19_pf_165478.jpg
shutterstock_1006644514.jpg

Histoire et produits du terroir

Au début du VIIIe siècle, le Califat omeyyade est le plus grand empire connu de l’histoire de l’humanité. S’étendant déjà de l’Inde au Maroc, il continue son expansion au nord. En 711, les Arabes attaquent Gibraltar et prennent Séville en 712. Moins de 10 ans plus tard, ils occupent la quasi-totalité de la péninsule ibérique. Cette présence ne prendra fin qu'avec la prise de Grenade en 1492. Cette empreinte culturelle passe par la cuisine et les Arabes introduisirent en Espagne de tout nouveaux ingrédients venus d'Orient : riz, safran, abricots, canne à sucre, aubergines, amandes, carottes, coriandre, etc.

Les Arabes introduisent aussi en Andalousie de nouvelles techniques d’irrigation en zone aride et des méthodes de conservation et de salaison des poissons, et notamment du thon. Les fritures de poisson finement enrobées au préalable de farine sont aussi une invention maure. Autre apport : l’utilisation du vinaigre pour la conservation des aliments. De nombreuses recettes portent toujours le nom de « moruno » (« mauresque »), comme les pinchitos morunos (brochettes de poulet avec safran, cumin et coriandre), le cordero a la moruna (gigot d’agneau aux fruits secs et à la cannelle) et la sopa moruna (soupe de pois chiches et d’agneau épicée) semblable à la chorba nord-africaine.

L'Andalousie partage avec l’Estrémadure la production du fameux jamón iberico, dont la zone de fabrication déborde également au sud du Portugal. Ce terme inclut notamment le jamón dit « pata negra », en référence à la couleur noire des sabots des cochons ibériques. Il existe trois qualités : le bellota (porcs vivant en liberté se nourrissant que de glands, le plus prisé), le recebo (porcs en semi-liberté mangeant herbes, glands et céréales) et le cebo (nourris uniquement de céréales). Le Jamón de Jabugo, de Guijuelo, le Dehesa de Extremadura et le Los Pedroches bénéficient d'une AOP. Le jamón serrano (« jambon montagnard ») fait référence à la Sierra Nevada, et le plus prisé est le jamón serrano de Trevélez, produit à 1 700 m d’altitude.

On retrouve d’autres embutidos – comprendre « charcuterie » – en Andalousie, comme les incontournables chorizo et salchichón. Mais également le morcón, une épaisse saucisse parfumée à l’ail et au paprika. Le lomo embuchado, très peu gras, se rapproche d’un filet mignon séché. La zurrapa de lomo ressemble un peu à nos rillettes, mais est parfumée avec du pimentón, qui donne une couleur orange vif à la couche de saindoux dont les Espagnols raffolent étalé sur du pain. Parmi les fromages, on peut citer diverses variétés de « quesos » de montagne (sierras d’Almería, de Grenade, de Ronda et de Grazalema), principalement de chèvre et de brebis. La plupart se présentent sous la forme de grosses tommes rondes. Dans les alentours de Jaén, il existe un excellent fromage curado dont l’intérieur est imbibé d’huile d’olive.

L'huile d'olive est l'or liquide de l'Andalousie. L'Espagne, à elle seule, produit plus d'un tiers de l'huile d'olive dans le monde, et l'Andalousie fournit quelques 75 % de l’huile d’olive d’Espagne. Si la province de Jaén est la plus grosse zone de production de la région, on retrouve des oliviers dans quasiment toute l’Andalousie. Pas moins de 14 zones de production bénéficient d’une Denominación de Origen Protegida en Andalousie, soit presque autant que toutes les autres régions d’Espagne réunies : Antequera, Baena, Campiñas de Jaén, Estepa, Jaén Sierra Sur, Lucena, Montes de Granada Montoro-Adamuz, Poniente de Granada, Priego de Córdoba, Sierra de Cádiz, Sierra de Cazorla, Sierra de Segura et Sierra Mágina.

Les classiques de la cuisine sévillane

Comme dans le reste de l’Espagne, les tapas occupent une place prépondérante dans la cuisine sévillane. En plus de la charcuterie et du fromage, on retrouve des ingrédients tout simples comme les olives (aceitunas), les anchois (boquerones) ou les poivrons (pimientos) marinés à l’huile d’olive. Venant de l’arabe « musama », le mojama, est une pièce de thon séché au sel, coupée en fines lamelles et servie avec de l’huile d’olive. Citons aussi les anchois ou boquerones en vinagre. Les veloutés froids sont populaires, comme le gazpacho (tomate, concombre, poivron, ail, pain et huile d'olive), le salmorejo (tomate, pain, huile d'olive, vinaigre, ail, jamón) et l’ajoblanco (ail, pain, amandes, huile d'olive).

Parmi les tapas chaudes, citons les chicharrones (petits cubes de lard de porc frit), les albondigas a la andaluza (boulettes de bœuf en sauce tomate), les croquetas de jamón (croquettes panées au jambon sec), les espinacas con garbanzos (épinards et de pois chiches confits avec huile d’olive et ail), les caracoles guisados a la andaluza (escargots mijotés avec de la menthe, du fenouil, de l'ail et du piment) et les habas con jamón (fèves au jambon). Les montaditos sont des petits sandwichs – connu sous le nom de « bocadillos » dans le reste du pays – fourrés avec toutes les garnitures possibles et imaginables. Citons également les huevos a la flamenca (œufs cocotte au chorizo et au jambon sec) ou encore les revueltos de espárragos (œufs brouillés aux asperges).

