L'apéritif
Vous démarrez à Thouars autour d'un Duhomard, vin aromatisé créé en 1926 et depuis décliné en trois variantes : rouge (gentiane, écorces d'orange douces-amères), blanc (gentiane, quinquina, orange, cacao) et cerise. Le voyageur de commerce Emile Diacre met au point cet apéritif reconstituant en souvenir d'une farce : en 1922, alors qu'il fait bombance à la traditionnelle pêche-banquet de Massais, le susnommé s'endort pour découvrir à son réveil, planté à son hameçon, un superbe homard cuit rouge passion. L'incongru crustacé fera mouche, attirant à Massais des centaines de badauds les éditions suivantes... Initiez-vous à la liqueur d'angélique, produite à Niort depuis le XVIIe siècle, obtenue par macération des graines et des tiges dans du Cognac : en cocktail, assortie de vin blanc et de tonic, ou plus soft, coupée de jus de pommes artisanal. Sa belle robe vert acidulé, son goût suave et piquant provoqueraient une réaction sans équivoque : l'on aime ou l'on déteste pour la vie !
Faites couler en avalant une belle part de farci poitevin, mets lui aussi racé. Mais qu'est-ce donc ? Une terrine de chou assaisonnée d'herbes du jardin (persil, ciboulette, cerfeuil...) et de légumes-feuilles saisonniers (épinards, blettes, oseille...). Ajoutez de beaux morceaux de porc dans l'échine et de lard avant d'amalgamer, faites cuire longuement au pot dans un bonnet d'étamine et le tour est joué. Sachez qu'il existe autant de recettes que de cuisinières, bien que cette spécialité du pays Civraisien soit moins couramment confectionnée maison : comptez une grosse journée de préparation, sinon sur toutes les charcuteries du Poitou et des Charentes. A déguster froid ou rapidement snacké (possiblement en entrée) sur une tranche de pain grillé généreusement tartinée de beurre d'Echiré AOP. Depuis 1894, les maîtres beurriers de la coopérative laitière deux-sévrienne veillent sans concession au respect du protocole de fabrication : savante maturation et barattage de la crème dans des tonneaux de teck, ceux-là mêmes qui lui confèrent cette onctuosité si appréciée des restaurateurs étoilés. Cette spécialité de La Mothe-Saint-Héray se déguste en réalité du petit déjeuner au goûter, traditionnellement en tranches : la fouace, sorte de pain brioché encensé par François Rabelais dans Gargantua. Apanage des fouaciers à partir de 1292, la plus renommée d'entre elles fut produite à Bagnault pour finalement tomber en désuétude après 1918. Aujourd'hui, et depuis 1902, une seule boulangerie mothaise détient la très secrète formule de l'authentique fouace rabelaisienne, jalousement promue par la confrérie éponyme : La Mie paysanne. Une part de fouace grillée accompagne admirablement un foie gras, du saumon fumé ou encore un chèvre chaud. Une version haut de gamme fera le bonheur des palais fins, agrémentée de copeaux de truffe noire... Vos drôles (enfants, en patois) s'en réjouiront nature, au beurre, à la confiture ou encore saupoudrée de fruits : « c'est viande céleste manger à desjeuner raisins avec fouace fraîche » (Gargantua, 1534).
Les entrées
Saviez-vous que la Vienne est le premier producteur français de melons ? Délice aussi frais que sucré du Haut-Poitou qu'il faudra apprendre à choisir – s'il est estampillé IGP, que son parfum est convaincant et que le pécou se décolle, vous êtes tombé sur un grand cru. Quant à la craquelure, elle vous indique le degré de maturation du fruit. A déguster par ici avec une pointe de sel. On le partage froid ou réchauffé accompagné d'une salade verte, souvent en entrée mais pas que : découvrez la star locale, addictive gourmandise salée, le pâté de Pâques poitevin. Plat de fête printanier, comme son nom l'indique, cette tourte à la viande doit sa saveur inédite à ses œufs durs entiers (souvent coupés en deux), aux quatre-épices, aux champignons et à son trio de viandes poulet-lapin-porc – les grandes maisons l'agrémentaient d'une viande fine, les ris de veau par exemple, et de salsifis. Voici un conseil de pro : trop de porc tue l'ambiance, si bien qu'il sera presque impossible de retrouver le vrai bon goût de celui de Mémé chez... le charcutier.
Les plats
Les amateurs de délices carnés partiront en road trip à travers les Deux-Sèvres en quête de la meilleure pièce de viande bovine parthenaise qui soit ! La filière se développe au XIXe siècle alors que le phylloxéra anéantit le terroir viticole, poussant les producteurs de Cognac à se reconvertir dans la vache laitière (d'où le beurre des Charentes) : on compte jusqu'à 1 million de têtes de bétail. Les années 1950, la mécanisation et le retour de la vigne sonnent le glas de la parthenaise qui ne reviendra pas sur le devant de la scène avant les années 1980, époque à laquelle cette race tout à faire convainc éleveurs et gourmets tant sa viande est fine, tendre et juteuse. N'importe quelle table deux-sévrienne vous servira assurément une pièce top qualité.
