L’art du zakouski

Un repas en bonne et due forme en Russie commencera traditionnellement avec des zakouski/закуски. Ces hors-d’œuvre très variés comprennent entre autres viande froide, charcuterie, œufs mimosa, poisson salé ou fumé (du hareng, du saumon, de l’esturgeon, etc.), œufs de poisson (caviar ou œufs de saumon), des crustacés ainsi que différents types de salades à base de tomates, de concombres, de pommes de terre cuites ou encore de carottes. Les légumes et les champignons marinés sont très populaires comme les cornichons malossol/малосольные parfumés à l’aneth ou les tomates en saumure/солёные помидоры. Le tout est souvent servi sur des canapés de pain de mie ou des blinis/блины.

Souvent associé aux blinis, le caviar/Икра est l’archétype même de la gastronomie russe. Selon la législation seuls les œufs d’esturgeon peuvent prétendre à cette appellation. Extraits avec délicatesse, les œufs sont ensuite lavés et salés pour le conserver. S’il est tentant de vouloir rapporter du caviar russe dans ses bagages, abandonnez toutefois l’espoir de trouver un excellent produit à bas prix. Même en Russie, le caviar reste un mets de luxe. Un produit trop bon marché risquerait d’être confectionné à base d’œufs de saumon. Les termes béluga/белуга, ossetrina/осётрина ou sevruga/севрюга désignent simplement différentes espèces d’esturgeons. Le béluga met jusqu’à 15 ans pour pouvoir se reproduire d’où sa rareté exceptionnelle et son coût mirobolant, environ 10 000 €/kg.        

Parmi les entrées communes en Russie la salade Olivier/салат Оливье tire son nom de Lucien Olivier, chef belge du célèbre restaurant moscovite L’Ermitage, qui créa dans les années 1860 cette salade à base de pommes de terre, de carottes, de cornichons et de petits pois agrémentés de mayonnaise. Attention, en Russie si vous commandez de la vinegret/винегре́т, il ne s’agit pas d’un assaisonnement, mais bien d’une salade, à base de betteraves, pommes de terre et carottes. Le très coloré « hareng en fourrure » ou seledka pod chouboy/cельдь под шубой est une entrée populaire composée de harengs recouverts de nombreuses couches de légumes (pommes de terre, betteraves rouges, etc.), la betterave colorant en rose la mayonnaise qui nappe ce plat délicieux. Plus simple, le hareng au miel ou seledka s modom/cеледка с мёдом marine quelques heures avec des oignons, du sel, du citron et un soupçon de miel. Réservé à des amateurs aguerris le kholodets/холодец est une préparation plus connue en France sous le nom d’aspic, réalisé à base de viande cuite (porc ou volaille généralement) figée avec des petits légumes dans une quantité plutôt conséquente de gelée. Souvent, les entrées sont accompagnées de pain. Deux sortes sont généralement proposées : le pain blanc au froment (belyy khleb/белый хлеб) classique et le pain noir de seigle (tchiorny khleb/чёрный хлеб) souvent un peu aigre et légèrement sucré à la fois.

Les basiques de la cuisine russe

Comme dans les autres pays d’Europe de l’Est les soupes tiennent une place très importante. La plus connue de toutes les soupes russes et sans doute le bortsch (Борщ). À l’Ouest on connaît principalement le bortsch rouge/красный борщ à base de bouillon de bœuf, chou rouge et betteraves parfumé d’une foule d’herbes aromatiques. Mais il existe d’autres variétés comme le bortsch vert (shchavel/щавель), à base d’oseille, sans betterave. Une cuillère de crème aigre ou smetana (cметана) avant la dégustation adoucit le bortsch et le rend plus onctueux. Parmi les autres soupes on peut citer le chtchi (Щи) aigre, à base de choucroute, de légumes et de viande ou encore l’oukha (Уха), à base de poisson et de pommes de terre et parfumée de laurier. En été, essayez l’okrochka (Окрошка), une soupe froide à base de kéfir, de légumes précuits et de jambon, le tout assaisonné d’aneth.

