ST-FEUILLIEN
Grisette (Blonde, Blanche, Citra Hop, Fruits des bois), St-Feuillien (Blonde, Brune, Triple, Quadruple), Grand Cru, Saison, Five, Belgian Coast IPA
Feuillien était venu d'Irlande au VIIe siècle pour prêcher l'Évangile mais son expédition tourna court : il fut torturé puis décapité au Roeulx (Hainaut) en 655. La légende raconte qu'une source jaillit sur les lieux de son exécution. Ses fidèles lui érigèrent à cet endroit une chapelle et, en 1125, une abbaye de prémontrés y voit le jour, commanditée par l'évêque de Cambrai. Les moines y ont brassé une bière, comme la plupart de ces communautés en avaient l'habitude, mais la Révolution française a tristement mis un terme à cette activité.
En 1850, Charles Lejeune y établit une brasserie, reprise par Alfred Barbier en 1873. Mais celui-ci décède deux années plus tard et sa veuve, Stéphanie Friart, poursuit l'aventure jusqu'en 1911, année où elle décède à son tour. Son neveu Benoît redécouvre alors une recette ancestrale et, s'alimentant en eau grâce à une source jaillissant sous la brasserie, redonne vie à la St-Feuillien, devenue aujourd'hui l'une des grandes bières d'abbaye wallonnes. « Benoît Ier » acquiert même une deuxième brasserie, située en plein cœur du village du Roeulx. Dans les années 1950, sous la baguette de son fils cadet, Benoît, elle est à son apogée et produit un grand éventail de bières, dont une pils, la Rhodia et la fameuse St-Feuillien, en 1952.
Trente ans plus tard, confrontée à la naissance des grands groupes et après avoir abandonné la fabrication de toutes ses autres bières, la brasserie Friart confie la production de la St-Feuillien Blonde à la brasserie du Bocq à Purnode et ferme ses portes définitivement.
Enfin, c'est ce que l'on pensait. Car, ô surprise, en 1988, Benoît Friart, troisième du nom, remet les installations du Roeulx en état avec sa sœur Dominique. Ils y produisent la St-Feuillien Triple, plus ronde et plus corsée (8,5 % vol.) dans des magnums (1,5 litre), les St-Feuillien Blondes de 25 et 75 cl. étant alors toujours produites à Purnode. Le succès est immédiat et l'on voit aussitôt apparaître des flacons de trois litres, six litres... jusqu'à des nabuchodonosors de quinze litres !
Depuis 2008, toutes les St-Feuillien sont à nouveau brassées au Roeulx. La Blonde et la Triple sont épaulées par la Brune (8,5%) à la robe fauve. En hiver, la trilogie est rejointe par la Cuvée de Noël (9 %). Plus récemment, au départ pour répondre à une demande américaine, une Saison de 6,5 % a fait son apparition. Dans sa lignée, une St-Feuillien Grand Cru, blonde de 9,5 %, marquée par le houblon slovène Styrian Golding, a vu le jour.
Au passage, signalons encore que c'est aussi St-Feuillien qui brasse la bière Léon (6,5 %) du célèbre restaurant bruxellois de moules-frites connu bien loin au-delà des frontières de la Belgique.
En 2017, la Belgian Coast IPA est venue compléter ce qu'on peut qualifier de « gamme Saint-Feuillien » reflétant les goûts de notre époque. Cette petite dernière, résultat aromatique du mariage de sept houblons américains et belges, s'inscrit dans le courant actuel des bières à l'amertume soulignée.
La brasserie ne s'est pas reposée sur ses lauriers après toutes ses sorties. Elle a même enclenché une vitesse supérieure à l'arrivée à l'automne 2018 d'un directeur général, Edwin Dedoncker, passé notamment par Chimay. L'ancrage familial est toutefois consolidé à la même période avec la nomination d'Ann Friart, cinquième génération, à la tête de la production. Au printemps 2019, la brasserie rafraîchit la marque historique Grisette, une bière de terroir autrefois populaire dans la région. On pouvait la trouver à la table des repas quotidiens dans de nombreux foyers de la région du Centre. Soutirée en tonneaux de bois, elle avait pour vocation première d'étancher la soif. Sa production diminua peu à peu avec l'avènement des pils et autres bières de table. Malgré une incroyable capacité à désaltérer, elle tomba dans l'oubli total avant d'être brassée à nouveau de manière assez confidentielle par la brasserie De Smedt à Opwijk (Brabant flamand, future Affligem). Mais une bière originaire de la région du Centre se devait d'être brassée dans le Centre. La brasserie St-Feuillien reprend ainsi à son compte la production de la Grisette dans les années 1990. Sous l'égide de M. Dedoncker, une triple bio sans gluten (Citra Hop) vient enrichir un assortiment qui passe au 100 % bio dans la foulée avec les Blanche, Blonde et une Fruits des bois à 0 % vol.
L'ordre une fois remis dans cette lignée historique, St-Feuillien reprend le chemin de l'innovation, en jouant les équilibristes, avec simultanément, à l'automne 2019, la sortie d'une blonde légère, la Five, et d'une brune très costaude, la Quadruple (11 %). Pour suivre une telle cadence, l'outil de production, pourtant inauguré en 2013, ne demandait lui aussi qu'à grandir. Mais enclavée dans le cœur du village rhodien, la brasserie a opté pour un déménagement de ses activités à l'extérieur de la cité hennuyère sur un espace de près de trois hectares, proche de l'intersection des autoroutes E19 et E42. Plus de 20 millions d'euros sont consacrés à ce redéploiement qui doit permettre de faire passer la production de 50 000 hectolitres aujourd'hui à 130 000 hectos d'ici à 2038. De quoi aussi assurer elle-même l'embouteillage des bières, jusqu'ici sous-traité à Roman (Audenarde). Le nouveau site, équipé de nombreuses techniques respectueuses de l'environnement, sera opérationnel en 2023, un beau cadeau pour les 150 ans de la brasserie. Un projet de reconversion du site historique est dans les cartons.
Le saviez-vous ? Cet avis a été rédigé par nos auteurs professionnels.
Avis des membres sur ST-FEUILLIEN
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