Il y a des villes mythiques, et Saint-Pétersbourg en fait indéniablement partie. Impériale et révolutionnaire, guindée et underground, septentrionale et solaire, capitale déchue mais centre culturel, Saint-Pétersbourg exhibe avec splendeur les contradictions que lui ont données son histoire et sa géographie. Mais Saint-Pétersbourg n'est pas qu'une belle endormie. Dîners dans des restaurants résolument tendance, soirées au théâtre et à l'Opéra, nuits dans des clubs où tout peut arriver, brunchs exotiques et journées shopping sont au programme des Pétersbourgeois et de leurs invités. La ville de Pierre le Grand, sortie du néant comme d'un rêve il y a trois cents ans, n'oublie pas que la vie c'est le mouvement. Alors entrez dans la danse !
L'Ermitage
Tout à la fois palais et musée, ancien coeur politique de l'empire des tsars et aujourd'hui centre culturel de la nouvelle Russie, le palais d'Hiver est le lieu incontournable de tout séjour à Saint-Pétersbourg.
La première construction de l'époque de Pierre le Grand est parachevée par Rastrelli en 1754. Presque totalement détruit par un incendie en 1837, le palais est reconstruit à l'identique les années suivantes. Devant l'Ermitage, la place du Palais, dominée par la colonne Alexandre, dont la réalisation date des années 1850, donne encore plus de solennité au bâtiment. Du balcon surplombant les lourdes grilles en fer, le tsar saluait la foule massée sur la place. Le palais d'Hiver à proprement parler n'est qu'une partie de l'Ermitage : dans le prolongement du palais d'Hiver, une façade aux couleurs plus atténuées désigne le Petit Ermitage. Ce palais aux dimensions modestes constitue le noyau historique du musée de l'Ermitage. Très vite, cette première galerie d'art s'avérera insuffisante pour abriter les quelque 2 000 oeuvres réunies par Catherine II. En 1771, le Grand ou Vieil Ermitage prolongea l'ensemble. Masqué par sa longue façade couleur crème, plus sobre, un quatrième musée, le Nouvel Ermitage, sera nécessaire pour abriter une collection enrichie par les successeurs de Catherine. Un dernier bâtiment complète le monumental complexe du palais d'Hiver : le charmant théâtre de l'Ermitage, avec sa façade vert pastel ornée d'une colonnade blanche, est l'unique témoin de l'architecture théâtrale russe du XVIIIe siècle. Il a été restitué à l'identique après une restauration achevée en 1991 et accueille aujourd'hui représentations théâtrales et concerts.
Lieu d'histoire et de culture. Le charme de l'Ermitage tient aussi à sa taille et son éclectisme, qui donne satisfaction à tous les visiteurs. Les petites filles bercées par l'histoire de la princesse Anastasia passent émerveillées devant le carrosse doré de la famille impériale et traversent d'un pas léger la salle de bal des tsars. L'amateur de la Renaissance admire la Madone Benois de Léonard de Vinci, ainsi que les Rembrandt et Van Dyck. L'historien parcourt fébrilement les collections antiques. Enfin tous s'arrêtent devant les couleurs franches de La Danse et La Musique de Matisse, qui se font face, et le Carré noir de Malévitch.
Palais et jardins de Peterhof (Petrodvorets)
Situé à 30 km de la ville et facilement accessible en bateau, le palais et les jardins de Peterhof sont une bonne occasion de se mettre au vert tout en continuant le voyage dans les splendeurs de la Russie tsariste.
A l'origine, le Parc inférieur était " à la française" mais, au XIXe siècle, on cessa d'en élaguer les arbres, ce qui n'empêche pas de percevoir son plan régulier, chacune de ses allées aboutissant à une fontaine, une sculpture ou un pavillon. Bondé pendant les Nuits blanches, le parc est très agréable à la fin de l'été et en automne. Le nombre de ses monuments est impressionnante : trois cascades, plus d'une cinquantaine de fontaines, nombreuses sculptures en marbre et en bronze, divers pavillons.
