Le plus beau musée d’Albanie rassemble l’une des plus importantes collections d’icônes au monde (XIV-XIX siècles). Présentation très soignée.
Ce musée (Muzeu Kombëtar i Artit mesjetar) est sans équivalent dans les Balkans. Créé durant la période communiste (1987), il regroupe l’une des plus importantes collections d’art chrétien au monde : 8 000 pièces, dont plus d’un millier sont exposées, principalement des icônes du XIVe au XIXe siècle. En pleine période athéiste, celles-ci furent retirés des églises orthodoxes du sud-est du pays pour être stockés à Korça. Depuis 2016, le musée est installé dans un bâtiment moderne conçu par l’architecte allemande Julia Bolles-Wilson. La présentation, très soignée, en fait le plus beau musée d'Albanie.
Salle d’or. Au rez-de-chaussée, trois murs couleur or sont entièrement couverts de centaines d’icônes de toutes tailles sur 8 m de hauteur. L’architecte a replacé les images sacrées dans le contexte de notre monde actuel, saturé d’images : au visiteur, donc, de faire son choix. Un promontoire est aménagé avec la légende de chaque œuvre. La plupart des icônes sont signées des plus grands peintres albanais : Konstantin Shpataraku (XVIIIe siècle), les frères Çetiri (XIXe siècle), Mihal Anagnosti (XIXe siècle)… Remarquez en particulier l’archange Michel (n° 2213) de Konstantin Jeremonaku (début XVIIIe siècle). Il y a aussi 14 œuvres des frères Zografi (XVIIIe siècle) : Entrée dans Jérusalem (n° 2176), Naissance de la Vierge (n° 5334), etc. Au pied du mur principal sont installées trois fresques du grand Onufri (XVIe siècle) détachées des murs des églises de Berat, de Shelcan (près d’Elbasan) et de Moscopole.
Balcon blanc. Juste au-dessus de la Salle d’or est regroupée une série d’icônes et de portes peintes d’églises des régions de Berat, de Korça et du lac Prespa. Il s’agit de certaines des plus anciennes pièces du musée. Elles datent des XIVe et XVe siècles, période où les artistes ne signaient pas encore leur travail. Trois d’entre elles se détachent : une Annonciation où l’archange Gabriel rend visite à la Vierge en pleine séance de… tricot ; un magnifique archange Michel richement vêtu et au visage énigmatique ; une Vierge à l’Enfant Odigitria (« montrant le chemin »).
Labyrinthe noir. Après le Balcon blanc, on trouve ici huit icônes provenant de la citadelle de Berat peintes par Onufri. Premier grand artiste à signer ses œuvres au XVIe siècle, celui-ci initia le mouvement dit de « l’école de Berat ». Dans chaque œuvre du maître, admirez ce rouge très particulier dont la composition exacte demeure un mystère. L’utilisation de pigments roses le rend éclatant, mettant en relief les scènes les plus sombres, comme celles de la Résurrection de Lazare et du Baptême du Christ. Dans la même salle, il faut comparer le « rouge Onufri » avec celui des deux icônes de Nicolas Onufri (le fils du maître) provenant, elles aussi, de Berat.
Salle rouge. Elle est dominée par une iconostase en bois sculpté (1819) provenant de l’église Saint-Nicolas de Rehova, près d’Ereska. Les icônes originales ont été remplacées par d’autres. Mais notez la scène de la Dormition de la Mère de Dieu où l’on retrouve ce détail propre aux peintres albanais : l’archange Michel coupant les mains du juif Jéphonias. Sur les murs, on peut observer de près le travail de trois artistes du XVIIIe siècle déjà croisés dans la Salle d’or : Konstantin Shpataraku (« de Shpat »), Konstantin Jeremonaku (« le hiéromoine ») et Konstantin Zografi (« le peintre »). S’ils partagent le même prénom, leurs styles sont bien distincts. Tandis que Jeremonaku intègre des éléments de l’art islamique dans son Christ Pantocrator, Shpataraku opte pour un parti pris réaliste, notamment dans les scènes de la vie du saint Jovan Vladimir : un cartouche relate l’épisode de marchands français tentant d’emporter à dos de cheval les reliques de ce roi et saint serbe qui régna sur la région de Prespa au XIe siècle.
Salles blanche et noire. Elles présentent de manière épurée un résumé de l’art religieux albanais. Dans la Salle noire, on trouve la plus ancienne pièce du musée, une porte peinte du XIVe siècle provenant de l’église rupestre de l’île de Maligrad. Dans la Salle blanche, comme un aboutissement, le chef-d’œuvre d’Athanas Zografi (XVIIIe siècle), dernier grand peintre albanais de la période post-byzantine : « Premier concile œcuménique et bataille du pont Milvius - Par ce signe tu vaincras ». L’icône synthétise deux événements marquants de l’histoire du christianisme. Dans la partie haute, occupant les trois quarts de la surface : le concile d’Arles, en 314, première véritable assemblée des évêques de la Chrétienté. L’empereur Constantin préside le concile où Donat le Grand est excommunié pour cause de schisme, décision ici évoquée par le geste de la gifle. En dessous, c’est Constantin qui mène les troupes au pont Milvius, près de Rome, le 28 octobre 312. La veille, le Christ lui est apparu, lui montrant le chrisme (les lettres grecques I et Χ entremêlées, initiales de Jésus-Christ) et lui annonçant « Par ce signe tu vaincras ». Au cours de la bataille, effectivement, le miracle a lieu. Petite erreur du peintre qui fait apparaître ici une croix et non le chrisme dans le ciel. Mais c’est la réponse d’Athanas Zografi à un autre grand tableau, La Bataille du pont Milvius, réalisé en 1524 par Raphaël. Athanas Zografi intègre ici les influences de la Renaissance italienne, mais aussi toute la tradition picturale orthodoxe et orientale. Magistral.
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Avis des membres sur MUSÉE NATIONAL D'ART MÉDIÉVAL
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Für das nicht zu große Museum, ist regulär 700 Lek, jedoch ein stolzer Eintrittspreis.