Danseurs lors des Fiestas Patrias © JeremyRichards - shutterstock.com.jpg

La musique et la danse traditionnelles

La musique et la danse sont des composantes primordiales de la vie quotidienne chez les Mapuche. Elles leur permettent d’exprimer la peur ou l’allégresse, servent de médium pour remercier les divinités ou encore manifester un désir érotique, une promesse de guerre, célébrer une naissance, une mort, une bonne récolte. Les Mapuche ont des mélodies pour travailler, dormir, enterrer les morts ou jouer ensemble. Certaines ne sont jouées qu’en dansant lors de cérémonies particulières (Machitún, Lepún et Nguillatún, par exemple). La musique mapuche est le plus souvent religieuse : on chante et on danse pour honorer Ngenechén, la divinité́ absolue. L’instrumentation est assez élémentaire, on y trouve des voix, des percussions et la trutruca, sorte de trompette en canne de coligüe (un bambou autochtone) se terminant par une corne, au son grave et strident. La musique mapuche se caractérise notamment par l’utilisation du kultrún, un tambour cérémoniel ; il représente la cosmovision de la communauté, les éléments matériels et immatériels, la structure symbolique, les quatre divisions de la plateforme terrestre orientée selon les quatre points cardinaux (Meli Witran Mapu). La croyance mapuche dit que la « sorcière » (machi) transmet sa voix et son énergie au kultrún, avec lequel elle s’identifie. D’autres instruments de musique traditionnels sont le pifilka, un sifflet d’un seul orifice, au son très aigu (il représente le ñandu appelant sa progéniture), la kaskawilla, un instrument en bronze, et le piloilo (en pierre ou en os), qui possède plusieurs trous à la différence du pifilka.

En Patagonie argentine, on essaie de conserver tant bien que mal ce patrimoine indigène que les autorités gouvernementales du pays ont tout fait pour supprimer. Grâce à cet effort de préservation, on entend et voit toujours des chants et danses autochtones tels que les loncomeo, cordillerana, chorrillero ou kaani. Musique et danse du folklore tehuelche-mapuche, le loncomeo se pratique exclusivement entre hommes, au son du kultrún, généralement durant le ngillatún (la principale cérémonie spirituelle mapuche). Du loncomeo traditionnel a été extraite une forme de musique folklorique moderne, jouée par des les grands compositeurs patagons comme Marcelo Berbel. La Cordillerana est quant à elle un chant doux et harmonieux, joué désormais à la guitare. Mélange de kaani et milonga aux mélodies syncopées et aux airs nostalgiques, la chorrillera (ou chorrillero) évoque explicitement des tonalités indigènes ; enfin, le kaani est une danse d’hommes effectuée par groupes de quatre et orchestrée avec des percussions et des instruments à vent. La musique mapuche se retrouve dans son ensemble au sein des compositions de Rubén Patagonia (natif de Comodoro Rivadavia), icône et chantre de la musique folklorique de Patagonie.

À Chiloé, le folklore espagnol a été bien préservé et on y entend facilement pericona, pasacalles, valse chilote ou trastasera... La première est une des danses les plus populaires chez les Chilotes. Avec de probables origines argentines, elle s’exécute en couple, mouchoirs à la main. Répandue dans tout le monde hispanophone, la pasacalle est originaire d’Espagne et date du début du XVIIe siècle. La valse chilote est, comme son nom l’indique, une variante locale de la valse, aux rythmes et sauts plus marqués. Elle aussi argentine, la trastasera est une danse facile à exécuter dont les pas sont indiqués dans les paroles de la chanson.