Le Grand Palais a été construit en 1714 comme une copie de Versailles, mais avec l'exubérance baroque en plus. L'escalier d'honneur est resplendissant de dorures. Là est notamment décoré de peintures en trompe-l'oeil, de sculptures baroques et de statues qui représentent les quatre saisons. La salle de Tchesmé est ornée de peintures représentant la bataille de Tchesmé contre les Turcs le 26 juin 1770. Catherine avait commandé ces oeuvres au peintre allemand Jacob Philippe Hackaert. Pour que le peintre trouve une source d'inspiration, l'impératrice avait fait sauter une frégate russe sous ses yeux, en rade de Livourne. A droite, la salle de danse est un chef-d'oeuvre et occupe toute l'aile du palais sur près de 300 m2 ! Les miroirs et les fenêtres rendent l'espace encore plus démesuré.Musée russe
Si l'art venu d'Occident avait eu son temple au XVIIIe siècle avec l'Ermitage, le XIXe siècle, d'inspiration plus nationale, rendra urgente la création d'un musée consacré à l'art russe. Le musée avait été conçu pour être un centre d'exposition de l'art russe, le pendant local de la galerie Tretiakov de Moscou. C'est une infime partie des 400 000 pièces du fonds artistique recueillies par l'État, qui les avait confisquées aux palais, aux demeures seigneuriales et autres monastères que l'on peut voir. Une visite au Musée russe n'en donnera pas moins un riche aperçu de l'art de la Russie, de l'époque médiévale jusqu'à nos jours. La visite (et la numérotation des salles) s'organise dans un ordre chronologique. Le musée est divisé en trois zones : l'aile Benois, l'aile Rossi et le palais Michel (chacune à l'étage et au rez-de-chaussée).
Perspective Nevski
" Il n'y a rien de plus beau que la perspective Nevski, du moins à Pétersbourg. Ici, elle est l'origine de toute chose. De quel éclat ne brille-t-elle pas, cette rue, la princesse de notre capitale ! " (Nicolas Gogol). La vraie originalité de la planification de la Pétersbourg des années 1720 était de faire partir trois radiales depuis l'Amirauté. La perspective Nevski, qui était la route menant à Moscou, se développa rapidement. Aujourd'hui encore, parcourir la perspective Nevski, " la princesse de notre capitale ", c'est faire un parcours dans le temps et l'art que vous pouvez faire en 2 heures 30, rythmé par les canaux et les ponts.
Elle commence à la place Dvortsovaya, avec l'Ermitage, la place du Palais et la colonne Alexandre. Le premier des trois ponts est le pont Zeleniy, sur la Moyka. Au n° 21, la maison de commerce Mertens s'élance dans le plus pur style Art nouveau. Revêtue de granit, avec de grandes vitrines et des décorations en bronze, la tour de la Maison du livre, au croisement de la perspective Nevski et du quai du canal Griboïedov, abrita l'ambassade des États-Unis. L'ensemble, grandiose ou démesuré, c'est selon, de la cathédrale Notre-Dame-de-Kazan, se trouve de l'autre côté. Sur le canal, le style néo-russe de Notre-Dame-sur-le-Sang-Versé se reflète dans l'eau. Enjambant le canal, le pont Kazanski est le troisième de la ville par sa largeur. L'église catholique Sainte-Catherine construite en 1783 est la transition entre le classicisme et le baroque. Dressée de l'autre côté de la perspective Nevski, la tour de l'horloge pentagonale fut construite en 1804, pour la Douma municipale. Derrière le monument, au fond de la place, on aperçoit la façade du théâtre dramatique Pouchkine avec sa colonnade blanche et le char d'Apollon au-dessus. Au coin du quai de la Fontanka et de la perspective Nevski se trouve le palais Anitchkov. La partie sud de la place est bordée par la laure Saint-Alexandre-Nevski.
