Dvořak, les musiciens classiques et le Printemps de Prague
Compositeur révélé par Brahms et Liszt, Antonín Dvořák a puisé pour son œuvre dans le folklore tchèque et sa culture, comme en témoignent ses fameuses Danses slaves. Mais le compositeur est d’abord resté à la postérité pour sa Symphonie du Nouveau Monde, qu’il a écrite à son retour des États-Unis. Et c’est tout le paradoxe de Dvořák. Aussi doués aient-ils été, ce ne sont pas Janáček, Smetana ou Martinů qui représentent l’âme de la Bohème auprès des mélomanes, mais bien Dvořák. Son œuvre monumentale parcourt tous les genres : des symphonies, de la musique de chambre, des danses, mais aussi des opéras, des concertos et des rhapsodies. Si ce dernier a su, tout autant que Smetana, puiser dans les racines musicales de son pays, il a surtout jeté un pont entre la musique du passé et celle de la modernité, entre la vieille Europe et l’Amérique des pionniers, avec la Symphonie du Nouveau Monde, dont la première interprétation s’est faite dans la plus grande salle du Rudolfinum. Cet imposant bâtiment néo-Renaissance, situé au bord de la Vltava, qui abrite l’Orchestre philharmonique tchèque, la référence du pays en matière d’orchestre, est aussi le lieu de grands festivals de musique classique tels que le Printemps de Prague ou encore les Cordes de l’automne.
Toutefois, ce n’est pas Dvořák qui a été baptisé père de la musique tchèque mais bien Smetana. Ce dernier a su mêler folklore et « modernisme national ». En 1866, il est nommé à la tête du Théâtre provisoire. À partir de cette date, le compositeur va consacrer sa vie à l’édification d’un théâtre national tchèque, devenu symbole culturel de la Tchéquie. De ses œuvres, très inspirées par le folklore, on peut retenir Má Vlast (Ma patrie), symphonie composée de six tableaux musicaux de toute beauté, dont l’imparable Vltava (La Moldau). La salle de concert du Philharmonique tchèque, à Obecní Dům (la Maison municipale), porte son nom. Compositeur et humaniste passionné, Leoš Janáček passa la plus grande partie de sa vie à Brno et dans sa région. Ce n’est qu’à l’âge de 60 ans que sa popularité dépassa la frontière de la Moravie et atteignit Prague. Il est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus grands compositeurs de l’histoire du théâtre lyrique, grâce à des œuvres telles que Jenufa, Katja Kabanova et L’Affaire Makropoulos. Bohuslav Martinů, qui a fait toute sa carrière en exil, est quant à lui reconnu comme l’un des symphonistes les plus importants depuis Sibelius.
La musique accessible à chaque coin de rue
Un des événements majeurs de la Tchéquie, le Printemps de Prague (Prazské jaro), se déroule en mai-juin dans la capitale tchèque depuis 1946. La soirée d'ouverture de ce festival international de musique classique se déroule dans la salle Smetana, à la Maison municipale, avec, comme de tradition, le célèbre poème symphonique Ma patrie de Bedřich Smetana. Dans son majestueux bâtiment Art nouveau, le festival a accueilli les plus grands compositeurs de notre époque, tels qu’Arthur Honneger ou Leonard Bernstein. D’autres lieux proposent des concerts intéressants, comme le palais Žofín, l’église Saints-Simon-et-Jude ou encore l’église Sainte-Anne. L’offre de concerts est pléthorique dans les églises de Prague, avec une inclination pour la musique baroque ; Vivaldi, Bach et Mozart tiennent souvent la tête d’affiche. Le Clementinum est un complexe baroque qui organise des concerts dans sa magnifique chapelle aux miroirs. Le palais Liechtenstein, dans le quartier de Malá Strana, héberge l’Académie de musique de Prague. Souvent, des étudiants s’y produisent. Situé dans l'ancienne église Sainte-Marie-Madeleine, le musée de la Musique met en lumière la longue tradition praguoise à travers une exposition passionnante. Vous y découvrirez (entre autres) des clavecins, un piano-girafe, des partitions des compositions de Beethoven et une riche collection d’instruments de musique. Le flâneur mélomane pourra aussi se recueillir au cimetière de Vysehrad et saluer ainsi les compositeurs et musiciens Antonín Dvořák, Josef Suk, Karel Ancerl ou encore Rafael Kubelík.
