Histoire Histoire

Vaste carrefour d’influences, Tanger a toujours été convoitée par les puissances politiques actives dans le bassin méditerranéen. Des Phéniciens qui l’ont fondée au VIIIe siècle av. J.-C., aux Romains, en passant par les Omeyyades, les Arabes, les Portugais, les Espagnols, les Britanniques, les Français, toutes ces civilisations puissantes y ont laissé leur empreinte au fil des siècles. Tanger connaît un tournant au XVIIIe siècle, quand les tentatives de s’emparer de la ville par la force cessent enfin. Sa situation stratégique sur le détroit de Gibraltar attire les diplomates et la ville devient le siège de nombreuses représentations consulaires. Des artistes de tous bords viennent profiter de la douceur de vivre et font de Tanger un centre culturel d’importance. La cité perd son statut privilégié en intégrant le Royaume du Maroc en 1956. L’installation de la capitale à Rabat entraîne le déclin de Tanger sur le plan culturel.

VIIIe siècle au Ve siècle av. J.-C.

Les Phéniciens venus de l’actuelle Syrie explorent la Méditerranée et élisent la baie de Tanger pour établir un ultime comptoir aux portes de l’océan Atlantique. Les Carthaginois sont les premiers à franchir le détroit de Gibraltar et à naviguer le long des côtes africaines. Ils font de Tanger une escale maritime incontournable.

146 av. J.-C. à 429

Les Romains s’emparent de l’Empire byzantin. Tanger revient à la Maurétanie, alliée des Romains dans les guerres puniques. La ville est connue sous le nom de Tingis. C’est une « Cité libre » qui se gouverne par elle-même et dépend de l’autorité de l’Empereur. Lorsque le roi Ptolémée de Maurétanie décède, l’empereur romain Claude annexe le royaume à son empire. Tingis devient la capitale de la Maurétanie Tingitane qui s’étend jusqu’à Meknès au sud et la frontière algérienne à l’est. Un comes, sorte de gouverneur militaire, est nommé à Tingis pour faire face au délitement de l’Empire romain. Le comes Boniface fait venir les Vandales à Tingis pour la défendre contre une guerre probable avec Galla Placidia, qui finalement n’a pas lieu. Ceux-ci s’emparent de la ville et de la Maurétanie Tingitane.

429 à 682

Les Wisigoths chassent les Vandales et s’emparent du nord du Maroc. Ils doivent faire face à la pression arabe venue du Moyen-Orient. En 682, Uqba ibn Nafi chasse Julien de Tangitaine dans les montagnes de l’Atlas.

707 à 785

Tanger succombe au siège de Moussa Ibn Noussaïr et passe aux mains du califat omeyyade. Elle sert de tête de pont aux Arabes pour envahir l’Espagne et devient la capitale du district Maghreb al-Aqsa. Les Berbères sont convertis de force à l’islam et réduits en esclavage. Refusant de se soumettre, Maysara al-Mathgari mène une révolte depuis Tanger. Elle s’étend rapidement au Maghreb et à l’Andalousie. Les Omeyyades parviennent à contenir la révolte, mais doivent abandonner l’ouest du Maghreb. Une grande période de chaos s’ensuit et la région est déchiquetée par les chefferies locales.

790

Le chef chiite Idris, descendant direct du prophète Mahomet, débarque à Tanger. Il descend vers le sud, passe des alliances avec le chef berbère de la tribu des Awerba et revient s’emparer de la ville. Il est considéré comme le fondateur du Maroc.

949 à 1274

Le calife Abdullah al-Madhi finance la tribu berbère magrahoua pour s’emparer des villes du nord du Maroc pour le compte des Omeyyades de Cordoue. Melilla tombe en premier, puis Ceuta et Tanger. Durant les siècles qui suivent, Tanger passe aux mains des dynasties berbères qui se succèdent : Almoravides, Almohades, Marinides. La ville peine à connaître la stabilité.

De 1415 à 1471

Les Portugais s’emparent de Ceuta en représailles de ses actions de piraterie. Ils multiplient les campagnes pour faire subir le même sort à Tanger. Les années 1437, 1458 et 1464 se soldent par des échecs. Il faut attendre 1471 pour qu’ils arrivent enfin à s’emparer de la ville. Ils la transforment en restaurant ses remparts, en édifiant des bâtiments de style européen et en convertissant la mosquée en cathédrale. Tanger devient le siège du domaine colonial portugais au Maroc.