Une soirée au Mariinsky
Un, deux, trois. Le lourd rideau richement décoré se lève à toute vitesse. Ce soir encore, comme depuis cent cinquante trois ans, les musiciens, chanteurs et danseurs du Mariinskiy vont jouer le spectacle de la vie. Ce théâtre et cette troupe de ballet sont devenus en moins de cinquante ans les plus célèbres du monde. Fondé en 1860, en face du grand théâtre Kamenny et nommé en l'honneur de l'impératrice Marie, femme d'Alexandre II, le théâtre Mariinski a été le premier à présenter des oeuvres de Glinka (1836), Moussorgski, Rimski-Korsakov, Prokofiev... En 1895, c'est la première du Lac des cygnes sur la musique de Tchaïkovsky, avec la même chorégraphie que vous verrez ce soir. Ce furent ensuite les tournées européennes, les fameux ballets russes de Diaguilev, avec en star Nijinski et la Pavlova. Tout cela était avant les années difficiles de l'URSS, où le Mariinskiy devint le Kirov et perdit de son prestige, comme le montra la fuite en Occident de la star Noureïev en 1961 pendant une tournée en France. Depuis la chute de l'URSS, le chef d'orchestre Valery Guergiev a redonné une aura au théâtre et à sa troupe, mais plus pour les opéras. Alors ne vous y trompez pas, si tout le monde se presse aux somptueuses représentations des ballets du XIXe siècle, n'hésitez pas à voir les opéras, notamment russes. Les mises en scène sont sublimes, même si certains regretteront un académisme et un clacissisme dont le Mariinsky tente peu à peu de se débarrasser. Notamment avec la construction d'une seconde scène de facture très contemporaine inaugurée en mai 2013, mais qui n'est pas du goût de tous les Pétersbourgeois en plein centre historique.
Notre-Dame-de-Kazan
Pensée comme une copie de Saint-Pierre-de-Rome, la construction de Notre-Dame-de-Kazan a été décidée au début du XIXe siècle par Paul Ier. Si les lignes austères de la double colonnade n'évoquent que partiellement le Vatican, les Russes aiment s'asseoir et deviser à la romaine (même l'hiver) sur les petits bancs installés dans le jardin devant la cathédrale. A l'intérieur, les volumes sont impressionnants et la lueur des cierges semble plus intense du fait de la pénombre recueillie qui règne dans l'église.
La décoration est riche, et on y verra avec intérêt des étendards de l'armée de Napoléon, pris par les troupes russes lors de la déroute de la Bérézina. L'aspect neuf de l'iconostase ne doit rien au hasard - l'iconostase originale a été fondue par les Soviétiques dans les années 1930, avant que la cathédrale ne soit transformée pendant soixante ans en musée de l'athéisme.
Conjurant ce destin, une fervente file de croyants se presse devant l'icône de la Vierge de Kazan qui, d'Ivan le Terrible à Koutouzov, donna la victoire aux armées russes défendant la patrie. Koutouzov, vainqueur de Napoléon en 1812 (et aussi initiateur de l'incendie qui détruisit Moscou alors que la Grande Armée s'y trouvait), est enterré dans la chapelle nord, et une statue du maréchal orne une des demi-colonnades à l'extérieur. Les volumes donnent aussi à la cathédrale une très belle acoustique qui se révèle lors des liturgies orthodoxes avec leurs chants graves. Les liturgies ont lieu tous les samedis et dimanches, et tous les jours pendant le carême.
Les Nuits blanches
Belye Nochi ou les Nuits blanches... Sans doute la meilleure et la pire saison pour visiter la ville ! La meilleure : 18 heures de jour, 6 heures d'une nuit claire. La pire : cela fait trois cents ans que l'on s'émerveille de ces Nuits blanches et cela a fini par se savoir ; pas de places dans les hôtels des mois à l'avance, rues et monuments bondés. Mais quelle ambiance ! Saint-Pétersbourg l'impériale et la guindée devient la Venise du Nord comme à son carnaval. Alors dormez bien avant et préparez-vous à rester éveillé.
Une renaissance festive de cinquante jours : plus rien ne semble séparer le jour de la nuit et la ville s'anime soudain d'une joie exaltante. La rue Doumskaya avec ses bars underground s'emplit à toute heure d'une foule de fêtards bière à la main. Sur la place des Arts, les amoureux s'embrassent sur les bancs face à la statue de Pouchkine. On s'émerveille de voir les ponts se lever à 1h du matin, avec leurs lampadaires inclinés à 45 degrés - obligeant à emprunter de petits bateaux pour traverser le fleuve -, avant de se rabaisser à 6h du matin.
Les " vraies " Nuits blanches : du 11 juin au 1er juillet. Mais le phénomène est manifeste du 25 mai au 17 juillet.
Tsarskoye Selo
Résidence impériale et "Versailles russe", l'histoire de Tsarskoyé Selo (rebaptisé Pouchkine en 1937, année du centenaire de la mort de l'écrivain) commence à l'emplacement d'un domaine appartenant à Menchikov où Catherine Ire fit bâtir un petit palais. Ce petit palais fut agrandi jusqu'à devenir le grand palais Catherine.