Les amoureux de produits de la mer se régaleront de tortillitas de camarones (galettes de crevettes frites), de chocos con habas (seiche aux fèves), de puntillitas fritas (petits calamars frits) et de boquerones fritos (anchois frits). Le pescaito frito est un assortiment de petites fritures de poissons et de fruits de mer, toujours servi avec un quartier de citron. Les soldaditos de Pavía sont des morceaux de morue panée roulés dans une lamelle de poivron confit. Sans oublier l'arroz caldoso marinero (riz servi avec un riche bouillon, garni de fruits de mer) et la cazuela de fideos (un plat similaire mais avec des pâtes à la place du riz).

Citons également le flamenquín (roulé jambon-fromage pané et frit) originaire de Cordoue, mais très populaire à Séville, le ternera a la sevillana (veau en sauce aux olives), l'olla de trigo (un ragoût de pois chiches et de blé garni de viande) ou le rabo de toro (queue de taureau confite dans une sauce au vin rouge). Le puchero – parfois appelé cocido andaluz – est une sorte de pot-au-feu aux pois chiches, garni de pomme de terre, carotte, chou, poulet, veau, os de jambon, chorizo et boudin noir/morcilla), très apprécié en hiver.

Desserts et autres divines douceurs

Un grand nombre de desserts ou de douceurs traditionnels andalous se présentent sous la forme de biscuits ou de beignets. Parmi les spécialités les plus connues, on retrouve les piñonates, de petites boules de pâte à base d’amande, de sésame et de pignons, mais aussi les mantecados de Estepa, des biscuits sablés, parfumés à la cannelle, au zeste de citron ou même au cacao. Très proche, les polvorones aux amandes, sont originaires également de la région de Séville. Le saindoux leur donne une texture très friable, d’où leur nom : polvo (poudre).

Les roscos de Loja se présentent sous la forme d’anneaux généreusement nappés d’un glaçage blanc. Originaires de la région de Séville, les mostachones de Utrera sont des biscuits moelleux au citron. On retrouve d’autres douceurs plus consistantes, comme les bizcochos borrachos (une sorte de babas), les torrijas (un pain perdu à la cannelle), le dulce de membrillo (une pâte de coing), les cortadillos de cidra (des biscuits friables fourrés au citron) ou encore le tocinillo de cielo (un pudding aux œufs et au caramel). Le pan de Càdiz est une nourrissante confiserie à base de fruits confits et de pâte d’amande. Impossible également de ne pas citer les churros. En Espagne, il est d’ailleurs habituel de prendre un petit déjeuner composé d'un chocolat chaud bien épais accompagné de churros (chocolate con churros). De nombreuses spécialités sont aussi servies pendant les fêtes religieuses, comme les roscos fritos, des beignets en forme de couronne, couverts de sucre et consommés pendant la Semaine sainte. Ou encore les pestiños, des tubes de pâte frits parfumés au sésame, imbibés de miel, généralement préparés pour Noël et Pâques.

Certains biscuits et autres préparations pâtissières peuvent d’ailleurs être achetés dans les couvents d’Andalousie. C’est une tradition qui remonte au Moyen Age, où les viticulteurs utilisaient du blanc d’œuf pour clarifier les vins. Ils faisaient ainsi don des jaunes d’œufs aux couvents. Les bonnes sœurs réalisaient en échange des pâtisseries qu’elles revendaient. On peut ainsi déguster des yemas de San Leandro, ces biscuits moelleux aux amandes, dont le couvent est situé à Séville. Dans la même ville, on peut trouver les bollitos de Santa Inés, parfumées au sésame. A noter que certaines congrégations ont fait vœu d’isolement et ne sont pas en contact avec le monde extérieur. Pour acheter les pâtisseries, il faut donc utiliser un « torno », une sorte de passe-plats qui permet de passer commande. On dépose l’argent et en échange la porte se tourne avec les pâtisseries, sans que l’on puisse croiser le regard des religieuses.

Au pays du Xérès

Vin indissociable de l’Andalousie, le xérès est originaire de la province de Cadix, au sud de Séville, et tire son nom de la ville de Jerez de la Frontera. Il bénéficie d'une DO (Denominación de Origen). Ce vin muté – par ajout d'eau-de-vie – va séduire une clientèle d’Europe du Nord dès le Moyen Age et sera exporté abondamment à partir du XVIIIe siècle, sous l’impulsion de négociants britanniques qui baptiseront le breuvage « sherry », ne parvenant pas à prononcer son nom espagnol : « jerez ». Cette région, très chaude en été, est tempérée par l'air humide de l'Atlantique qui donne tout son caractère à ce vin, sans oublier un sol unique, à la fois argileux, calcaire et sablonneux.

Les trois cépages utilisés sont le pedro-ximénez, le moscatel et le palomino. La fermentation est classique mais les fûts ne sont pas remplis totalement, car une fois la fermentation achevée, il est fortifié à 15,5 % avec une eau-de-vie neutre. Dernier procédé, la solera consiste à mélanger des vins jeunes avec des vins plus vieux, permettant d’homogénéiser la production. Des plus secs aux plus liquoreux, les vins de xérès s’étendent sur un large éventail, dont les Finos et les Manzanillas aux arômes délicats et fins, alors que les Olorosos présentent un profil aromatique plus prononcé. On retrouve évidemment bien d’autres vins andalous réputés comme le Moscatel (muscat), le Montilla-Moriles et le Condado qui est produit entre le Guadalquivir et la frontière portugaise.

Le tinto de verano, à base de vin rouge, de limonade et de citron, servi glacé, est le cocktail estival par excellence. Le mosto est un jus de raisin pas totalement fermenté, très agréable en apéritif avec quelques glaçons et une tranche d’orange. La bière est extrêmement populaire en Espagne, qui est le 9e consommateur mondial. On produit la Cruzcampo à Séville depuis 1904 et elle est l'une des bières les plus consommées du pays.