De 1580 à 1661

Les royaumes d’Espagne et du Portugal fusionnent leurs couronnes et l’ensemble des possessions portugaises tombent sous le contrôle des Habsbourg d’Espagne. La ville est inscrite à la dot de la princesse portugaise Catherine de Bragance lors de ses noces avec le roi Charles II d’Angleterre.

De 1662 à 1684

Malgré leur prise pacifique, les Anglais mettent Tanger à sac et chassent les Portugais. Ils renforcent les défenses de la cité et développent le port en construisant un môle. Le régiment de Tanger, une garnison de 3 000 hommes, défend âprement cette nouvelle possession de la Couronne contre les attaques répétées du raïs Khalid Ghaïlan. Devant l’impasse, le sultan Moulay Ismaïl entreprend le siège de la ville. Les Anglais, épuisés, abandonnent Tanger en prenant soin de ne laisser derrière eux que des ruines. Ils minent les fortifications et le môle avant de partir. La ville ne compte plus que 700 habitants.

De 1684 à 1786

Comme tous ses prédécesseurs, Moulay Ismaïl s’attache à renforcer les remparts de Tanger. Il fait également construire le palais Dar al Makhzen et la Grande Mosquée. La ville subit les querelles successorales entre sultans. Mal administrée, Tanger décline, mais elle a trouvé la paix. Il faut attendre 1775 et l’investissement des Tétouanais dans le commerce international pour que Tanger retrouve un semblant de dynamisme économique.

De 1786 à 1798

Le 5 mars 1786, le sultan Mohammed ben Abdallah offre une maison à Tanger au consul des Pays-Bas. La même année, la liberté de commerce dans le port est décrétée. Les puissances occidentales envoient des représentations diplomatiques les unes après les autres. La France transfère son consulat de Rabat à Tanger en 1795 ; les Etats-Unis y envoient leur premier représentant en 1797. Un an plus tard, une épidémie de peste survient et les pays européens établissent un conseil sanitaire, reconnu par le gouvernement marocain. Il s’agit de la première ingérence étrangère dans l’administration de la ville.

De 1832 à 1844

La France renforce sa présence en Afrique du Nord et au Maroc. En 1832, elle envoie une ambassade chargée de rallier Tanger à Meknès. Le peintre Eugène Delacroix fait partie du voyage. En 1844, elle bombarde Tanger en représailles de l’attitude trop tolérante du Maroc envers l’émir algérien Abd el-Kader. Les Marocains capitulent devant le tracé de la frontière avec l’Algérie et déclarent Abd el-Kader hors-la-loi.

De 1870 à 1923

Tanger est devenue le siège diplomatique de toutes les puissances européennes qui y disposent d’une ambassade ou d’un consulat. Ils développent des services postaux, installent le télégraphe, construisent le phare du Cap Spartel. Le début du XXe siècle marque un tournant décisif dans l’administration de la ville. En 1906, la conférence d’Algésiras place le Maroc sous observation internationale. Le pays échappe à la colonisation, mais pas à la mainmise. Six ans plus tard, le traité de Fès organise le protectorat français sur le Maroc et délimite les frontières avec les colonies espagnoles. Tanger est placée sous la protection de l’Espagne. En 1923, une conférence internationale place Tanger sous la gouvernance conjointe de la France, de l’Espagne et de la Grande-Bretagne. La Zone Internationale de Tanger (ZIT) s’étend sur 373 km² autour de la ville.

29 octobre 1956

Les membres du protectorat de Tanger signent un accord rendant sa souveraineté à la ville qui rejoint un Maroc fraîchement indépendant. Les étrangers quittent la ville et fragilisent son économie.

De 2000 à nos jours

Au tournant du nouveau siècle, le royaume décide d’un plan massif de modernisation de la ville. Le chantier de Tanger-Med est lancé, en faisant le plus grand port d’Afrique. Il s’accompagne de la création d’une zone franche attirant des centaines d’industriels internationaux. Les biens sont manufacturés dans la zone franche puis exportés vers l’Europe. Une nouvelle gare est inaugurée dans la ville en 2003 pour accueillir le TGV. En 2018, le roi Mohamed VI inaugure Tanja Marina Bay, un plan de restructuration incluant le port de pêche, la corniche et la nouvelle mosquée de Tanger.

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