Située le long de la rivière Pena, cette superbe mosquée du XIX^e siècle (Шарена Џамија/Šarena Džamija, Xhamia e Larme) est une rareté dans l’architecture islamique : ses murs extérieurs et intérieurs sont ornés d’un riche décor aux couleurs vives. Dans les Balkans, seules la mosquée Colorée de Travnik (1817), en Bosnie-Herzégovine, et la mosquée Et’hem Bey de Tirana (1823), en Albanie, conservent des fresques comparables. Ici, la mosquée est de taille modeste (10 x 10 m de côté) et précédée d’un porche à cinq arches. Elle a été construite en 1833, à l’emplacement d’une précédente mosquée « colorée » de 1495 dont ne subsiste que le minaret de 28 m de hauteur. Le commanditaire est le gouverneur de la région Abdurrahman Pacha. Ce mécène albanais, adepte du bektashisme, est le fils de Rexhep Pacha, gouverneur qui fit agrandir le tekké Arabati-Baba. Pour le décor de « sa » mosquée, Abdurrahman Pacha a fait appel à des artisans de la région de Debar, réputée pour ses sculpteurs d’iconostase et ses peintres d’église. On dit qu’il a fallu 30 000 jaunes d’œuf pour confectionner la peinture et le vernis des décors.

Étoile du Mahdi. Les murs extérieurs sont dotés chacun d’une trentaine de panneaux rectangulaires peints de motifs géométriques et d’arabesques. La façade possède moins de panneaux peints et davantage d’arabesques. Le porche abrite quant à lui une grande étoile non pas à cinq branches (évocation classique des cinq piliers de l’islam), mais à six branches. Il s’agit du symbole du Mahdi, le « Sauveur » attendu de tous les musulmans, mais dont la croyance est davantage développée chez les bektashis (et les chiites) que chez les sunnites traditionalistes. À l’intérieur, on retrouve cette étoile à six branches à différents endroits. Le mihrab (niche indiquant la direction de La Mecque) et le minbar (chaire) sont en marbre sculpté et peints dans un style baroque. Du côté du porche, la partie supérieure du mur est ouverte avec trois balcons à encorbellement également de style baroque. L’ensemble des murs est décoré de motifs floraux et géométriques, de calligraphies arabes et de paysages figurant des bâtiments musulmans. Parmi ces derniers apparaît une représentation, extrêmement rare sinon unique dans une mosquée, celle du tombeau du prophète, à La Mecque. La coupole en bois sculpté est ornée de douze médaillons représentant six compositions florales et six mosquées de la région de Tetovo. Enfin, notez l’horloge en bois du XVIII^e siècle qui possède un mécanisme indiquant les horaires (variables) des prières.