Les habitudes alimentaires
Dans les hôtels, le petit déjeuner est généralement servi entre 7h30 et 10h avec café ou thé, jus de fruits, pain toasté, beurre, confiture ou sandwich de jambon et fromage. Les locaux, quant à eux, préfèrent la paila : œufs brouillés avec du jambon ou du fromage. Le déjeuner, entre 14h et 15h, est le vrai repas de la journée. D'ailleurs la plupart des restaurants proposent des menus souvent composés d'une entrée (cazuela ou caldillo), d'un plat (poisson frit, poulet grillé, côtes de porc, etc.) accompagné de frites et parfois de purée, de riz ou de salade, et d'un dessert (fruits frais, gâteau de riz, gelée). En Patagonie chilienne le goûter est une pause très importante, appelée las once. Si « once » veut bien dire « onze » en espagnol, c'est simplement car les Chiliens ont emprunté ce terme aux Espagnols pour qui las once est un en-cas pris vers 11h entre le petit déjeuner et le déjeuner. Il peut se composer d'une part de gâteau, d'une coupe glacée ou d'un completo (hot-dog) avec un jus de fruits ou une boisson chaude. Le dîner, à 21h, est plutôt léger et souvent sucré : café ou thé avec tout un tas de friandises à grignoter. Aujourd'hui, de nombreux Chiliens ne font pas la différence entre las once et le dîner.
Une terre de carnivores
Beaucoup de plats consommés en Patagonie sont le plus souvent des classiques de la cuisine argentine et chilienne. On retrouve également des plats patagons qui sont devenus populaires dans le reste du pays.
Bon exemple d’un plat que l’on consomme aussi bien en Argentine qu’au Chili, l’asado fait référence à tout ce que l’on peut faire griller lentement sur une parrilla (gril). Le secret d’un bon asado réside dans la manière de couper la viande et d’entretenir la chaleur des braises. Les morceaux, préalablement salés, sont disposés à l’horizontale sur une grille ou a la criolla (à la verticale, sur pieux) au-dessus de charbons ardents. Il faut être patient, car la viande ne sera retirée qu’une heure après, voire beaucoup plus. En effet, les Argentins et les Chiliens, contrairement aux Européens ou aux Nord-Américains, ne sont pas amoureux de la viande saignante. Cette méthode donne une viande cuite en profondeur sans la brûler, et bien juteuse. Les Argentins notamment sont passés maîtres, et de fait ont adapté leurs coupes de viande à cette forme de cuisson. Vous ne trouverez donc pas les mêmes morceaux que sur les marchés français. D’autres spécialités cuites à l’asado sont les saucisses (chorizo), les boudins rouges (morcilla), les tripes (chinchulines) et les fromages (provoleta), eux-mêmes grillés sur les braises. Parmi les découpes les plus communes le bife de chorizo, un faux-filet cuit sur son propre gras. Le bife de lomo est filet très épais et très tendre, coupé dans le bas du dos, à tester pour les inconditionnels de la viande saignante, car il est servi généralement plus rose que les autres pièces de viande. Tous les Argentins, et dans une moindre mesure les Chiliens, régions et classes sociales confondues, préparent leurs asados. Beaucoup d’appartements sont équipés de parrillas (dans le jardin ou sur le balcon), tout comme les campings. Vous verrez aussi beaucoup d’asados improvisés sur le bord d’une route ou dans les parcs. L’asado, comme le maté, représente un lien social. Se rassembler le dimanche autour d’un asado, c’est se retrouver, parler et prendre le temps que la viande cuise.
À noter que d’autres types d’asados sont encore organisés dans les campagnes : l’asado con cuero par exemple, où l’on enterre un veau coupé en morceaux dans une fosse, que l’on recouvre de tôles de zinc sur lesquelles on place des braises maintenues chaudes pendant plusieurs heures. Et bien sûr si le bœuf est maintenant beaucoup plus accessible en Patagonie, le mouton et l’agneau étaient traditionnellement les viandes de base de la région. À goûter donc le cordero patagonico al palo, plat emblématique de la Patagonie. La viande est cuite à l’extérieur, sur une croix métallique, pendant une journée entière, rendant la peau croustillante et la viande fondante comme du beurre. Et pour accompagner tout ça, l’immanquable sauce chimichurri, à base d’huile d’olive, de persil, de piment, d’ail et de vinaigre.
