CATHÉDRALE DE PHAT DIÊM

La cathédrale de Phat Diêm constitue le plus grand complexe architectural catholique d’Asie du Sud-Est. Outre le bâtiment principal, l’ensemble comprend cinq chapelles, deux grottes, un campanile (appelé Phuong Dinh et construit sur le plan traditionnel des maisons communales de la région), deux portiques et un calvaire. La cathédrale est dédiée à Notre-Dame-du-Rosaire. Elle est évidemment remarquable de par son style qui fusionne l’Orient et l’Occident. La façade est entourée de deux tours à cinq niveaux calquées sur la tour Thap But (tour du Pinceau) au bord du lac Hoàn Kiêm à Hanoi. La nef s’inspire quant à elle des canons architecturaux traditionnels des pagodes. 48 colonnes de bois de fer (lim), d’une circonférence de 2,40 m, soutiennent les voûtes de l’édifice, et dans la nef centrale, elles ne mesurent pas moins de 12 m de hauteur ! Les règles de la géomancie sont respectées : au nord, la cathédrale est encadrée par des montagnes symboliques (trois amoncellements rocheux connus sous la dénomination de « calvaire », « grotte de Lourdes » et « grotte de Béthléem ») ; au sud, un vaste étang carré.

Le père Six (de son nom vietnamien Trân Van Luc, 1825-1899), dont la tombe se trouve sur le parvis, fit ériger cette cathédrale lorsqu’il était curé de la paroisse de Phat Diêm (1866-1899). Mise en chantier en 1875, elle fut achevée en 1898. La vie du père Six, curé et baron de Phat Diêm, officier de la Légion d’honneur, ministre honoraire des Rites de la cour d’Annam et vice-roi d’Annam, est hors du commun. Ses talents de diplomate font qu’il est consulté par les officiers français, comme le capitaine Joffre et le commandant Lyautey, et par les empereurs d’Annam qui lui confèrent le rang de ministre d’État. De la République, il reçoit la distinction de chevalier puis d’officier de la Légion d’honneur. Quand il meurt, en 1899, 40 000 personnes assistent à ses funérailles. Sa mémoire demeure si glorieuse que, 25 ans plus tard, l’Empereur Khai Dinh lui décerne à titre posthume le titre de baron de Phat Diem… La vie du père Six est relatée par Mgr Armand Olichon dans son ouvrage intitulé Le Père Six. Curé de Phat-Diem, vice-roi en Annam, (Paris, Bloud & Gay, 1941).

Pour l’historien Laurent Burel (Péninsule, 36. 1998 [1]), « à Phat Diem, [… ] se constitua un style purement vietnamien qui essaima par la suite dans le delta du fleuve Rouge. On a donc là un exemple de christianisation des traditions architecturales vietnamiennes, qui, avec les chants alternés du père Six, servirent de base à un christianisme authentiquement vietnamien ».