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Shanghai ou la folie des grandeurs ! « Perle » commerciale de l’Est ou « putain de l’Orient », la tumultueuse ville portuaire n'a pas échappé aux fantasmes occidentaux du temps des concessions avant d'être laissée à l’abandon une fois les années Mao arrivées. Dans la Chine profondément rurale, elle incarne plus que jamais le symbole du renouveau, nichée sur les berges de la rivière Huangpu, à l’embouchure du Yangtsé et faisant figure de bon élève avec plus de 18 millions d’habitants. On y découvre autant d'ambiances que de quartiers, derrière sa façade de gratte-ciel, ses centres commerciaux, marques luxueuses et bars branchés se cachent lilongs, échoppes de fortune et maisons centenaires en tout genre. Cela n'enlève rien à son développement incessant et ses projets pharaoniques nés de l'Exposition Universelle (2010) avec ses 73 millions de visiteurs qui a vu naître un nouveau quartier de 5 km² et quantité de nouvelles infrastructures.

Mais Shanghai est plurielle, on passe de prouesses architecturales récentes en chefs-d’œuvre Art déco, de ruelles étroites en grosses artères bondées, de repaires huppés en spots underground… Un séjour à Shanghai ressemble donc à une immersion dans un monde connu et fait penser à ses sœurs jumelles que sont Hong Kong, Tokyo ou New York. Porte d’entrée du monde vers la Chine, Shanghai est probablement la ville chinoise dont l’accès est le plus facile pour les étrangers.

Stéphan SZEREMETA

Une balade sur le Bund, c'est comme manger des pâtes en Italie, c'est incontournable ! Point de départ de toute visite de Shanghai, les yeux rivés d'un coté sur les tours du Pudong, vertigineuses à souhait, de l'autre sur les bâtisses plus historiques, d'architecture romane, gothique, baroque ou Art déco. Qu’il s’agisse d’anciens palais, de sièges de grandes banques ou d’autres lieux mythiques, ces édifices font la fierté de la ville. Du nord au sud, les bâtiments s'égrènent un à un, de l'ancienne station météorologique de Shanghai, phare de la ville datant de 1907 contrastant énormément avec les petites maisonnettes de briques rouges. Elle abrite aujourd'hui le musée du Bund.

Puis s'élève face à nous l'ancien siège de la HSCB, superbe bâtiment de style néoclassique surplombé par un dôme central cerné de toutes parts de mosaïques. Et la liste est encore longue, banque chinoise des télécommunications, tout dernier immeuble arrivé sur le Bund, l'ancien siège de la Chartered Bank of India, réhabilité en bars et galeries, le Swatch Art Peace Hôtel et sa grande pyramide de cuivre vert ou encore l'Astor House, dernier hôtel mythique avant le pont Waibaidu. Bonne visite !

Mario SAVOIA

Le jardin Yu en décevra peut-être certains, peu enclins à admirer sa beauté. Toujours est-il que le jardin Yu reste un des incontournables de Shanghai. Considéré comme le plus beau de toute la région, en profiter se mérite face au flot incessant de touristes. Mieux vaut prendre patience, donc, pour franchir les portes de ce site aménagé sous la dynastie des Ming au XVIe siècle par Pan Yunduan, un haut fonctionnaire basé dans le Sichuan. Passé de mains en mains au cours de son histoire, il fut utilisé comme siège commercial par des hommes d’affaires à partir de 1760 puis occupé par les troupes britanniques avant de devenir le siège de la société secrète des Petits Couteaux pendant le soulèvement contre le gouvernement impérial.

C’est en 1961 que ses portes ouvrent au public après une énième phase de rénovations. Aujourd’hui, on y découvre deux hectares de paysage calme et harmonieux, divisés en six par cinq grands murs en forme de dragons. Rocailles, bassins, petits ponts et pavillons lui confèrent un charme unique. Au milieu de cet ensemble, se démarque le point d’orgue de la visite : le massif de rocailles jaunes créé par Zhang Nanyang, un spécialiste de l’art des jardins sous les Ming.

