MONASTÈRE DE ZRZE
Ce monastère orthodoxe (Зрзески Манастир/Zrzeski Manastir) possède un nom à coucher dehors (prononcez « zerzé »), mais il est réputé pour ses fresques du XVIe siècle, ses icônes et son cadre enchanteur. Entouré de falaises et d’une forêt de chênes, il est situé au sommet d’une colline, à 960 m d’altitude. Dominé par le mont Dautica (2 178 m), il offre des vues plongeantes sur la plaine de Pélagonie. Le complexe fut fondé vers 1340 par un moine serbe nommé German et devint un important relais des rois serbes dans la région. Il a ensuite connu plusieurs phases de déclin et de renaissance, avant d’être entièrement restauré en 2016. Il abrite aujourd’hui une dizaine de moines et novices qui peignent et vendent des icônes. On trouve sur place plusieurs églises et les vestiges d’une occupation religieuse remontant au Ve siècle. Ainsi, sous le mur de soutènement et la falaise, se cachent une trentaine de grottes ayant servi de cellules, d’ateliers et de tombes à des ermites à partir du IXe siècle. Il est possible d’en visiter une dizaine. Parmi elles, une ancienne chapelle conserve une fresque très endommagée.
Fresques d’Onufri. Le clou de la visite est le catholicon. L’église principale est dédiée à la Transfiguration (Преображение/Preobraženje), l’épisode où le Christ révèle sa nature divine aux apôtres Pierre, Jacques et Jean. De taille modeste, sans coupole ni transept, elle fut construite au XIVe siècle et maintes fois remaniée. L’intérieur abrite des fresques réalisées en 1535 par Onufri, le plus grand peintre albanais, dont le secret des rouges étincelants n’a jamais été percé. Mais environ la moitié de ses œuvres ont ici disparu, notamment sur la voûte. Celles qui restent portent les traces d’un martelage régulier qui permit de faire adhérer un enduit pour peindre de nouvelles fresques au XVIIIe siècle. Ces dernières, de mauvaise facture, ont été retirées en 1963 pour retrouver l’un des chefs-d’œuvre de l’archiprêtre et peintre Onufri. Les parties basses sont surtout consacrées aux fondateurs du monachisme chrétien. De part et d’autre de la porte sont peintes deux petites scènes : sur la gauche, l’apparition de l’ange à saint Pacôme le Grand, considéré comme le fondateur du cénobitisme chrétien au IVe siècle ; sur la droite, la scène où sainte Marie l’Égyptienne, ancienne prostituée devenue ermite au Ve siècle, reçoit la communion de l'anachorète Zosime de Palestine. Sur les parties hautes, le mur ouest est orné de la scène de la Communion des apôtres. Au-dessus se trouve une très rare représentation de la Trinité de l’Ancien Testament : les trois anges ayant reçu l’hospitalité d’Abraham sont attablés devant le veau qui vient d’être tué pour eux. Remarquez, à gauche, la génisse se lamentant sur son veau abattu : c’est le symbole de Marie pleurant la mort du Christ. Les parties supérieures des murs latéraux sont ornées du cycle de la Passion. Cinq scènes sont partiellement préservées. Sur le mur nord, la mort du Christ est évoquée par le thème de l’Anapeson : Jésus adolescent endormi les yeux ouverts avec Marie à ses côtés.
Icônes miraculeuses. L’iconostase en bois date du XVIIIe siècle. Elle est sans réelle valeur artistique et ses deux grandes icônes sont des copies. Mais pas n’importe quelles copies. Ce sont celles des plus célèbres icônes du pays, exposées aujourd’hui au musée de Macédoine du Nord, à Skopje : celle du Christ du Salut et de la Vie éternelle, peinte par le métropolite Jovan en 1394, et celle de la Vierge Pelagonitissa (« de Pélagonie »), réalisée par son frère, Makarije Zograf, en 1422. Notez leur emplacement. La règle veut que l’icône de la Vierge soit placée à gauche des portes royales. Or, ici, la Pelagonitissa se trouve à droite et le Christ, à gauche. C’est une tradition propre à Zrze. Selon la légende, les deux icônes auraient miraculeusement permuté une nuit. Au matin, les moines les auraient remises en place, mais la nuit suivante, les deux images sacrées auraient de nouveau été retrouvées inversées, comme si la Vierge tenait à regarder en direction de son fils. Depuis, les moines n’ont plus jamais changé de place les deux icônes (et leurs copies).
Trinité orthodoxe. Derrière l’iconostase, le sanctuaire est réservé au clergé communiant. Mais il est possible d’apercevoir certaines fresques d'Onufri. L’abside est ornée d’une Orante, la traditionnelle représentation de la Mère de Dieu « priante » (orans en latin), debout avec les mains levées et tendues. Surnommée la « Vierge du Signe », elle symbolise l’arrivée du Christ. Chose rare, elle porte dans un médaillon le Christ Emmanuel (« celui qui viendra en Sauveur », généralement représenté sous les traits d’un adolescent). Mais ce qui est encore plus exceptionnel, c’est le « Christ aux trois visages » qui apparaît en médaillon sur la voûte au-dessus de l’Orante : un personnage à trois têtes, juvéniles et imberbes, qui représentent le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Ce thème qu’Onufri reprendra plus tard dans les églises de Kastoria (Grèce) et d’Elbasan (Albanie) est alors inédit au XVIe siècle. Il apparaît dans un contexte où une partie du clergé local est sous influence catholique. Cette représentation permet de réaffirmer le dogme orthodoxe selon lequel le Saint-Esprit procède de Dieu. Les catholiques, eux, défendent l’idée du Filioque (« et du Fils » en latin), c’est-à-dire que le Saint-Esprit procède à la fois de Dieu et du Christ. C’est le principal point de divergence théologique entre chrétiens d’Orient et d’Occident.
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Avis des membres sur MONASTÈRE DE ZRZE
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