PLACE DE LA LIBERTE (AZADOUTIOUN)

C’est là que bat l’autre cœur d’Erevan… Là où s’arrête la ceinture de verdure, commence l’avenue Mesrop Machtots, qui délimite le périmètre culturel et artistique. Cette grande radiale, qui coupe le centre d’Erevan du nord-est au sud-est, parallèlement à la rue Abovian, s’appelait autrefois Lénine ; elle a été rebaptisée du nom du créateur de l’alphabet arménien, Mesrop Machtots, dont le « temple », l’Institut des manuscrits anciens, le Maténadaran, est l’un des monuments les plus visités de la ville. Datant de 1957, l’imposant édifice de pierre grise précédé des statues des patriarches du livre arménien, termine le boulevard à votre gauche, au pied du parc de la Victoire (Hakhtanak), dominé par la statue de Mère Arménie. En prenant à droite l’avenue Mesrob Machtots, on pénètre dans une aire de verdure, où se dresse le bâtiment en hémicycle de l’Opéra d’Erevan ; en face, au centre de la place Tamanian, la haute statue blanche de l’architecte et urbaniste d’Erevan qui lui a donné son nom, les deux mains posées sur sa table de travail, tourne le dos à une coulée de pierres tout aussi blanches, appelée Cascade, qui dévale les pentes du parc depuis l’obélisque du Cinquantenaire de l’Arménie soviétique. Cette gigantesque construction devait initialement voir jaillir l’eau, dont le flux s’est visiblement tari, pour laisser la place à un grand escalator censé relier la partie haute de la ville à la place de l’Opéra. Mais un milliardaire américain d’origine arménienne s’est engagé à redonner vie à cette « Cascade » au pied de laquelle veille désormais un gros chat noir de Botero, pièce inaugurale d’un ensemble ayant vocation à devenir l’un des hauts lieux de l’art arménien et qui accueille différents spectacles, contribuant à l’animation du quartier. Signe de ce changement, la place Tamanian a été rebaptisée place de France (Fransaï Hrabarak) et a été inaugurée en grande pompe par le président Chirac lors de sa visite officielle en Arménie, le 29 septembre 2006. Plus qu’une place, la place de la Liberté est un parc, où les terrasses de café ont fleuri ces dernières années, autour du bassin entouré de saules qui s’étend aux marches du Théâtre d’Opéra et de Ballet construit dans le style national par l’incontournable Tamanian et qui porte le nom du compositeur Spendiarian. Plusieurs artères rayonnent à partir de l’Opéra, dont la toute nouvelle avenue du Nord et l’avenue du Maréchal Baghramian, une des plus belles d’Erevan, avec ses immeubles résidentiels perdus dans la verdure, du parc des Amoureux notamment, ses bâtiments officiels dont le palais présidentiel de style néoclassique (ancien siège du comité central du P.C. local) et le Parlement. La place de la Liberté n’est certes plus ce havre de paix dont les buvettes, jadis rares, attiraient les dissidents et les intellectuels anticonformistes de la capitale ; elle vibre désormais d’une intense animation suscitée par les innombrables terrasses de café, dotée pour l’une d’elles d’un billard à ciel ouvert, où se donne rendez-vous la jeunesse d’Erevan. Les artistes exposent toujours leurs toiles au pied des arbres, sous le regard bienveillant ou critique de Mardiros Sarian, le grand peintre officiel de la période soviétique, qui y a sa statue. Sa maison-musée se trouve d’ailleurs un peu plus loin, au n° 3 de la rue Sarian, à côté de l’église Saint-Asdvadzadzine (Sourp Zoravor, XVIIe siècle), dans la rue Pouchkine qui coupe l’avenue Mesrop Machtots. Plus loin, au n° 17 de l’avenue, une autre grande figure des arts et lettres arméniens, le poète Yeghiché Tcharents, disparu dans les purges de 1937, a lui aussi sa maison-musée.