Long de plus de 300 m, le palais Catherine, bleu et blanc, devait surpasser par ses somptuosités baroques les fastes du château de Versailles. A voir absolument dans ce magnifique ensemble rococo, le cabinet d'ambre : une salle tout entière décorée en ambre, résine transparente, traversée par la lumière. La chapelle du palais présente cinq coupoles en bulbes dont les sinuosités baroques se marient avec la tradition byzantine.
En face de la vaste cour d'honneur du palais Catherine, le palais Alexandre contraste, avec son vis-à-vis, par son parfait classicisme. Tsarskoyé Selo est aussi, relié à la chapelle du palais Catherine, le lycée, de facture classique, bâti en 1791, où Alexandre Pouchkine a fait ses classes entre 1811 et 1817. En 1937, la ville prit le nom de Pouchkine à l'occasion du centenaire de sa mort tragique. Autour de ces palais deux grands parcs à l'anglaise, avec étangs et arboretum, assurent une jolie promenade pour ceux qui ont décidé de passer la journée au vert.
Cathédrale Saint-Isaac
Son dôme d'or est visible depuis tous les points de la ville. La cathédrale Saint-Isaac, qui fut pendant longtemps la deuxième plus grande église de la chrétienté, après Saint-Pierre-de-Rome, se dresse face à la Neva, étrangement isolée sur sa place.
Quelques chiffres suffisent pour illustrer le gigantisme d'une construction où le défi technique le dispute aux exigences esthétiques. Recouvert d'une centaine de kilos d'or, le dôme ceint d'une colonnade s'élève à 102 m (8 m de moins que les Invalides) coiffant de son diamètre de près de 22 m. L'intérieur de la cathédrale est à la hauteur : la richesse de la décoration contraste avec l'austère sobriété de l'extérieur. Un décor solennel, fresques, marbres polychromes et autres matériaux précieux ; des colonnes de malachite verte, de lapis-lazuli ou encore de porphyre soutiennent l'édifice aux murs recouverts de quelque 200 toiles, mosaïques et fresques représentant des saints. Enfin, témoignage presque insolite de l'orthodoxie, Saint-Isaac s'orne d'une superbe iconostase. La cathédrale est rouverte au culte mais seulement pour les grandes fêtes religieuses (Pâques et le Noël russe, le 6 janvier). La coupole : la vue à 360° sur Saint-Pétersbourg est vraiment magnifique. A une hauteur où les tumultes de la ville n'arrivent pas, on profite à plein des façades colorées, des élégantes structures métalliques des ponts, des toits d'or du palais Michel et de la forteresse Pierre-et-Paul, de la bande liquide de la Neva et plus loin des eaux de la Baltique. Un long regard sur le rêve de Pierre devenu réalité.
Forteresse Pierre-et-Paul
Berceau de la ville, la forteresse se dresse face à la Neva depuis l'île aux Lièvres. C'est en 1703 que les premières pierres furent posées sur ce petit bout d'île dans une architecture à la Vauban. Pierre le Grand lui-même, qui avait sa demeure juste à côté (maisonnette de Pierre), surveillait les travaux.
Il fallut plus de vingt ans pour venir à bout de la terre meuble des marécages de la Neva et pour faire tenir ce vaisseau de pierre sur les sables de l'île aux Lièvres. Et la forteresse ne livra finalement jamais bataille.
Mais elle entra dans l'histoire pour deux raisons : tout d'abord, la cathédrale présente dans son enceinte (Pierre-et-Paul) fut le premier édifice religieux de la ville. Et la tradition demeura pour les tsars de s'y rendre pour toutes les occasions importantes. C'est elle aussi qui abrite la nécropole impériale. Autre fait marquant : lorsque la perspective d'une guerre avec les Suédois se fut éloignée, une partie de la forteresse devint prison, l'une des pires du pays. C'est là que furent enfermés les décabristes, ces membres de la noblesse éclairée qui avaient tenté de renverser Nicolas Ier lors de son intronisation en 1825, avant leur exil à vie en Sibérie. Plus tard, en 1849, c'est Dostoïevsky qui fut accusé de complot et enfermé dans la forteresse où il subit un simulacre d'exécution, avant d'être lui aussi envoyé en exil en Sibérie. Il en tirera le sujet des Souvenirs de la maison des morts.