En Argentine on peut voir et entendre ces musiques et danses folkloriques lors du Nouvel An mapuche. Se tenant entre le 21 et 24 juin (lors du jour le plus court de l’année), il est l’occasion pour les communautés d’organiser de grandes festivités ponctuées par toutes sortes d’activités folkloriques et traditionnelles. Côté chilien, c’est durant les Fiestas Patrias, la fête la plus importante (célébrant la journée d’indépendance) que l’on peut admirer le folklore de tout le pays. Durant deux jours, le Chili met en lumière sa culture et ses traditions, lignes de force de son identité. Danses, chants folkloriques et gastronomie sont toujours au rendez-vous.

La musique populaire

Si en Argentine comme au Chili, il y a eu de très grandes vagues de chansons, c’est la Patagonie chilienne qui a porté une des plus grandes stars du genre : Patricio Manns. Chanteur, musicien, poète et romancier né dans la région du Bío Bío (au nord de l’Araucanie) Manns est aujourd’hui une figure adorée dans toute l’Amérique latine. Journaliste dans les années 1960, il réside dans la capitale chilienne avant de fuir suite au coup d’État de Pinochet. Il ne reviendra que dans les années 1990 après 20 ans d’exil. Moderne et révolutionnaire, le chanteur est souvent considéré comme l’héritier immédiat de Violeta Parra – la grande chanteuse (engagée) du pays. C’est l’un des fondateurs de la « Nueva Cancion Chilena », mouvement de musique sociale qui s’est développé dans les années 1960 et a porté avec lui les revendications de son époque (l’Argentine a connu au même moment un mouvement similaire nommé « Nuevo Cancionero »). Patricio Manns a écrit romans, essais, poésies ou encore pièces de théâtre qui lui ont valu quelques prix en France. Son roman Cavalier seul évoque la vie mouvementée du chercheur d’or Julius Popper, qui établit un véritable régime autoritaire en Terre de Feu. Une lecture intéressante, d’autant plus lorsqu’elle accompagne un séjour sur place. 

En Patagonie, deux lieux indiqués pour entendre de la chanson à texte et/ou du folk local, sont En El Clavo à Valdivia (une adresse originale et festive en ville) et côté argentin, Naupa, à Ushuaia, où l’on entend aussi pas mal de tango.

La Cumbia

Même si elle n’est pas du tout une tradition de Patagonie, la cumbia n’en demeure pas moins une des musiques les plus populaires en Argentine et au Chili. Qu’elle soit servie nature ou mélangée avec du reggaeton, de la techno ou du rock, on l’entend dans les taxis, les magasins, les coins de rue ou la moindre fête. D’origine colombienne, la cumbia est née de la fusion entre cultures noire (pour le rythme) et indienne (pour la mélodie) et possède une signature rythmique, toute en contretemps, reconnaissable entre mille.

En Argentine, le style connaît un premier succès dans les années 1960 avec les tubes de groupes colombiens comme Los Wawancó et Cuarteto Imperial. La cumbia, qui est ici le genre populaire par excellence, s’est muée au début des années 2000 en cumbia villera (traduisible par « cumbia des bidonvilles »), plus agressive, aux paroles relatant la vie de rue, la drogue, la criminalité et utilisant beaucoup de synthétiseurs et d’effets sonores. C’est aussi à Buenos Aires que le genre a trouvé un nouveau souffle en étant mélangé à l’électronique – devenant la nueva cumbia – entre les mains du Zizek Club et de ZZK Records. Au Chili, le genre a aussi fait irruption durant les années 1960. Dès le début, le pays développe son propre style de cumbia, appelé « cumbia sonora » ou (cumbia chilienne) ajoutant du piano et des cuivres et accélérant le rythme. Les grands groupes de cumbia chilienne sont Orquesta Huambaly Sonora Palacios ou Los Vikings. En Araucanie, on peut danser sur de la cumbia au OK Club, de Temuco, à l’ambiance jeune et survoltée. À Valdivia, le Carrê Social Club en programme pas mal aussi sous toutes ses formes et à Chiloé, le Club Fama d’Ancud, est un de ces lieux parfaits pour apprendre à danser la cumbia ou la bachata.