Origines et traditions
La culture émirienne n’a cessé de s’enrichir au gré des mouvements migratoires. Iran, Inde, Pakistan, Bangladesh participent au métissage en toute sérénité. Les préceptes de l’Islam ainsi que les traditions arabes et bédouines imprègnent les arts visuels autant que le quotidien. Par ailleurs, la calligraphie arabe mérite le statut de pratique artistique. Les belles lettres inspirent des arabesques et des motifs géométriques d’une élégance rare. Le pionnier de la calligraphie émiratie Muhammad Mendy, né à Abu Dhabi en 1977, partage son talent sur des supports variés, tels que les billets de banque et des fresques publiques. Ses réalisations ornent notamment les murs du Dubaï New Hospital et du Tribunal du ministère de la Justice.
Essor de la vie culturelle
Le domaine culturel connaît à Abu Dhabi un essor sans précédent. Des projets d’envergure sont mis en place pour développer l’offre muséale. Sur l’île de Saadiyat, l’aménagement du quartier culturel regroupe les plus somptueux musées des Emirats, dont le Louvre Abu Dhabi et le Guggenheim Abu Dhabi. Le Guggenheim, fantaisie futuriste imaginée par Franck Gehry n’accueillera pas ses visiteurs avant 2026. Quant au Louvre Abu Dhabi, dessiné par Jean Nouvel sous une immense coupole en moucharabieh, il s’agit du premier musée universel du monde arabe. Des millénaires de création artistique sont rassemblés : chefs-d’œuvre bouddhiques, égyptiens, turcs, ottomans… La particularité de la collection tient à sa mise en relation de cultures a priori éloignées, que ce soit dans le temps ou dans l’espace. Elle réunit aussi des créations modernes, dont des peintures de Chagall, Paul Klee et Cy Twombly.
Un réel engouement s’affirme en faveur de l'art contemporain. Le programme Abu Dhabi Art s’affirme comme la plateforme montante de l’actualité artistique. A plusieurs endroits de la ville, des expositions, des conférences, des ateliers sont proposés tout au long de l’année. Pour encourager la jeune création, depuis 2017, Emerging Artists soutient les projets de trois artistes prometteurs. La foire Abu Dhabi Art clôture chaque année l’événement en novembre. Des galeries de renommée internationale, comme Perrotin, participent désormais au salon, qui n'a plus rien à envier à celui de Dubaï.
Peinture émirienne
Discipline encouragée depuis peu aux EAU, la peinture s’est affirmée au gré de deux générations de peintres. Parmi les représentants de la première génération, Abdulrahim Salim (né en 1955 à Dubaï) est peintre et sculpteur. Il est considéré comme un pionnier des beaux-arts dans son pays, de même que Hassan Sharif ou Abdul Qader Al Raes et Mohammed Ahmed Ibrahim. Le collectif avant-gardiste « The Flying House » réunit dans les années 1990 et 2000 Hassan Sharif et son frère Hussain Sharif, Abdullah al Saadi et Mohamed Kazem et Mohammed Ahmed Ibrahim. Hassan Sharif (1951-2016) compte parmi les artistes les plus influents du monde arabe. Son œuvre extrêmement variée réunit dessins, performances, accumulations d’objets et collages, pour l’essentiel. Il est le premier à avoir montré qu’un art détaché de la calligraphie était possible.
Né lui aussi en 1951, Abdulqader Al Rais est à la fois un précurseur et une référence majeure de la scène émiratie. Les œuvres de cet autodidacte ornent les murs d’innombrables palais et bureaux gouvernementaux, mais aussi de lieux publics à travers des fresques exécutées sur commande. L’Institut du Monde Arabe à Paris a retracé sa carrière lors d’une exposition individuelle, de sa jeunesse au Koweït dans les années 1960 aux toiles réalisées pour l’occasion. Après avoir révolutionné le paysage artistique, Abdulqader Al Rais multiplie les initiatives de promotion de la jeune génération. Il est le premier à s’émerveiller qu’une soixantaine de galeries d’art aient poussé là où, à ses débuts, il n’y avait à peu près rien.
Le plasticien Mohammed Ahmed Ibrahim (né en 1962) s’imprègne des paysages de sa région natale de Khor Fakkan pour « laisser des formes se créer ». Ses sculptures rassemblent des matériaux mixtes (argile, végétaux, papier) dans des pièces qui ne sont pas sans lien avec sa formation d’archéologue. Il fonde en 1997 l’Art Atelier situé au Khor fakkan Art Centre et expose fréquemment en Europe.
Née en 1956, Najat Makki fait aussi partie des aventuriers de la scène actuelle. L’artiste puise son inspiration dans les émotions que lui procure son environnement. Première femme émiratie à obtenir une bourse gouvernementale pour étudier l’art à l’étranger, elle s’initie à la sculpture puis à la métallurgie au Caire. Son parcours se divise en périodes abstraites, réalistes puis expressionnistes. Si la figure féminine et les symboles sont ses thèmes de prédilection, elle superpose ces dernières années des couches de peinture dans un nouveau genre d’abstraction.