Les plats de viande et de poissons sont accompagnés de riz, de pommes de terre à l’eau ou frites, parfois de sarrasin. On peut citer le fameux bœuf Stroganov (бефстроганов) un ragoût de bœuf agrémenté de champignons dans une sauce à la crème aigre, à la moutarde et au paprika. Autre plat de viande, aux influences sensiblement orientales, le chachlik (Шашлык) est originaire du Caucase et d’Asie centrale, mais il est devenu incontournable dans toute la Russie. Ces brochettes, traditionnellement d’agneau, mais également de porc, de bœuf ou de volaille sont délicatement épicées. Enfin, le copieux poulet à la Kiev ou kotlety po kievski (Котлеты по-киевски) est une recette de blanc de poulet fourré de beurre aux herbes, puis pané et frit.

Côté légumes et féculents, on ne peut pas rater les fameux pelmeni (Пельмени) des sortes de gros raviolis cuits traditionnellement à la vapeur farcis de mouton, porc, bœuf, champignons ou pomme de terre. Ils sont toujours couronnés d’une noix de crème aigre juste avant de servir. Les pirojki (Пирожки) sont des beignets de pâte brisée, farcis généralement de viande. Les galoubtsy (Голубцы) sont des rouleaux de feuilles de chou fourrées d’un mélange de viande hachée, d’oignons et de riz. Les petits paquets ainsi obtenus sont cuits à la vapeur ou au bain-marie, et se dégustent avec de la crème fraîche.

Desserts et boissons chaudes

Pour prendre le thé, on s’accommode souvent bien de quelques biscuits comme les prianiki (Пряники), de petits pains d’épices ronds fourrés à la confiture et recouverts d’un nappage en sucre. Sinon les Russes raffolent de crêpes et autres syrniki (сырники), de petits pancakes très épais au fromage blanc que l’on sert souvent avec de la crème aigre, de la confiture ou de la compote de pomme. On les nappe parfois de kissel (кисель) un jus de fruits rouges légèrement épaissi avec de la fécule de maïs.

Il existe des gâteaux plus complexes comme le Napoleon (Наполеон) une sorte de mille-feuilles ou le très léger ptichye moloko (птичье молоко) qui se compose d’une génoise recouverte d’une crème meringuée, le tout nappé de chocolat noir. Le medovik (mедовик) est un gâteau composé de nombreuses couches de biscuit au miel et de crème fouettée. Enfin, le muraveinik (mуравейник) est un dessert composé de brisures de biscuits agglomérées avec une crème au caramel et moulées en forme de cône. Gâteau des classes modestes, on le retrouve maintenant en pâtisserie. 

Pâques est une période très importante pour les 60 millions de Russes orthodoxes. On y consomme deux desserts très populaires. La paskha (пасха) est connue pour sa forme ressemblant généralement à une pyramide tronquée. C’est un entremets composé principalement de fromage fermier (tvorog), crème épaisse, beurre, parfumé à la vanille et généreusement garni de fruits confits et de raisins secs. Enfin, le koulitch (кули́ч) est une sorte de haute brioche cuite dans un moule cylindrique. On la parfume de rhum et de safran, avant d’y ajouter des fruits confits et des amandes. Une fois cuite elle est couronnée d’un glaçage blanc.

Et pour déguster tous ces desserts, il y a une boisson chaude envers laquelle les Russes vouent un véritable culte. Le thé (Чай) a une place majeure dans la société russe et le pays est l’un des plus gros consommateurs au monde. Apparu dans le pays le XVIe siècle, il ne devient accessible qu’à partir du XIXe siècle grâce au développement ferroviaire. Au début du XXe siècle, l’entreprise Wissotzky, fondée à Moscou, était le plus grand fabricant de thé au monde.