La Nouvelle Scène (Nová scéna) du Théâtre national est un bâtiment moderne qui accueille des pièces de théâtre, des ballets et des opéras. Il s’agit aussi du siège de la troupe Laterna magika. Contrairement au Théâtre national, dont la programmation oscille surtout entre Janáček, Smetana, Dvořák et Martinů, et au Théâtre des États, qui reste classique dans ses choix, la Nová Scéna axe toute sa programmation sur la création contemporaine.
Le jazz et la musique tzigane
En traversant le mythique pont Saint-Charles, vous serez très certainement accompagné par les violons tsiganes des musiciens de rue. La musique a représenté un facteur de lien et de socialisation au sein de la communauté tsigane. Malheureusement, comme pour la langue, la plupart des traditions musicales ont été perdues sur les territoires tchèques, pendant la période communiste, avec la forte politique d'assimilation mise en place. Les musiciens tsiganes tchèques pratiquent souvent un mélange des genres comme Gipsy.cz, des Tsiganes praguois, qui mêlent musique hip-hop au violon tsigane, ou encore Iva Bittová, violoniste surdouée, qui compose une musique contemporaine de toute beauté. Chaque année en mai, Prague accueille le Khamoro, le festival international de la culture rom, qui propose de nombreuses soirées de musique tsigane.
Côté jazz, la République tchèque n’est pas en reste. Importé dans les années 1920, le jazz n’a jamais cessé de s’exprimer dans les clubs praguois et participe activement à la vie culturelle de la capitale. Du be-bop et du jazz traditionnel à la fin des années 1990, la scène praguoise a évolué pour proposer aujourd’hui un univers propre. Pour le découvrir, rendez-vous au Jazz Dock, une des références de la ville en matière de jazz. Ce club a été construit sur une plate-forme posée sur les quais de la Vltava et propose ce qui se fait de mieux en matière de jazz. Mais vous n’aurez que l’embarras du choix entre l’AghaRTA Jazz Centrum et son magnifique caveau qui a vu passer Chick Coréa ou Pat Metheny, le Reduta qui a reçu tous les plus grands, de Nina Simone à Ella Fitzgerald en passant par Ray Charles, ou encore l'USP Jazz Lounge, où l'ancien président Bill Clinton s'est essayé au saxo. Les plus grands jazzmen d’aujourd’hui se nomment Jiří Stivín, un joueur de flûte aux improvisations fantastiques, Emil Viklický, un pianiste et compositeur qui est parvenu à allier avec qualité le jazz moderne et la musique folklorique, ou encore Milan Svoboda, qui a fait le tour du monde avec son quatuor. On peut aussi citer le jazz fusion de Tibor Feledi Kairos quintet, Tellemark au jazz mâtiné d’influences électroniques et world music, Crescent Quartet, qui ne peut cacher l’adulation qu’il porte à Coltrane, ou la pianiste de renommée internationale Kristina Barta.
Le rock, pilier de la vie nocturne
La scène rock tchèque actuelle déborde d’activité, mais elle a aussi joué un rôle capital dans un passé pas si lointain. En septembre 1976, le régime communiste, qui avait décidé de s’attaquer à l’opposition, a mis en scène un procès-spectacle contre des membres du groupe underground The Plastic People of the Universe. Aucun des textes du groupe ne contenait de connotation politique, mais le simple fait de jouer de la musique rock, en écho aux artistes tels que Frank Zappa ou Lou Reed, et de chanter en anglais faisait du groupe une cible de choix. Mais le résultat fut loin d’être celui escompté et la manœuvre transforma les musiciens du groupe en symboles de la résistance. Il poussa les intellectuels à s'unir dans un mouvement citoyen, dont le dramaturge Václav Havel s’est fait le porte-parole. Les actions menées par les activistes ont ainsi fait monter l’opposition jusqu’au renversement du gouvernement et l’accession au pouvoir de Václav Havel. Soulignant le rôle du rock dans le soulèvement, le nouveau président avait alors invité les Rolling Stones à donner un concert à Prague dans l’enceinte du gigantesque stade de Strahov pour célébrer cette victoire.
