire de l'artiste. Comme s'attache à le dire l'artiste elle-même, ce film présenté sous la forme d'un diptyque devient "une manifestation très physique du temps : vingt-quatre images par seconde. Lorsque l'on travaille avec un support physique, on est confronté à un temps physique, loin de toute herméticité ou discontinuité".