Stéphan SZEREMETA

Un musée en plein milieu de la place du peuple, quelle idée ! Mais quoi de plus normal pour le nombril culturel de la ville. Ressemblant à première vue à un bunker, il ne faut pas se décourager d'y entrer parce qu'à l'intérieur, c'est la plus belle collection d'art traditionnel chinois du pays qui attend les passionnés d'art et curieux. Les collections ont été déplacées, à l’angle de Henan Lu et de Yan’an Donglu déjà avant 1995, puis dans ce nouveau musée, construit pour les valoriser encore davantage. Sous sa forme ovale de gros panier à anses (c’est d’ailleurs ainsi que les shanghaiens l’ont surnommé), il abrite plus de 120 000 pièces.

Au rez-de-chaussée, la galerie des sculptures présente essentiellement des œuvres bouddhiques des dynasties Han à Tang, la salle de bronze compte elle, pas moins de 440 pièces allant de coupes à vin, armes ou instruments de musiques des périodes Shang et Zhou (1480-221 av. J.-C.), ainsi que des Printemps et Automnes (772-481 av. J.-C.). A l'étage, place aux céramiques et céladons de la dynastie Song, porcelaines bleues des fours de  Jindezhen, objets de jade, calligraphies, peintures et pièces de monnaie des dynasties Ming et Qing. Bloquez une journée entière...

MoCA SHANGHAI

Le MOCA, cela ne vous dit rien ? C'est pourtant le plus grand musée d'Art contemporain de Shanghai, entouré d'un écrin de verdure. Premier musée d’art privé de Shanghai, financé par la fondation Samuel Kung, du nom de l'homme d'affaires hongkongais, l'art contemporain y a la part belle avec 4 000 m² de collections dont une surface d'exposition de 1 800 m² lui étant dédiée.

Inauguré en septembre 2005 sous son architecture de verre saisissante (qui lui vaut d'ailleurs quelques beaux spots d'observation) avec une rétrospective du couple d’artistes français Pierre et Gilles à l’occasion de l’année de la France en Chine, il présente des expositions temporaires internationales originales faisant souvent figure d'inratables. Parmi les dernières en date : « Pixar : 25 ans d'animation », « Culture Chanel » ou encore « Esprit Dior ». Le MOCA organise aussi des réceptions, conférences et séances de projection et est un partenaire officiel de « Shanghai 7ème Art », festival de cinéma français sur grand écran à Shanghai, proposé par l’Université normale de Shanghai, avec le soutien du Consulat général de France à Shanghai et de l’Alliance française de Shanghai. La Chine aime la France et le lui rend bien.

Long Hai

Inauguré en 1998, l’Opéra de Shanghai (Dagejuyuan) fut conçu par le cabinet d’architectes français ARTE-Charpentier. Entre tradition et modernité, son architecture reprend les codes de la culture chinoise interprétés dans un langage contemporain. Le plan est fondé sur la géométrie de carré, qui représente la terre dans la symbolique chinoise, tandis que la toiture courbe du bâtiment est un arc de cercle figurant le ciel. Mythe chinois oblige selon lequel le ciel est rond comme le toit et la terre, carrée comme le corps de l'édifice. Jacques Chirac a salué la qualité esthétique de l'édifice et l'effort des architectes lors de sa visite présidentielle en mai 1997.

Un tel bâtiment ne s'est pas fait en un jour et a repoussé encore plus loin les limites de l'innovation. A la suite de recherches de solutions innovantes et l’utilisation des techniques de pointe les plus sophistiquées, les façades de verre ont pu être suspendues. Les 7 000 tonnes d’acier de la charpente, coque de bateau réalisée par les chantiers navals de Shanghai et assemblée à même le sol, furent hissées à 40m de hauteur à l’aide de vérins. Et l'acoustique a été très bien pensée également, avec une salle de 1 800 places, capable de recueillir le répertoire classique. Un lieu à conseiller sans aucun doute.

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Le plus célèbres des temples de la ville, s'il n'en fallait choisir qu'un, ce serait celui-ci. Parce qu'il abrite certaines des plus importantes reliques de la ville ! D'autant plus qu'il est resté actif et comprend un monastère où plus d'une soixantaine de moines y pratiquent encore le bouddhisme zen... Zen ne veut pas dire qu'il faut oublier de porter une tenue jugée décente, c'est-à-dire, pour les hommes comme pour les femmes ne pas avoir les bras ni les jambes découverts.

