Du latin au hongrois
Les œuvres fondatrices de la littérature hongroise, notamment les chansons de geste, ont disparu au cours des voyages du peuple hongrois nomade. Les premiers écrits qui nous sont parvenus ont été composés en latin après la christianisation du pays. Parmi eux, citons l’ouvrage de Simon Kézai, la Gesta Hungarorum, écrite vers 1263, qui permet de découvrir les familles du royaume de Hongrie. Attention, si certains faits sont réels, d’autres sont plus ou moins inventés, vous pourrez entreprendre quelques recherches pour connaître toute la vérité. Il faut savoir que du Moyen Âge au XVIIe siècle, deux littératures cohabitent. L’une, ecclésiastique, est écrite en latin et a pour dessein de faire valoir les origines hunniques des Hongrois : pensons par exemple à Histoire des Hongrois (anonyme) vers 1200. L’autre littérature présente est écrite en hongrois ancien et se veut plus populaire : Oraison funèbre vers 1150 (qui est une libre traduction d’une oraison latine) ou encore Complainte de Marie, vers 1300. Pour parfaire sa connaissance de l’histoire de la Hongrie, la Chronica Hungarorum (Chronique des Hongrois) de Johannes de Thurocz (1435-1488) renseigne sur l’histoire du XVe siècle. Une partie des manuscrits est visible à la Bibliothèque nationale Széchényi de Budapest.
À la Renaissance, le courant humaniste est emmené par l’évêque Janus Pannonius (1434-1472). Ce dernier a écrit des épigrammes en latin, mais est pourtant considéré comme la première grande figure de la littérature hongroise. À partir de là, le hongrois devient la langue de la littérature. Bálint Balassi (1554-1594) en est l’un des fiers représentants et est considéré comme le fondateur de la poésie lyrique hongroise moderne avec ses hymnes religieux, ses chants patriotiques, ses poèmes d’amour et ses adaptations de textes latins.De la littérature romantique à la nouvelle littérature
Au XVIIIe siècle, poésie et littérature épistolaire cohabitent. Entre 1790 et 1792, la langue hongroise devient obligatoire dans l’administration, la justice et les écoles. Ferenc Kazinczy (1759-1831) donne à la langue ses lettres de noblesse et devient par là même une figure incontestable de la littérature du pays. Au début du XIXe siècle, la littérature romantique voit le jour avec, par exemple, Mihály Csokonai Vitéz (1773-1805) et son Dorothée ou le Triomphe des dames sur le carnaval (1804). Mais l’esthétique romantique se développe surtout vers les années 1820 emmenée par des thèmes comme le renouveau national et la conscience historique. L’angoisse de l’avenir des Hongrois se lit à travers des tragédies historiques (Palatin Bánk, József Katona, 1814) ou la poésie (Hymne, Ferenc Kölcsey, 1823). L’échec de la révolution de 1848 apporte avec elle une nouvelle littérature œuvrant pour la réhabilitation du peuple hongrois. János Arany en est la figure centrale. Auteur d’une trilogie épique, il meurt à Budapest en 1882. Au début du XXe siècle, la revue Nyugat (1907-1941) voit le jour et devient le creuset de la nouvelle littérature. Il faut aussi citer Mihály Babits (1883-1941), mais plus encore le célèbre Dezső Kosztolányi dont l’œuvre Kornél Esti (1933) reste l’une des plus célèbres et des plus lues de la littérature hongroise. Lajos Kassák est la figure la plus marquante de l’avant-garde hongroise. Il incarne l’univers d’André Breton. La ville de Budapest lui rend hommage dans son musée Lajos Kassák, niché dans le IIIe arrondissement.
Mémoire de l’Holocauste, mémoire du communisme
Né et mort à Budapest, Imre Kertész a marqué du fer rouge l’histoire de Budapest et l’histoire du peuple juif. À l’âge de 15 ans, il est déporté à Auschwitz puis à Buchenwald et en revient seul. C’est de cette douloureuse expérience qu’est née son œuvre Être sans destin publiée pour la première fois en 1975. Il faut attendre la chute du mur de Berlin pour que son ouvrage soit reconnu et pour qu’il traverse les frontières ! Imre Kertész obtient en 2002 le prix Nobel de littérature « pour une œuvre qui dresse l’expérience fragile de l’individu contre l’arbitraire barbare de l’histoire ». Également né à Budapest, Péter Esterházy (1950-2016) est le descendant de l’une des plus anciennes et des plus puissantes familles d’Europe. C’est pour cette raison qu’il a connu le traitement réservé aux aristocrates par les communistes : biens accaparés, parents déportés. Tout comme Imre Kertész a dénoncé le nazisme, Péter Esterházy a fustigé dans son œuvre la terreur infligée par les communistes. Grâce à son premier ouvrage, Francsiko et Pinta, publié en 1976, il devient la plus grande figure de la littérature hongroise postmoderne. Il faut également citer son roman Trois anges me surveillent publié en 1979. Son originalité dans la structure et l’écriture marque une rupture dans la littérature hongroise.
Deux noms récents de Budapest
N’oublions pas d’évoquer les auteurs contemporains comme Benedek Tótth, né en 1977 et vivant à Budapest. Son premier roman, Comme des rats morts, est publié en 2017. Il écrit par la suite en 2019 La Guerre après la dernière guerre qui relate la vie d’un adolescent à la recherche de son frère dans une ville détruite par la guerre nucléaire qui oppose Américains et Russes. Cette ville est probablement Budapest, mais chut…
Citons également l’auteur János Térey et son recueil de nouvelles publié en 2014, La Traversée de Budapest. Il y dévoile quelques jolis secrets et quelques faces cachées. Les amoureux de la ville ou ceux qui veulent vraiment la découvrir y trouveront quelques pistes. Cela fait d’ailleurs penser au guide d’Andras Török publié en 1989 (traduit en 2001). En effet, l’histoire est assez incroyable pour ce Hongrois né à Budapest en 1954 qui, ne trouvant pas le guide idéal de sa ville, a fini par l’écrire. Après tout, comme le dit le vieil adage : on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Pour lui, toute sa vie et toute sa carrière se sont organisées autour de Budapest, alors quoi de mieux que de lui rendre hommage avec un guide alternatif, un de ces petits guides qui révèlent mille et un secrets…