Disciple de Hassan Sharif, Mohammed Kazem (né en 1969) ouvre la voie à la seconde génération d’artistes. Il s’exprime par la vidéo, l'art sonore, la photographie, les objets et la performance pour interroger la mondialisation. Il aime représenter son corps en dessin ou en photo, au cœur d’un tourbillon de changements qu’il s’applique à documenter. En tant que commissaire d’expositions, il dirige des manifestations destinées à promouvoir la nouvelle génération.Galeries d’art
La Ghaf Gallery est née en 2006 à l’initiative de deux artistes, Mohamed Kanoo et Jalal Luqman. Elle demeure une référence.
Dans la zone portuaire d'Abu Dhabi, WAREHOUSE421 a vu le jour à l’occasion d’Abu Dhabi Art Fair 2015. Cet espace écoresponsable présente des expositions temporaires, des ateliers et des débats autour de l'art. Un must pour les passionnés d'art contemporain.
Depuis 2014, l’Etihad Modern Art Gallery expose des artistes émiriens, plus ou moins reconnus, aux côtés d’artistes internationaux. Après la visite, l’Art House Café promet une pause surprenante.
La N2N Gallery ouvre son programme à l’art européen. Fondée par deux expatriées ukrainiennes, Natalya Muzaleva et Natalia Petrukha, la galerie soutient la sculpture, les arts graphiques, la peinture et le mixed media.
Dans un cadre splendide, la Gallery One est une valeur sûre. Elle a par le passé accueilli des pointures comme Wissam Shawkatt, Helen Abbas ou encore Tariq Dajani. Des expositions thématiques font ponctuellement découvrir la culture locale.
Sur la route de l'aéroport d’Abu Dhabi, l'artiste libanaise Salwa Zeidan a fondé la galerie d’art Salwa Zeidan. On y retrouve de grands noms de la scène contemporaine : Hassan Sharif, Mohammed Kazem et Nedim Kufi.
Photo
L’art photographique est mis à l’honneur dès 2008 lors de l’exposition annuelle Emirati Expressions, intégrée à Abu Dhabi Art. Emirati Expressions se présente comme un tremplin pour les plasticiens locaux souhaitant représenter l’identité émirienne. A cette occasion, des artistes internationaux, tels que Stephen Shore et JR, ont apporté leur soutien en faveur de la jeune photographie émirienne.
En 2021, Salem Sarhan a été le premier photographe émirien à remporter le concours photo de National Geographic. Il décroche la palme d’or avec une prise de vue originale qui montre ses frères au moment de la prière, à la maison, durant le confinement. S’il se concentre le plus souvent sur la nature et les vues urbaines, Sarhan a tenu à se démarquer pour le concours. A seulement 27 ans, Sarhan ne s’est lancé en photo qu’en 2015, après avoir trouvé un appareil photo durant un voyage à Oman. Après cela, il a commencé à capturer des paysages puis s’est pris au jeu. Il fait preuve d’un sens instinctif de la construction. Et quand il prend la nature pour modèle, il patiente des heures pour attraper un éclair ou une pluie d’étoiles.
Parmi les talents à suivre, l’artiste multimédia Ammar Al Attar a un faible pour la photographie. Enseignant à NYU Abu Dhabi et artiste photographe, Tarek Al Ghoussein asticote les frontières qui séparent le paysage, l’autoportrait et la performance. Al Ghoussein expose en Europe, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient.Street art
Ces dernières années, les rues d’Abu Dhabi sont le théâtre d’une explosion de créativité. Sous la direction du ministère des Transports, le programme For Abu Dhabi alloue des fonds pour l’embellissement de l’espace public. Et les muralistes d’ici et d’ailleurs s’en donnent à cœur joie.
L’artiste émirati Mohammed Ahmed Ibrahim a laissé parler son imagination sur les murs du quartier de Madinat Zayed , apprécié pour son centre commercial. Là où autrefois on marchait entre de tristes piliers gris, on se balade désormais dans une forêt de formes totémiques acidulées.
D’autres viennent de loin pour colorer Abu Dhabi, comme le brésilien Kobra qui peint d’immenses portraits kaléidoscopiques, souvent souriants. Son immense Tolerencia enveloppe un immeuble entier d’Al Bateen. Le « soldat du street -art » a réalisé des fresques murales dans une quarantaine de pays. De même, l’Argentin Elian Chali signe une œuvre minimaliste sur la façade d’un bâtiment d’Al Falah Street. Couleurs primaires et dessins abstraits sont sa signature.
Né en Lithuanie, Ernest Zacharevic aime transformer les immeubles en œuvre d’art. En 2017, il a participé à la métamorphose de la 2nd December Street, à Satwa dans le cadre du Dubai Street Museum Project. Récemment, il est revenu pour prendre part à la série Kids of Abu Dhabi, des portraits d’enfants qui jouent dans les rues de Madinat Zayed.
La célèbre graffeuse allemande MadC a recouvert un building d’Al Ruwaysi Street, près de Fathima Supermarket. En 2015, le maestro Ben Eine a répondu à une commande pour l’ambassade britannique. Fidèle à son style, Ben Eine a étalé son œuvre typographique sur une frise de quarante mètres.
Des performances picturales invitent à voir les artistes peindre en live. En 2016, huit artistes ont été conviés à s’exprimer sur des conteneurs maritimes. Les « toiles transportables en 3D » ont ensuite été exposées à travers la ville, sur la corniche, à Manarat Al Saadiyat ou encore à Yas Marina. A Abu Dhabi, on ne manque pas d’idées pour conjuguer l’art au quotidien !