On peut citer également d’autres recettes de viande comme le matambre, dont la traduction serait « tue-la-faim », une sorte de roulé à la viande de bœuf, de porc ou de veau, et aux légumes. Sinon la viande de guanaco est une viande consommée par le peuple Tehuelche de Patagonie depuis des temps immémoriaux et il est reconnu pour avoir fourni de quoi se sustenter aux tribus tout au long des hivers exceptionnellement rigoureux de la Patagonie. Comme c’est la norme avec les cuisines indigènes, les Tehuelche se régalaient de tout le guanaco, y compris la graisse et les entrailles, bien que de nos jours, vous ne trouverez principalement que des coupes maigres et des steaks dans les menus de la Patagonie.
Les poissons à l’honneur
Ensemble, le Chili et l’Argentine possèdent près de 12 000 km de côtes baignées par des eaux parmi les plus poissonneuses du monde, grâce aux courants froids venant de l’Antarctique. Autant dire que le choix et la qualité des produits de la mer sont sans pareil. En général, il est conseillé de commander le poisson à la plancha pour être sûr qu’il soit frais, à la différence des plats en sauce qui peuvent masquer la vieillesse d’un poisson pêché trois jours auparavant. Outre les grands restaurants spécialisés, on pourra se rendre dans les marchés municipaux des grandes villes portuaires. Le poisson y est souvent excellent pour des prix ridicules. Les poissons omniprésents sont le congrio (congre), l’atún (thon), la corvina (bar), le lenguado (la sole) et bien sûr la succulente merluza negra (légine australe). En ce qui concerne les mariscos ou fruits de mer, là aussi, c’est Byzance : camarones (crevettes), erizos (oursins), ostiones (coquilles Saint-Jacques), pulpos (poulpes), calamares (calmars), mejillón (moule). Il n’y a pas nécessairement des dizaines de recettes, ici on profite surtout de la fraîcheur du produit qui est préparé simplement grillés – dans ce cas commandez une parrillada de mariscos – ou parfois même cru. C’est le cas du ceviche. Ce plat très répandu en Amérique du Sud est traditionnellement originaire du Pérou et du Chili. Composé de cubes de poisson ou de fruits de mer crus mariné dans du jus de citron, des oignons et de la coriandre, il est réputé guérir du chuchaki, la gueule de bois.
Près des rivières et des lacs, précipitez-vous sur les truchas (truites) et les salmones (saumons) généralement bon marché. La trucha patagonica se prépare de multiples façons, notamment grillée, poêlée, rôtie et en ragoût crémeux. Encore plus au sud, en Terre de Feu, la chupe de centolla fera vibrer tous les amoureux de crustacés. Imaginez un ragoût de crabe royal crémeux, garni de chapelure et de fromage et gratiné à la perfection. Un régal !
Pour ceux qui hésiteraient entre viande et poisson, il y a un plat patagon qui pourrait contenter tout le monde. Le curanto est un plat traditionnel de l'archipel de Chiloé au Chili, préparé depuis des millénaires par les Indiens Mapuche. Il se cuit dans un trou d’un mètre de diamètre creusé directement dans le sol que l’on recouvre de pierres qui sont chauffées par un feu de bois. Fruits de mer, viande, saucisses, pommes de terre, maïs et chapaleles – galettes composées de farines de pommes de terre et de blé – sont ainsi emballées dans des feuilles de nalca (rhubarbe chilienne). Plus simplement, le curanto peut aussi se préparer dans un grand faitout, que l’on fait chauffer au feu de bois ou sur la grille d'un barbecue. Ce curanto mijoté est appelé pulmay dans le centre du Chili.
Empanadas et pains
Pour une petite faim bien sûr on ne pas rater un emblème de la cuisine chilo-argentine : l’empanada. Ces chaussons en demi-lune peuvent être fourrés avec tout type de garniture, même si la viande prédomine. En Patagonie bien sûr le mouton est à l’honneur. Les empanadas de cordero contiennent une farce préparée avec le succulent agneau rôti de Patagonie. Autre spécialité à déguster sur le pouce, le choripan est un sandwich chaud de chorizo, qui dans ce cas est une grosse saucisse épicée et non pas un saucisson sec comme le chorizo espagnol. Le tout est servi avec de la salsa criollo, composée d’oignons rouges vinaigrés, et de la sauce chimichurri.