La scène rock est représentée aujourd'hui par des groupes aux noms évocateurs : Laura a její tygři (Laura et ses tigres), Žlutý psi (Chiens jaunes), Půlnoc (Minuit) et, plus hard, Tři Sestry (Trois sœurs), très populaires, Buty d’Ostrava, puis Lucie avec David Koler. Les groupes confirmés se produisent sur la scène du Meetfactory, au Roxy, au Palác Akropolis et sa façade très colorée, sur la scène ronde du Lucerna Music Bar ou encore au Forum Karlín. Ces clubs sont devenus des lieux incontournables de la vie nocturne, dans chaque quartier de la ville – que ce soit l’industriel Smíchov, les rues délabrées de Žižkov, ou encore le centre touristique plus « hipster » de Karlín. Le Rock Café se prétend le plus vieux club praguois et propose aussi de petits concerts bon marché, presque chaque soir. À moins de 200 m de Rock Café, le club Batalion accueille les amateurs dans une cave voûtée à la déco très comics. Le bar et le club sont décorés avec des planches de Kaja Saudek, l’un des plus grands auteurs de bande dessinée tchèque. Enfin, sur la grande artère Národní, la clientèle du Vagon, essentiellement locale, s’abreuve de bières en écoutant du rock toute la nuit.
Prague a connu une explosion de concerts, fêtes ou clubs électro. Ville festive qui ne dort jamais, les visiteurs en quête de musique électro n'auront aucun mal à dénicher une soirée. Le Cross Club situé au nord de la ville est sans doute le meilleur endroit où commencer sa soirée avec ses décors absolument surréalistes. Tout comme le Bunkr Parukářka dans le quartier de Žižkov, qui distille une ambiance toute particulière, puisqu’il est installé 20 m sous terre dans la colline de Parukářka : il s’agit d’un ancien abri anti-atomique !
La tradition des Taneční
Spécificité locale, les Taneční sont des cours de danse fréquentés par de nombreux jeunes adolescents. Organisés dans les pays tchèques depuis 1830, on y apprend d’abord les pas de danse (polka, valse, cha-cha-cha, rumba…), mais aussi le maintien ou les règles de bonne conduite. Les jeunes apprendront ainsi qu’on ne mâche pas un chewing-gum en dansant, qu’on demande à la mère si on peut inviter sa fille à danser, qu’on la raccompagne à sa table… Les professeurs s’attachent aussi au style vestimentaire et donnent des conseils à leurs élèves pour éviter le ridicule : les costumes doivent être sombres, pas de chaussettes blanches avec un costume noir… Pour la dernière leçon, les filles se parent de robes de soirée blanches, en référence à la tradition du bal des débutantes et leur présentation à la société. Des cours sont parfois aussi proposés aux adultes. Si vous êtes intéressé, la Taneční Škola Astra propose des cours pour tous les âges et la Taneční škola Hes est aussi très réputée.
Le théâtre de marionnettes
Autre tradition locale, vieille de cent cinquante ans, le théâtre de marionnettes a commencé comme art itinérant, et demeure aujourd'hui un symbole national pour les cultures tchèque et slovaque. Les marionnettistes utilisaient les figurines en bois comme moyen d'exprimer leurs pensées et leurs idées librement, en particulier lorsqu'ils parlaient de politique. Ces théâtres sont également utilisés de façon ludique pour enseigner aux enfants le monde qui les entoure. La population tout entière assiste aux représentations locales les jours de fête et les jours fériés. Depuis 2016, le théâtre des marionnettes est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l’Unesco. Si vous découvrez Prague avec des enfants, réservez votre soirée au théâtre de Spejbl et Hurvínek, un spectacle de marionnettes traditionnel, avec deux personnages qui narrent leurs aventures et digressent de façon humoristique sur le sens de la vie. Le Théâtre national des marionnettes est la référence en la matière. Ce spectacle classique raconte avec esprit la vie de Mozart à travers l’évocation des opéras Don Giovanni et La Flûte enchantée. Vous y passerez un moment de détente et vos enfants se régaleront. Une boutique très intéressante, spécialisée dans le petit monde des marionnettes, est installée près du pont Charles. Son fondateur Pavel Truhlář expose le travail de plus d’une cinquantaine de marionnettistes tchèques. La gamme proposée est très étendue, du moulage en plâtre, réplique de marionnettes originales, à des originaux sculptés sur bois.