Guide de voyage San Juan Del Norte

Après l'embranchement vers le río Bartola, on entre dans le coeur véritable du río San Juan : tout devient plus sauvage, la pluie ne cesse presque jamais, le bout du monde est alors à portée de main. À l'entrée du río Sarnoso, il est possible d'observer les vestiges d'un bateau américain qui faisait le trajet sur le fleuve au temps de la ruée vers l'or. Les paysages autour des rapides Machuca sont somptueux. Les caïmans se font beaucoup plus nombreux et il est courant d'en apercevoir sur les berges.

Rappelez-vous que les transports en commun sont très aléatoires sur cette partie du parcours. Certains touristes préfèrent passer par le Costa Rica pour pénétrer sur le río San Juan via le río Sarapiquí.

Attention : la frontière avec le Costa Rica étant toujours un peu floue (bien que certaine, mais en réalité certainement floue...), plusieurs contrôles militaires viendront gâcher un peu l'ambiance magique de cette nature omniprésente.

En poursuivant vers la côte caraïbe, la frontière entre les deux pays voisins cesse de suivre la rive sud du fleuve : le río San Juan part vers le nord-est tandis que le río Colorado (Costa Rica) coule au sud-est. Le fleuve San Juan se rétrécit (possibilités d'admirer de superbes singes et des toucans) puis gagne la mer Caraïbe au niveau d'un banc de sable noir (La Barra). Les requins abondent dans les parages (côté mer), dans l'attente des poissons qui aiment les eaux à la fois salées et douces, singulière combinaison pour un paysage tout aussi insolite.

Au nord du banc de sable s'étendent une série d'estuaires côtiers que l'on nomme baie de San Juan. L'impression de bout du monde peut difficilement être aussi intense qu'en ces parages mi-dantesques, mi-paradisiaques. On peut encore observer la drague qui servit au creusement du canal (jamais terminé) à la fin du XIX^e siècle.

Apparaît enfin la ville désertique de Greytown, les ruines de l'ancienne San Juan del Norte, connue sous son nom anglais (attribué en l'honneur du gouverneur de la Jamaïque, Sir Charles Grey). En effet, les Espagnols qui dominèrent tout d'abord la région (façon de parler, les autochtones ont été et en sont toujours les véritables maîtres) accordèrent au bourg le statut de " port libre " en 1796, au même titre qu'Omoa au Honduras ou Santo Tomas de Castilla au Guatemala. Cependant, les Miskitos préférèrent s'allier avec les Anglais (ou l'inverse), le roi Mosco leur concéda le droit d'exploitation du bois en grande quantité. En 1848, les Anglais occupent militairement San Juan del Norte dans l'idée de construire un canal inter-océanique ; San Juan devint alors Greytown : des relations diplomatiques sont aussitôt établies avec d'autres pays. Mais le 15 mars 1854, la frégate Cyane des États-Unis détruit le port en représailles du mauvais traitement infligé au ministre Slon Bolrand, qui voyageait sur le Routh avant d'être intercepté par la police de San Juan et malmené par la population.

Il est difficile d'imaginer l'intense activité qui régnait ici au XIX^e siècle, lorsque les bateaux appareillaient pour New York ou en direction du lac Nicaragua. Difficile également d'imaginer ce qu'a vu Mark Twain, qui décrivait la ville comme " un paradis humain " et s'extasiait devant l'élégance de ce port où il était si facile de trouver à se loger pour un dollar (de l'époque). Splendeurs et misères des courtisans !

Aujourd'hui, il ne reste plus qu'un mystérieux cimetière (monument national) anglican, mormon, nord-américain, espagnol et créole. En réalité, le village continua d'être habité jusque dans les années 1980. Les féroces combats entre Contras et guérilleros sandinistes achevèrent de le détruire (il fut incendié en 1983). Le nouveau bourg de San Juan del Norte fut édifié à partir de 1990, quand 30 familles revinrent du Costa Rica où elles étaient en exil.

San Juan del Norte, qui s'étend le long du río Indio, marque la fin de ce voyage fabuleux. On y pêche surtout des langoustes. Les habitants sont des Afro-Caribéens de Bluefields, des métis de la côte pacifique et des indigènes Ramas (descendants précolombiens) !