L’histoire du métro
Le projet d’un métro à Moscou remonte à 1870 et à l’empereur Alexandre II, mais c’est Staline qui le matérialise à partir de 1931. La construction s’inscrivait dans la transformation de Moscou d’« une bourgade asiatique boursouflée » en la vitrine du monde socialiste. Son auteur, Lazare Kaganovitch, y a mis tous les moyens du régime. Le slogan « tous à la construction du métro » montre l’investissement des matériaux, artiste, et des milliers de travailleurs qui ont été commissionnés de tout le pays. Fait rare, même des entreprises étrangères comme Siemens ou Metrovick ont été mises à contribution.
Une première ligne comptant 13 stations a été inaugurée le 15 mai 1935. Des célébrations de rues incluant concerts, parades et performances théâtrales ont eu lieu et le Bolchoï a servi une chorale spectaculaire composée de 2 200 travailleurs du métro. C’est ensuite à un rythme plus lent que le reste du réseau s’est développé sous Staline, mais même la Seconde Guerre mondiale, alors que la bataille de Moscou avait poussé le IIIe Reich à 30 kilomètres de la ville, n’a pas été une raison suffisante pour interrompre les travaux.
Le métro se réinvente constamment : les nombreuses représentations en l’honneur du « Père des peuples » ont été démontées pendant la déstalinisation. Les poubelles ont disparu des plateformes dans les années 90 dans le cadre de la lutte antiterroriste. La publicité avait explosé dans les stations et les rames, elle est maintenant fortement réglementée grâce à la politique de la ville de la mise en valeur de son héritage.
De plus, le réseau ne cesse de s’agrandir. En 2019, 169 kilomètres de lignes de métro et 74 nouvelles stations ont déjà vu le jour. Il est prévu que 95 % des Moscovites pourront accéder au réseau métropolitain à pied. En somme, l’histoire du métro de Moscou n’est jamais terminée.L’imaginaire du métro
À l’image du métro de Luc Besson, il ne faut pas s’arrêter à ce qu’on voit du réseau. Les souterrains allant jusqu’à 85 mètres de profondeur ne servent pas seulement à transporter la population dans un cadre somptueux, ils ont aussi comme fonction de servir de bunker anti-aérien et même antiatomique. Si vous examinez attentivement les entrées des stations et les tunnels, vous verrez au plafond les vantaux des énormes sas blindés, prêts à sceller hermétiquement les stations pour les transformer en refuges. Par ailleurs, si vous êtes encore plus attentifs vous pouvez voir un petit « A » qui signifie « de secours » et indique que le métro dispose aussi d’un système électrique subsidiaire autonome. Cette vision du métro a été testée durant la Seconde Guerre mondiale : des habitants, mais aussi des commerces ont été déplacés dans le métro, la station Maïakovskaïa a même accueilli une réunion du Mossovet en 1941.
Pour toutes ces raisons, le métro a une place à part dans l’imaginaire du pays. On en parle comme d’« une ville dans la ville », parsemée de stations électriques, laboratoires, usines, réserves et bunkers secrets. Certains de ces derniers ont été récemment ouverts au public (Bunker 42, Bunker 703 et Bunker d’Izmaïlovo). Les rumeurs évoquent également l’existence d’un « Métro 2 » : un second réseau de tunnels qui serait réservé à l’armée et au gouvernement en cas d’attaque. Quoi qu’il en soit, cet imaginaire fait partie de la pop culture nationale. Cette culture s’est aujourd’hui diffusée à l’international grâce au best-seller Metro 2033 de l’auteur (né à Moscou) Dmitri Gloukhovski. En 2019, sa trilogie qui met à l’honneur un métro post-apocalyptique servant de dernier refuge à l’humanité est traduite en 20 langues. Elle a aussi été transformée en une série de jeux vidéo à succès, et son adaptation cinématographique pour 2022 est très attendue par les fans.Ses stations remarquables
Les stations du métro moscovite sont de véritables palais souterrains qu’il faut absolument visiter, en excursion ou en solo. En voici la liste de nos préférées. Pour une visite sereine, notez bien le nom des stations et leur ligne (les Moscovites eux-mêmes désignent les lignes par leur surnom ou leur couleur) et évitez à tout prix les heures de pointe.
L’essentiel des stations incontournables est situé sur la boucle de la circulaire intérieure (ligne marron, c'est la plus facile à visiter). Selon une légende urbaine, elle doit sa forme et sa couleur à la trace ronde imprimée par la tasse de café de Staline sur un des synoptiques de travail initiaux. Ici, vous pourrez admirer les panneaux de la station Komsomolskaya consacrée aux luttes du peuple russe contre ses envahisseurs, ou bien ceux de la station Kievskaya construite en l’honneur de l’Ukraine soviétique, ou encore ceux de la station Taganskaïa qui célèbre la gloire de l’Armée rouge. Arrêtez-vous aussi pour les lustres de Prospekt Mira et les médaillons en bronze de Park Kultury ; les vitraux soviétiques de Novoslobodskaya et les murs de Belorusskaya recouverts de marbre. Enfin, aux sorties de certaines de ces stations vous pouvez entendre la dernière innovation du métro moscovite, des cris d’oiseaux de proie produits par haut-parleur pour éloigner les pigeons.
La ligne Zamoskvoretskaya (ligne vert foncé) mérite elle aussi le détour, tout particulièrement pour les stations Mayakovskaya et Novokuznetskaya, la première est un chef-d’œuvre d’Art déco tandis que la seconde est parée du marbre récupéré de la cathédrale du Christ Saint-Sauveur démolie par l’URSS en 1931.
Sur la ligne Arbatsko-Pokrovskaya (ligne bleu foncé), allez voir la baroque Arbatskaya et Plochtchad Revolioutsii, notable pour ses 76 statues de bronze qui représentent différents travailleurs soviétiques. Certaines statues portent chance si on les touche, vous les reconnaîtrez à l’usure de leur patine.
Si vous voulez voir le métro moderne, dirigez-vous vers la grande ligne circulaire, dont le premier tronçon a été inauguré en 2018 (fin des travaux : 2023).
L’endroit probablement le plus étonnant de tout le réseau est le tunnel entre les stations Rimskaya et Ploshchad Ilyicha. Ce tunnel cache une fontaine représentant les fondateurs de Rome, Romulus et Remus.
Pour plus d’informations sur l’histoire, l’imaginaire et la beauté du métro rendez-vous à la salle dédiée au Musée de Moscou à Park Kultury et au Musée du métropolitain à la station Sportivnaya !