Du fait de son climat plutôt rigoureux la Patagonie est avant tout une terre d’élevage, et non de culture. Céréales et légumes sont cultivés assez localement et le plus souvent importés du nord du Chili et de l’Argentine qui jouissent de conditions climatiques plus favorables. Les boulangers et les supermarchés proposent de grandes quantités de pains, rarement vendus sous forme de baguette cependant, mais souvent sous forme de petits pains : el pan francés ou marraqueta (sortes de quatre mini-baguettes accolées) ou encore el pan italiano (plus huileux et croustillant). On trouve du pain blanc, du pain bis, du pain aux céréales et, quand on a de la chance, du pain aux olives ou aux noix. À noter que le Chili est le deuxième consommateur de pain au monde, après l’Allemagne. Le milcao, pain traditionnel dont la pâte est un mélange de farine et de pommes de terre. En effet, les pommes de terre sont très appréciées et les frites constituent l’accompagnement le plus commun avec la viande, tant en Argentine qu’au Chili.
Les desserts
Encore une fois, la Patagonie n’étant pas une terre agricole très fertile notamment dans les régions les plus méridionales, les préparations sucrées y sont traditionnellement assez rares. Le Chili et l’Argentine possèdent d’immenses vergers notamment dans le centre de ces deux pays où on retrouve toute sorte de fruits. Néanmoins certaines régions, pas trop désolées, de Patagonie permettent la culture d’arbres fruitiers produisant entre autres des pêches (melocotón), des abricots (albaricoque), des brugnons (durazno), des pommes (manzana) et d’excellents melons (melón) et pastèques (sandia). La ville argentine de Los Antiguos a même sa fête des cerises. Les bois offrent quantité de baies comme les fraises (frutilla), les mûres (mora), les myrtilles (mirtillo), etc. D’ailleurs le fraisier du Chili, poussant naturellement dans les forêts humides du sud du pays est à l’origine des fraisiers cultivés dans le monde entier. Les plus curieux pourront cueillir en Patagonie les baies acidulées du calafate ou berbéris, que l’on consomme généralement en jus, en confiture ou même en crème glacée.
Les nombreuses vagues d’immigration ont fortement marqué la cuisine de la région et notamment la pâtisserie. Au Chili par exemple l’influence allemande est très forte et les Chiliens se régalent de kuchens pendant le goûter. On pense évidemment aux strudels, fourrés de pomme, de cerises, de fromage blanc et de fruits secs ou encore les copieuses tartes aux fruits. Le très populaire brazo de reina est un gâteau roulé fourré de dulce de leche et saupoudré de sucre glace. Emblème aussi bien de l’Argentine que du Chili, le dulce de leche ou confiture de lait est parfois appelé manjar.
Boissons chaudes et douceurs
Dans la province de Chubut, en Argentine, la communauté galloise est connue pour ses maisons de thé qui proposent des scones et de la torta negra, sorte de cake au sucre brun, noix, zeste d’orange, fruits confits et cannelle. Les sandwichs de miga sont de délicats sandwichs réalisés avec du pain de mie blanc écroûté et beurré, qui ressemblent un peu aux sandwichs anglais au concombre servis pour le thé. Ici on les garnit aussi de très fines tranches de charcuterie, de fromage, d’œuf dur et de la laitue. Les alfajores sont des petits biscuits sablés fourrés de dulce de leche ou de confiture puis enrobés d’une coque en chocolat.
Noble héritier de l’immigration allemande, le chocolat est en effet très apprécié dans la région. San Carlos de Bariloche, en Argentine, est souvent surnommée la Capitale du chocolat en Amérique du Sud. On y trouve en effet une foule de chocolatiers qui ont pignon sur rue, sans parler des glaciers dont on dit que les crèmes glacées sont les meilleures d’Argentine. Le chocolat chaud est populaire même si les Argentins lui préfèrent le café. Et avec un héritage à la fois italien, espagnol et germanique, il n’y a pas de quoi se priver, le café en Argentine est souvent considéré comme excellent. Par contre les amateurs de café visitant la Patagonie chilienne seront peut-être un peu plus déçus, le café étant rarement bon, car souvent préparé à base de poudre instantanée.
