Premiers pas
C’est au musée Hihof, dédié à la Préhistoire, que vous rencontrerez le premier Homme luxembourgeois. Loschi, squelette de 8 000 ans, qui a été découvert près de la rivière Loeschbour, à Heffingen. De là, il faut faire un pas de géant et se propulser jusqu’au milieu du XIXe siècle pour trouver un art luxembourgeois affirmé. Entre-temps, le territoire a certes vu naître des artistes mais, à défaut d’écoles d’art, les âmes créatives partaient étudier en Belgique, en France, en Allemagne ou en Italie. Toutes ces influences ont naturellement marqué, et même forgé l’art luxembourgeois. Rentré au pays, chacun rapportait un genre artistique. Le néoclassicisme avec Jean-Baptiste Fresez (1800-1867) et Nicolas Liez (1809-1892), l’impressionnisme avec Jean-Pierre Beckius (1899-1946) et Dominique Lang (1874-1919), l’expressionnisme avec Jean Schaak (1895-1959) et Joseph Kutter (1894-1941), l’art non figuratif avec Michel Stoffel (1903-1963) et François Gillen (1914).
Le paysage luxembourgeois
Le splendide cadre naturel du Luxembourg inspire les artistes nationaux et étrangers depuis le XIXe siècle. Joseph Kutter compte parmi les plus plébiscités, avec ses paysages sombres aux formes cubiques mais aussi ses portraits. Ajoutons la série « Luxembourg Grund » de Sosthène Weis (1872-1941), qui dissout ses vallons aux tons prune dans des compositions quasi abstraites, les gouaches urbaines de Moritz Ney (né en 1947) ou encore les motifs architecturaux peints par Tina Gillen (née en 1972). Avant eux, des artistes réputés venaient de partout pour s'inspirer du Luxembourg. Joseph Turner (1775-1851) a peint plusieurs vues de la forteresse. Le rocher du Bock domine ses aquarelles les plus célèbres. Le Hollandais Barend Cornelis Koekkoek (1803-1862) a légué une série de panoramas peints du Luxembourg. Larochette, un magnifique paysage exécuté dans des tons d'ocre est conservé au Musée National d'Histoire et d'Art. Victor Hugo (1802-1885) a préféré le dessin, croquis au crayon et lavis, pour immortaliser la ville de Vianden où il a résidé quelques semaines. Sur l'un d'eux, une branche de vigne occupe le premier plan, ses volutes semblant désigner une tour peinte dans le fond. Autre source d'inspiration, les friches industrielles du sud du pays, capturées par Fernand Bertemes (né au Luxembourg en 1964) et les structures délaissées, telles que les compositions déstabilisantes de Robert Viola (né en 1966). Que ce soit son château d'eau reproduit en contreplongée, sa station-service désertée intitulée Modern Oasis, ou l'usine vidée titrée Absolute Temple, ses œuvres ouvrent la voie à une réflexion sur la rencontre de la nature et de la culture, sur l'intervention malheureuse de l'humain dans le paysage.
Le Cercle artistique
Fondé en 1893, le Cercle a pour principaux représentants Michel Engles et Franz Heldenstein, tous deux élèves de Jean-Baptiste Fresez. Il a longtemps joué un rôle important dans la vie artistique luxembourgeoise, avec notamment l’institution du prix Grand-Duc Adolphe, décerné depuis 1902 aux artistes exposant aux salons du Cercle artistique. Son rôle a été par la suite discuté au moment de la sécession, après la Première Guerre mondiale. Plusieurs peintres, tels Jean Schaak (1895-1959), Harry Rabinger (1895-1965), Nico Klopp (1894-1930) et Joseph Kutter (1894-1941), influencés par les fauvistes et les expressionnistes, réagissent contre l’académisme du XIXe siècle et contre l’impressionnisme. La querelle des Anciens et des Modernes éclate.
Sécessionnistes et Iconomaques
Le premier Salon de la sécession se tient en 1927, en opposition à l’académisme du Cercle artistique. Deux autres salons suivront mais le premier préfigure un changement dans l’expression artistique.
La Villa Vauban ou musée d’art de la Ville fait office de pont entre ces deux époques de l’art. Située au cœur de la ville, la villa construite en 1873 a été rénovée dans les années 2000. Ses collections s’articulent autour de deux grands axes. D’une part l’art européen des XVIIe et XVIIIe siècles et d’autre part l’art luxembourgeois, principalement des peintures et des sculptures des XIXe et XXe siècles. Si les Sécessionnistes ont influencé la période précédant la Seconde Guerre mondiale, les Iconomaques ont influencé l’après-guerre. Parmi les noms à retenir, le sculpteur Nicolas Joseph (dit Claus) Cito, né en 1882 à Bascharage et décédé en 1965 à Pétange. Il est surtout connu pour le Monument du souvenir situé sur la place de la Constitution. Les instigateurs du premier Salon de la sécession de 1927 sont Jean Schaack (1895-1959), l'une des grandes figures de l'art luxembourgeois, Joseph Kutter (1894-1941), Jean Noerdinger (1895-1963) et Harry Rabinger (1895-1966). Ces peintres, qui ont étudié à Luxembourg, Strasbourg et Munich, se détachent volontairement du classique Cercle artistique de Luxembourg (C.A.L.) mais aussi de l’impressionnisme, préférant se tourner vers l’expressionnisme et le fauvisme. Cependant, la sécession ne s’inscrit pas en rupture avec l’art traditionnel, mais ambitionne de faire cohabiter les deux conceptions de l’art.
Joseph Probst (1911-1997) compte parmi les membres fondateurs du groupe de peintres abstraits, les Iconomaques. L’artiste peint ses premières œuvres abstraites en 1951, dans un genre influencé par l’art géométrique avant de s’imprégner de lyrisme.