Le thé en Russie est traditionnellement préparé dans un samovar, une sorte de double bouilloire où le thé est longuement infusé dans une théière posée au-dessus d’une cuve chauffée où l’eau reste toujours à bonne température. Le terme « thé russe » a d’ailleurs un double sens. En France, il désigne un thé noir parfumé à la bergamote, mais l’appellation a aussi une réalité géographique, car la Russie produit – de manière très localisée – du thé, au bord de la mer Noire. Et si aujourd’hui 90 % du thé consommé en Russie vient d’Inde ou du Sri Lanka, on peut acheter encore du véritable thé russe venant de cette région, dans des boutiques spécialisées comme la Maison Perlov à Moscou, inaugurée en 1893, avec sa spectaculaire décoration d’inspiration chinoise. Sinon on peut prendre le thé – mais aussi d’excellents cafés – dans quelques adresses incontournables de la capitale russe comme le Café Pushkin, logeant dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle ou le Café Bosco, situé dans le grand magasin Goum sur la place Rouge. Sans oublier Coffeemania situé au 2 rue Malyy Cherkasskiy Pereulok* avec ses intérieurs Art déco. En Russie, le terme chaikhana désigne des maisons de thé d’inspiration orientale à la décoration bariolée.

Au royaume de la vodka

S’il y a un alcool que tout le monde associe à la Russie, c’est bien la vodka (Водка). Cet alcool fait à partir de blé ou de pomme de terre est traditionnellement un alcool peu coûteux. Ce n’est pas un digestif ou un apéritif, mais elle est généralement bue tout au long du repas. La vodka fournit également l’un des cocktails favoris des Russes : on y met des fruits à macérer (cassis, citron, etc.) qui donnent un goût parfumé au breuvage. La vodka de Vladimir, fabriquée sous la marque Prince d’Argent, est délicatement parfumée et très agréable. La Stolitchnaïa et la Moskovskaïa sont en principe les plus pures, encore qu’il faille être bien sûr de leur provenance. Le must reste la Beluga, produite dans la ville de Mariinsk, au cœur de la Sibérie. 

La bière (Пиво), si elle ne détrône pas la vodka, notamment à table, est très répandue et la Russie est le quatrième plus gros consommateur de bière au monde. Les plus grosses brasseries du pays sont Tinkoff et Baltika et les Russes préfèrent souvent les bières blondes même s’il existe quelques brunes ou blanches de bonne qualité. Le vin (Вино) est de plus en plus consommé en Russie, surtout dans les lieux branchés. Le sud-ouest du pays aux abords de la mer Noire et de la Caspienne offre un climat convenable à la viticulture. Ainsi les vins de Géorgie (Khvanchkara – хваншкара – et Kinzmaraouli – кинзмараули –, les préférés de Joseph Staline) sont les plus populaires en Russie. Toutes proportions gardées le vin reste assez cher en Russie et des vins trop bon marché, possiblement frelatés, risquent de vous laisser un mauvais souvenir au réveil. Enfin pour les grandes occasions, la Russie a son champagne « soviétique » (Sovetskoïe champanskoïe/Советское Шампанское), une sorte de mousseux dont le prix peu élevé explique en partie sa popularité. Servi pour les grandes occasions (anniversaires, fêtes, etc.) il est tout à fait acceptable et sa version douce accompagne très bien les pâtisseries.

Parmi les boissons peu ou pas alcoolisés on peut citer le kvas (квас) issu de la fermentation du pain de seigle donnant une boisson fraîche très légère à moins de 2 % d’alcool que l’on parfume souvent avec des fruits et de la menthe en été. Le mors (морс), est une préparation à base jus de canneberges agrémenté de jus de citron. Malgré son nom le kompot (компот) est le nom donné à l’eau de cuisson de fruits (pommes, fraises, pêches, etc.) que l’on sert bien fraîche, même s’il désigne aussi les fruits simplement cuits. Le medovukha (медовуха) est issu de la fermentation du miel. Bien que généralement titrant à environ 5 % il peut monter jusqu’à 15 %. Enfin le ryazhenka (ряженка) et le varenets (варенец) sont deux boissons à base de lait fermenté, très populaires en Russie.