Construit entre 1911 et 1918, il avait pour dessein de mettre à l'abri deux statues de jade blanc rapportées de Birmanie en 1882 par Hui Gen, célèbre et charismatique moine chinois. L'une des deux représente un Bouddha assis, incrusté de pierres précieuses mesurant presque deux mètres et pesant trois tonnes, de quoi ajouter à sa sacralité. L'autre plus petite (près d'un mètre quand même) symbolise la mort de Bouddha. C'est surtout l'authenticité de ce lieu rendu paisible par son architecture très représentative de la dynastie des Song et ses différents halls et cours dans lesquels trônent des arbres affublés par les visiteurs de rubans rouges en guise de porte-bonheur, qui plaît tant.

Long Hai

Pour les accros du shopping, direction la rue Nanjing ! Baptisée en 1864, la principale artère commerçante de Shanghai constituait l'avenue centrale de l'ancienne concession internationale. Depuis septembre 1999, Nanjing Lu est en partie réservée aux piétons. Entre Henan Lu et Xizang Lu, plus de 60 grands magasins, boutiques spécialisées et bureaux sont rassemblés. Près de deux millions de promeneurs y déambulent chaque week-end, mais les Shanghaiens préfèrent la Huaihai Lu, l'avenue chic de l'ancienne concession française.

Jalonnée de plusieurs milliers de boutiques, s'étirant sur 5,5 km (record de la plus longue rue commerçante du monde), cette enclave est en phase de devenir un minuscule Hong Kong avec ses rangées de néons clignotants. Ne ratez pas le Magasin 1, à l'angle de la rue du Tibet, une structure Art déco édifiée en 1934 par trois jeunes architectes chinois, resté le magasin le plus populaire de Shanghai avec 250 000 visiteurs par jour. La partie ouest de la Rue de Nankin débute à la place du Peuple de Shanghai avec un trafic automobile bien plus conséquent et des boutiques moins intéressantes malgré le marché du faux de Shanghai, offrant aux étrangers en voyage multitude de gadgets, d'habits et de souvenirs bon marché, le tout sur cinq étages.

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Etabli en 247, il y a plus de 1 750 ans, voici le plus vieux lieu de culte bouddhique de Shanghai et de toute la région pour qui aime les temples anciens. Construit au temps des Trois Royaumes de Chine, le temple Jing’an fut originellement érigé au bord de la rivière Suzhou mais déplacé en 1216, date à laquelle on l’installe sur Nanjing Xi Lu. Détruit plus d'une fois puis reconstruit, son hall principal date du début du siècle (1921) et les autres édifices n'ont guère plus de 150 ans. Il fait figure d'indispensable et ce, même si les « huit trésors » qu’il abritait autrefois ne sont plus visibles (le célèbre puits qui se trouvait à l'entrée – Bubbling Well – est le dernier à avoir été détruit dans les années 1950).

Cela ne l'empêche pas d'ailleurs d'être l’un des plus visités par les touristes chinois et internationaux qui sont nombreux à apprécier son emplacement au milieu des gratte-ciel et la sérénité qui s'en dégage. Il continue aussi d'attirer bien des pratiquants qui le considèrent toujours comme un lieu de prière privilégié et s'y pressent tout au long de la journée. Après la visite, n’oubliez pas de faire un tour au parc Jing’an qui constitue un agréable spot pour une petite pause verte dans l'une des villes qui respirent le moins au monde... 
 

bpperry

Xintiandi, c'est d'abord et avant tout le pari réussi de la réhabilitation d'un ancien quartier piéton de Shanghai, à l'est de l'ancienne concession française, remodelé pour loger boutiques design, bars et restaurants chics dans des shikumen (soit les « maisons de pierres » aux portes arquées et aux briques souvent rouges). Très tendance depuis son inauguration en 2002, il a été surnommé en toute modestie « Nouveau Paradis sur Terre » (traduction littérale du terme Xintiandi).

Séparé en plusieurs blocs par Xingye Lu, où se situe le site du premier congrès national du parti communiste chinois (à visiter), ainsi que d’un très récent centre commercial, c'est dans le bloc nord qu'on trouve le plus de choses intéressantes. Notamment par sa valorisation des shikumen et ses allées romantiques peuplées de designers réputés, restaurants exquis et la visite indispensable du Shikumen Open House, reconstitution à l'identique d'un shikumen traditionnel. Cette synthèse entre culture chinoise et influences occidentales pour créer une atmosphère rappelant celle du temps des concession, est en pleine expansion. Des petites « copies » de Xintiandi ont d'ailleurs vu le jour dans d’autres coins de Shanghai. Notamment à Taikang Lu, devenu lui aussi célébrissime.