Mais s’il y a une infusion qui met tout le monde d’accord dans la région, c’est le maté. Issue de la yerba mate, une plante indigène que l’on retrouve jusqu’au sud du Brésil, elle est consommée depuis des millénaires dans la région. Très bon tonifiant cardiaque, elle est sirotée à longueur de journée. Traditionnellement on la fait infuser dans une petite calebasse (sorte de courge vidée et séchée) tout en aspirant le jus dans une paille filtrante appelée bombilla. Plus qu’une boisson, le maté permet aux Argentins et aux Chiliens de sociabiliser, de se rencontrer et de discuter. Les gauchos suivent un rituel précis pour consommer le maté : assis en cercle, ils se passent la boisson de main en main dans le sens des aiguilles d'une montre.
Vins et bières
Si la culture de la vigne n’est possible que dans les régions les plus tempérées du nord de la Patagonie, cela n’empêche pas le vin d’être un produit extrêmement prisé tant en Argentine qu’au Chili, qui sont respectivement les 6e et 7e producteurs mondiaux. Si le vin argentin n’a pas encore la renommée internationale de son voisin chilien, c’est que les bodegas (exploitations productrices) argentines n’arrivent à maturité que maintenant pour proposer des vins excellents et de qualité constante. Introduite par les Espagnols, la vigne a été développée par des générations de producteurs, en majorité d’origine italienne et espagnole, sur une bande de plus de 2 000 km qui suit la cordillère des Andes et s’étend dans les vallées issues des eaux de la fonte des neiges. La région qui produit 80 % du vin argentin se situe entre les villes de San Juan et Mendoza. Pour ce qui est de la Patagonie, la production se concentre au nord, dans les vallées de la province du Río Negro, notamment à San Patricio del Chañar, près de Neuquén. Le cépage star de l’Argentine est le malbec, peu prisé dans son Bordelais natal. Côté rouges, le cabernet sauvignon et la syrah sont également beaucoup utilisés, et la production argentine offre également toute la gamme des cépages utilisés pour le blanc, depuis le chardonnay ou le chablis jusqu’aux riesling et gewurztraminer.
Le Chili est connu dans le monde entier pour ses vins fins et exquis, qui sont exportés à l’étranger, mais aussi principalement en Patagonie, les vins sont plus proches des crus européens, comparés aux cépages des régions du centre et du nord de l’Argentine, en raison de son climat plus frais et de sa latitude plus élevée. Le vin rouge est élaboré avec succès en Patagonie sous le nom de cabernet sauvignon, malbec, merlot, pinot noir et, là encore un cépage star méconnu dans son bordelais natal, le carménère. Les vins de chardonnay, gewurztraminer, sauvignon blanc et riesling représentent le mieux la fraîcheur du climat de la région. C’est au milieu du XIXe siècle que les premiers cépages français sont introduits au Chili, avant que n’en soit interdite l’exportation. Mais il semblerait que les conquistadors faisaient déjà pousser de la vigne bien avant cela. Car il est vrai qu’au Chili toutes les conditions sont réunies pour ce type de plantation : climat tempéré, quatre saisons bien distinctes et une terre fertile. La qualité des vins chiliens fut récompensée de nombreuses fois, mais c’est surtout l’ouverture sur les marchés extérieurs qui lui a valu sa notoriété et en a fait le premier exportateur de vins d’Amérique latine.
Bière. Mais en Argentine comme au Chili on ne refuse jamais une cerveza (bière) et les microbrasseries fleurissent en Patagonie. Les meilleures de la région sont Sholken Negra (El Calafate), Tropera (Coyhaique), Bagules (Puerto Natales près de Torres del Paine) et plus d’une douzaine de micro-cervezerias distinctes dans la seule ville de Bariloche. On retrouve même la brasserie Beagle, à Ushuaïa. Sinon parmi les autres bières locales – souvent très légères – on retrouve la Quilmes.
Alcools forts. D’origine italienne le Fernet-Branca est très populaire en Argentine. Cette liqueur herbale est généralement mélangée avec du Coca-cola et beaucoup de glaçons. Côté chilien, le pisco sour est considéré comme la boisson nationale. Ce cocktail est préparé à base de pisco, brandy de raisin, de citron, de sucre et parfois d’un blanc d’œuf. La boisson a été popularisée au Chili, bien que ce soient les Péruviens qui aient inventé le pisco sour.