Une toile impressionniste vue du ciel

En flânant dans le labyrinthe de la médina, on a beau lever le nez vers le ciel, il est impossible d’imaginer ce que recèlent les maisons tangéroises. Seul le bleu du ciel tend sa toile au-dessus de la ville blanche. Les hautes façades parfois grisées avec le temps, souvent austères, l’imbrication des maisons, l’entrelacs des ruelles forment un dédale ombragé agréable par les grandes chaleurs qui plombent la ville pendant des mois. Et puis, en remontant vers la Kasbah, la vue sur la baie de Tanger happe d’abord le regard, avant qu’il ne se pose sur les toits de la vieille ville. Ici, point de toits en pente, de tuiles ou d’ardoises, il ne pleut presque jamais. A la place, des toits-terrasses à perte de vue, joliment aménagés ou laissés en suspens. Vue du ciel, la ville prend une autre dimension. Il paraît possible de la parcourir intégralement en sautant de toit en toit tel un yamakasi en herbe. On découvre aussi que la ville n’est pas aussi blanche que depuis le plancher des vaches. Certains propriétaires ont peint leurs terrasse, murs et sols, dans des couleurs vives. Il semblerait qu’un peintre malicieux, Matisse peut-être, ait déposé par touches des à-plats pour former une toile impressionniste. Emblématique de l’architecture marocaine, le dar qui signifie maison, est un empilement plus ou moins élevé d’espaces de vie, qui se conclut par un toit plat. Il rajoute une pièce supplémentaire, en extérieur. Si l’espace est agencé autour d’une cour centrale, on qualifie alors le dar de riad. Ce système permettait aux propriétaires d’ajouter des étages à la maison en fonction de l’état de leurs finances. Les Tangérois modestes commençaient par construire une pièce en rez-de-chaussée avant d’ajouter un étage supplémentaire ou ce sont les générations suivantes qui s’en chargeaient. Le toit ajoute aussi une pièce de vie aux fonctionnalités évolutives : il permet d’étendre le linge en le faisant sécher au soleil ; d’y prendre le thé en hiver en se réchauffant aux faibles rayons du soleil ; de dormir à la belle étoile en été en quête d’une légère brise marine, alors que l’atmosphère est étouffante ; aux femmes recluses par tradition de prendre des nouvelles des voisins. C’est aujourd’hui la possibilité d’installer son antenne. Les toits de Tanger ressemblent à une vaste champignonnière de paraboles. Avec son terrain naturel en pente, la perle du Détroit offre des vues spectaculaires sur la mer et l’Espagne qui lui fait face. Les terrasses les plus recherchées se situent naturellement dans le quartier de la Kasbah, l’ancienne forteresse datant du XIIe siècle.

Les plus beaux toits-terrasses de Tanger, la blanche

Petits hôtels et maisons d’hôtes possèdent tous leur terrasse donnant sur la mer. Elles sont souvent mises en avant pour illustrer le charme de l’établissement. On y sert le petit déjeuner aux heures encore fraîches, on invite le visiteur à s’y poser pour bouquiner ou même écrire un livre, dans la grande tradition culturelle de la cité. On lui suggère que la lumière est particulièrement belle lorsqu’elle se perd à l’horizon. La plus emblématique de ces escales perchées est sans conteste celle de l’élégant Dar Nour, une maison d’hôte qui compte plusieurs terrasses offrant des vues spectaculaires sur le détroit de Gibraltar. Campée sur la muraille de la Kasbah, la demeure multiplie les points de vue. Toutes les suites se prolongent avec un espace privatif extérieur. Au détour d’un escalier, un salon en plein air est abrité sous une canisse. Au sommet de la bâtisse, la terrasse est encadrée de murs crénelés et profite d’une vue à 360° sur la ville. En vous perdant dans la médina, vous tomberez peut-être sur le Palais Zahia. Discret, cet hôtel occupe les locaux d’une ancienne banque établie en 1907. Il donne directement sur la place du Petit Socco et vous le repérerez facilement à son portier en tenue traditionnelle berbère et coiffé d’un fez rouge. Le troisième et dernier étage a été aménagé en café. L’endroit est idéal pour s’extraire de l’atmosphère animée de la médina et profiter d’une vue directe sur le port. En grimpant sur le toit-terrasse de l’Hôtel Riad Nord-Pinus, vous aurez l’impression de vous positionner à la proue d’un navire. L’hôtel, ancré dans les remparts extérieurs de la médina, donne sur le port et le bleu de la mer. L’Espagne se dessine au loin, par temps clair. Non loin de là, en bordure de remparts, le Salon Bleu s’impose vite comme un QG idéal. Ce café et restaurant dispose de deux terrasses sur son toit. De là, le poste est idéal pour observer les gens s’engouffrer sous la porte Bab Al Bahr. En empruntant l’ancien escalier de bois du Dar El Kasbah, vous débouchez sur un rooftop typique de la ville. Repeint dans un bleu électrique, et avec de profondes banquettes taillées dans des palettes, l’endroit est idéal pour siroter un thé à la menthe et apprécier le fouillis des toits de Tanger. Le Dar El Kasbah est installé dans l’ancien bâtiment des Télégraphes et vous apprécierez à coup sûr cette adresse originale. Ouvert en 1921, le Café Hafa s’est vite imposé comme un des endroits mythiques de Tanger. Toit, salles, jardins, ici, tout a été transformé en terrasses par le fondateur des lieux, un pêcheur. Face à la mer, avec la corniche à vos pieds, vous vous asseyez au même endroit que Saint-Exupéry, Jean Genet, Jack Kerouac ou les Beatles. Comme eux, vous trouverez peut-être l’inspiration en scrutant le bleu profond de l’océan. Si vous recherchez une vue originale et quelque peu différente, il faut se rendre au Lux Mall. Ce centre commercial abrite une quarantaine de boutiques de prêt-à-porter de luxe. Mais il compte surtout une grande terrasse peu fréquentée, qui s’ouvre sur la ville nouvelle et le Grand Socco. Vous êtes aux premières loges pour admirer le minaret de la mosquée Mohammed V et profiter de l’appel à la prière du muezzin. La Terrasse (Hôtel Hilton Tanger) attire non seulement la clientèle d’affaires qui réside entre les murs de cet imposant paquebot, mais aussi des personnes venues de l’extérieur. Posté au bout de la corniche de Malabata, l’hôtel a installé sa terrasse au 13e étage. La vue sur la mer d’un côté et la ville de l’autre est à couper le souffle. La Terrasse est souvent prise d’assaut à l’heure où le soleil se couche et qu’un cocktail en bonne compagnie s’impose.