La littérature moderne (fin XIXe et XXe siècle)
A l’aube du XXe siècle, une littérature bourgeoise et une littérature sociale avec des romans noirs prennent place. Les écrivains subissent l’influence de plusieurs écoles, dont le naturalisme français, et, entre 1900 et 1920, on assiste à l’explosion de récits autobiographiques et à l’affirmation d’une écriture fondée sur l’expérience du sujet. Deux écrivains marquent cette période : Shimei Futabatei et Ōgaï Mori. Sono omokage (Son ombre), et Heibon (Quelconque), datent de 1906. S’y détache la maîtrise d’une nouvelle langue. Ogaï Mori publie Vita sexualis en 1909, Seinen (Le Jeune Homme) en 1911, et, en 1915, Oie sauvage. Il achève son œuvre en écrivant des récits historiques de l’époque Edo. Natsume Soseki se distingue également avec Je suis un chat (1905) et son très populaire roman Botchan (1906) dans lequel il dépeint une société partagée entre traditions et modernité. Encore de nos jours, ce roman est l’un des plus lus au Japon, et la récente et magnifique adaptation en manga de Jiro Taniguchi Au temps de Botchan (5 volumes) a également connu un immense succès.
Le mouvement « sensations nouvelles » (Shin kankaku ha)
Créé en 1925, ce mouvement attire un certain nombre d’écrivains qui reçoivent à la fois la vision du cinéma et la violence des idées. Yasunari Kawabata publie les Romans miniatures alors que Toshikazu Koshimitsu écrit Machines. Il faut rappeler que Yasunari Kawabata, mort en 1972, a reçu le prix Nobel de littérature, et ses œuvres se distinguent par les descriptions de Kyoto. Son ultime roman publié en 1965, Tristesse et beauté, est un chef-d’œuvre, au même titre que Pays de neige, Le Grondement de la montagne ou Les Belles Endormies. Sa correspondance avec Yukio Mishima est aussi une œuvre majeure. Parmi les auteurs de cette période, on note également Junichiro Tanizaki (mort en 1965) et ses descriptions à la fois ironiques et cruelles de la société, comme Svastika, Le Chat, son maître et ses deux maîtresses, La Confession impudique, ou encore Éloge de l’ombre. C’est dans le contexte de la crise de 1929 et de la montée du nationalisme japonais que la littérature prolétarienne surgit avec les romans de Sunao Tokunaga, Taiyō no nai machi (Le Quartier sans soleil), racontant l’histoire d’une grève qui tourne court dans la ville de Tokyo. Se développent alors le sentiment de l’injustice et la dénonciation des conditions de travail dans les usines. La répression se fait aussi plus forte à l’encontre des écrivains. Plusieurs sont emprisonnés. Masuji Ibuse relate avec une grande précision, en mêlant subtilement la réalité et la fiction, le naufrage de la vie moderne déguisé dans son roman Usaburō (Le Naufragé), édité en 1955. Les années de guerre et leur fin tragique ont bouleversé le paysage littéraire et la société japonaise, et le roman d’Osamu Dazai, La Déchéance d’un homme (1948), décrit parfaitement cette période. Alors que les Américains occupent le pays, quelques romanciers se tournent vers la modernité. Pièces de théâtre, radio et médias deviennent incontournables pour mettre en valeur l’espoir et la tourmente de ces années.
L’après-guerre
Yukio Mishima apparaît vite comme l’écrivain de la nouvelle génération d’après- guerre. Les romans Confession d’un masque et Le Pavillon d’or le portent sur le devant de la scène alors qu’il crée un mouvement extrémiste de droite, une sorte de secte militariste qui promeut les valeurs d’un Japon éternel dicté par la voie des bushi (chevaliers en armure). Il se fera seppuku (suicide rituel) le 25 novembre 1970, publiquement, en demandant à son amant de lui décoller la tête, ce que ce dernier réalisera dans un acte manqué d’une étonnante boucherie. Le jour de sa mort, Mishima poste à son éditeur son roman L’Ange en décomposition, qui clôture sa tétralogie La Mer de la fertilité, réflexion admirable sur le Japon moderne. L’hommage de Marguerite Yourcenar à l’écrivain, Mishima ou la vision du vide, est également un texte magnifique.
De nos jours…
Ces quarante et quelques dernières années ont vu l’émergence de quelques écrivains historiques, comme Ryōtarō Shiba avec de nombreux romans très précis qui retracent le parcours du Japon depuis Meiji (Saka no ue no kumo, Nuage au-dessus de la montée, pour le conflit nippo-russe par exemple), poétiques comme Machi Tawara avec Salada kinenbi (Jour anniversaire de la salade, publié en 1987, ce recueil de poèmes tanka en langue contemporaine se vend à deux millions d’exemplaires) ou des romans qui ramènent à une certaine nostalgie du cœur des choses par Hiroyuki Itsuki (une multitude d’œuvres qui décrivent les problèmes des Japonais dans leurs attitudes mentales). Suite à une émission de la Compagnie de diffusion du Japon (NHK) sur la route de la soie, tout ce qui touche à ce sujet a eu ses heures de gloire durant cette période. Prix Nobel de littérature en 1994, Kenzaburo Oe est l’un des auteurs récents les plus célèbres dans le monde. Ses descriptions de la vie à la campagne et de l’éducation d’un enfant handicapé (son propre fils) sont omniprésentes dans ses œuvres, dont on retient Dites-nous comment survivre à notre folie, Le Jeu du siècle ou Une existence tranquille. Son recueil d’essais Notes d’Hiroshima, sur les survivants de la bombe atomique, est également une des œuvres majeures de ce militant de la démocratie et de l’abandon du nucléaire. On remarque également l’univers mystérieux d’Abe Kobo, notamment La Femme des sables (1962), et, parmi les auteurs actuels, une tendance à un style incisif, qu’on retrouve chez Banana Yoshimoto (Kitchen), ou Ryu Murakami et son univers inquiétant dans Les Bébés de la consigne automatique, Miso soup ou Parasites. Né en 1949, Haruki Murakami, souvent cité comme nobélisable, a publié des œuvres à grand succès comme La Ballade de l’impossible, Kafka sur le rivage ou le best-seller international 1Q84 (hommage à Orwell, 1984 et 1Q84 se prononçant de la même manière en japonais). Ses descriptions de la société ne sont pas sans rappeler les romans de Soseki. Enfin, il convient de dire un mot sur Kazuo Ishiguro qui s’est vu décerné le prix Nobel de littérature en 2017. Cet écrivain britannique, né à Nagasaki, est notamment connu pour ses livres publiés en français chez Gallimard, dont le dernier Le Géant enfoui ou son célèbre roman adapté au cinéma Les Vestiges du jour (1989), couronné par le Booker Prize.