Vous partez en Marais poitevin ? Faites-vous appâter par un gratin d'anguille coulonnaise, sinon préparée en bouillure. Autrefois typique de la cuisine de ménage, notamment en fricassée, l'anguille, aujourd'hui raréfiée, constitue un mets de grand raffinement. Sublimez l'expérience gastronomique en l'accompagnant d'un Sauvignon Haut-Poitou, vin blanc assez rond.
Dans la Vienne, offrez-vous une pièce d'agneau IGP Poitou-Charentes, sinon de Diamandin-Label Rouge. Le chevreau (appelé également bicot ou cabri) égaye les tables, en pleine saison début mai. Vous serez étonné de découvrir une viande blanche et moelleuse, similaire à celle d'un gallinacé, traditionnellement rehaussée d'aillet et d'oseille. On vous le servira cuit au four (plus particulièrement l'arrière-train) ou sauté à la cocotte, déglacé au Sauvignon, voire mouillé au pineau des Charentes. La cuisine poitevine est très métissée, car empreinte d'influences saintongeaises et vendéennes : cagouilles, moules frites au pain ou mojettes pourraient bien compléter votre menu...
Les fromages
Des fouilles archéologiques menées à Pamplie ont révélé des ossements caprins vieux de plus de 5 000 ans. On rappelle aussi que la France doit sa place de premier producteur européen de lait de chèvre au cheptel néo-aquitain et, entre autres contributeurs, au Poitou : c'est dire si la bestiole est indissociable du terroir ! Tout un patrimoine culturel que vous découvrez à la Maison des fromages de chèvre de Celles-sur-Belle. Parmi les dizaines de spécialités fromagères, vous remarquez le Mothais sur feuille, apparu en Poitou méridional, nommé en référence à La Mothe-Saint-Héray. Ce chèvre à pâte molle, onctueux, est confectionné à base de lait frais, entier et cru mis lentement à égoutter sur une feuille de châtaigner exclusivement cueillie brune puis séchée (plus récemment sur une feuille de platane) : ce procédé, autrefois celui de la paysanne, lui confère sa douce texture. Vous connaissez sans aucun doute le chabichou du Poitou AOP, maître incontesté des plateaux de fromages, de forme tronconique (ou de bonde, pièce de bois qui obturait les tonneaux). Le caillé est moulé dans une faisselle dont le fond est estampillé CdP : cette marque, bien que difficile à discerner après affinage (au moins 10 jours), distingue le vrai chabichou d'une contrefaçon.
Les desserts et confiseries
Vous concluez les agapes avec la plus célèbre spécialité sucrée locale, le broyé du Poitou, galette dure obtenue d'un simple appareil de farine, d'œufs, de beurre et de sucre (le véritable tour de main réside dans la cuisson, pas si facile à rater, pas si facile à réussir) et décorée à la pointe d'un couteau. La pâtisserie se veut conviviale : elle est brisée d'un coup de poing avant d'être présentée en brisures sur un plateau. Elle faisait par ailleurs office de galette des Rois. Le broyé industriel ou artisanal, nature, aux noix, à l'angélique confite ou encore parfumé à la fleur d'oranger (version favorite de Robuchon) est un must : vous le trouvez absolument partout. Sa forme, sa croûte brûlée et son goût distingué en font l'autre monument de la pâtisserie poitevine : l'immanquable tourteau-fromagé, tourterie (gâteau, en patois) composée de chèvre frais et d'une pointe de vanille. Dans le temps, chaque famille possédait son moule en terre : on y étalait une pâte brisée, versait l'appareil puis enfournait jusqu'à gonflement optimal et brûlure volontaire de la croûte. Traditionnellement présentée durant les mariages ou à Pâques, cette curiosité, toujours très appréciée, se consomme désormais toute l'année certes en dessert, mais aussi au petit déjeuner ou au goûter. On précise que tourteau-fromagé fut le nom de code choisi par Radio Londres pour communiquer avec la Résistance deux-sévrienne. Avis à tous ceux qui apprécient la fraîcheur digestive d'un fruit : croquez dans une pomme reinette Clochard, variété ancienne de garde (5-6 mois à la cave) créée à Secondigny, en Gâtine. Enfin, vous le retrouvez un peu partout en France sous d'autres appellations, le mijet, soupe de vin agrémentée de pain sec. Il était courant de l'adoucir de fruits en conserve, cerises au sirop par exemple. A ne pas confondre avec chabrot (on fait chabrot), fin de soupe diluée au vin.
A l'heure du café, on se laissera attendrir par cette petite merveille de rocher au cœur tendre : le macaron de Montmorillon. Le biscuit, mis à la mode au XVIe siècle par Catherine de Médicis, fera la renommée de la petite ville à partir de 1811 de même que sa recette traditionnelle – poudre d'amande, blanc d'œuf, sucre –, celle des sœurs Chartier et de leur apprentie Marie Métivier. Recette que cette dernière transmettra à sa fille Madeleine, épouse Rannou. L'anecdote compte car la biscuiterie familiale Rannou-Métier, détentrice d'une formule inchangée depuis 150 ans, est la plus ancienne gardienne de ce savoir-faire. Pour en savoir plus, rendez-vous toute l'année au musée du Macaron à Montmorillon (www.museedumacaron.com).