Le sculpteur Lucien Wercollier
Né en 1908 à Luxembourg et mort dans cette même ville en 2002, ce sculpteur luxembourgeois est considéré comme l'un des artistes majeurs du XXe siècle. Fils d'artiste, il étudie l'art en Belgique puis à Paris avant de revenir enseigner dans sa ville natale. Ses premières sculptures sont figuratives mais la guerre bouleverse son style. Entré en résistance, Wercollier sera déporté avec sa famille. Autour de 1950, son art glisse vers l'abstraction. L'influence de Constantin Brâncuși et de Jean Arp se fait sentir dans sa quête de simplicité et de pureté formelle. Ce sont ses sculptures monumentales, en bronze ou en marbre, qui font sa notoriété. Il travaille cependant le bois ou encore l'onyx et l'albâtre. Citons Le Prisonnier politique, conservé à l'exposition permanente qui lui est dédiée à l'abbaye de Neimënster bien que nombre de ses créations aient trouvé leur place dans l'espace public et les parcs du Luxembourg.
De nos jours
Fondée en 1949, la galerie Schortgen s'impose comme une institution focalisée sur l'art contemporain. Ses choix avisés et sa volonté d'allier artistes de renommée internationale et talents prometteurs ont bâti sa réputation mondiale. Elle représente notamment Marlis Albrecht, Marina Sailer, Patricia Broothaers, Jörg Döring ou encore Fazzino.
Ouvert à toutes les disciplines artistiques, le Mudam ou musée d'Art moderne Grand-Duc Jean s'est imposé dans le paysage culturel. Situé dans le quartier du Kirchberg, à Luxembourg-Ville, il a vu le jour à l'occasion des 25 ans de règne du Grand-Duc Jean. Peinture, sculpture, art vidéo et même design sont richement représentés dans l'établissement dédié au « tout-art ». Ce bâtiment à l'architecture exceptionnelle peut se targuer de réunir Sophie Calle, Marina Abramovic, Bruce Nauman ou encore Cy Twombly. Voisin du Fort Thüngen, il trône dans le parc Dräi Eechelen qui accueille également des expositions. De là, on peut admirer la création de Ming Pei aussi bien que la ville.
L'originale Galerie d'art contemporain «Am Tunnel» regroupe 100 artistes luxembourgeois. Aménagée dans un tunnel souterrain de la ville, elle s'est établie dans une partie des casemates de l'ancienne forteresse. À quinze mètres sous terre, le tunnel de 350 mètres de long présente les artistes de demain aux côtés de valeurs sûres de la scène contemporaine. À signaler, l'exposition permanente de photographies d'Edward Steichen mis à l'honneur par cette galerie hors du commun. Peintre et lithographe né au Luxembourg, il se met à la photographie en 1896 alors qu'il vit aux États-Unis. En parallèle de sa carrière de galeriste, conservateur du MoMa et éditorialiste, il participe au salon de Philadelphie de 1899. Steichen est considéré comme l'artiste qui a pris la première photographie de mode, alors publiée par une revue française.
Esch-sur-Alzette, capitale européenne de la culture 2022
En 2022, la ville d'Esch-sur-Alzette a été désignée comme capitale européenne de la culture, aux côtés de la ville de Kaunas en Lituanie. Ce titre honorifique est attribué chaque année à deux villes de l'Union européenne, dans le but de promouvoir la diversité culturelle, le dialogue interculturel et de mettre en valeur le riche patrimoine culturel européen. Tout au long de l'année, Esch-sur-Alzette a célébré cette distinction en organisant un programme culturel varié et dynamique : expositions artistiques, performances musicales, festivals, projets communautaires et bien d'autres manifestations culturelles. Le programme culturel d’Esch2022 s’est étendu à onze communes luxembourgeoises et huit communes françaises voisines.
Sumo : du mur à la toile
Depuis une vingtaine d’années, les street artists du Luxembourg préfèrent garder leur véritable identité secrète. Ils signent leurs œuvres, Stick, Sumo, Rojo, Spike ou Sader, pour les plus célèbres. Cette habitude provient de l’époque pas si lointaine où tagger était formellement interdit. Mais tout a changé ! Les artistes répondent désormais à des commandes de l’administration. Plusieurs initiatives ont aidé à sensibiliser le public. À Cessange, en 2011, l’architecte Shahram Agaajani a fait le pari d’intégrer le graffiti à un projet architectural. Comme les riverains voyaient cette idée d’un mauvais œil, l’architecte a pris le temps d’expliquer sa démarche, et la place du graffiti qui n’était plus à considérer comme du vandalisme. La mise en couleurs du bâtiment a été confiée à Sumo. Petit compromis, l’artiste a dû renoncer à la peinture à la bombe, interdite par la Ville, au profit du pinceau. Sumo a ainsi investi les quatre faces d’un couloir ainsi que certaines parties extérieures du bâtiment, rehaussant de jaune et de rouge un quartier dominé par le gris. Devenu la personnalité vedette du street art luxembourgeois, Sumo pare à présent les institutions de la capitale de ses dessins acidulés. Créatures loufoques, onomatopées et slogans s’affichent dans une palette bariolée. Il cite parmi ses premières influences les couvertures des vinyles et des CD, ainsi que les magazines qui suscitent en lui une passion pour la typographie. Un lettrage soigné accompagne ses personnages. Habile dessinateur, Sumo donne naissance à son célèbre Crazy Baldhead dès 1999. Ce bonhomme chauve au trait grossi le suit lorsqu’il passe du mur à la toile. Dans ses tableaux, il continue d’exprimer sa phobie du vide, qui l’amène à accumuler du texte et des motifs jusqu’à la surcharge.