Des espèces animales emblématiques
Vous le croiserez au moins une fois en vous étonnant de son pelage laineux et de son gabarit, le baudet du Poitou, race d'âne introduite au Xe siècle. Elevée jadis pour l'hybridation mulassière, l'espèce manque de disparaître après 1945 : en 1977, on ne comptait plus que 44 individus ! Sauvé in extremis par les Haras nationaux et l'asinerie expérimentale de Dampierre-sur-Boutonne (17), le baudet est reconverti en animal de bât et d'attelage, voire de selle. Cet oiseau fréquentait assidûment les grandes plaines céréalières de l'Ouest avant que l'agriculture intensive ne détériore son environnement : l'outarde canepetière, quoique extrêmement difficile à observer, reconnaissable à son long cou noir et blanc. Le farouche râle des genêts, migrateur nichant au sol, fut mis en danger par la fauche précoce ; en Poitou, il a su trouver refuge auprès du bocage, véritable corridor biologique. On ne peut qu'admirer leur port de tête et leur vol flegmatique (de loin, car leur ouïe est très sensible) : six espèces de hérons se partagent ciels et berges du Marais poitevin, dont le héron pourpré, chasseur crépusculaire particulièrement hardi. Sa silhouette trapue, son bec et sa huppe orangés le distinguent de ses pairs : le héron garde-bœufs, oiseau des pâtures, s'épanouit auprès du bétail dont il raffole glaner les parasites. Un cortège d'autres bestioles emblématiques vous accueille en Marais poitevin, à commencer par l'anguille d'Europe, malheureusement considérée comme exposée au risque d'extinction. Le poisson se reproduit en mer des Sargasses, au large des Antilles, pour migrer vers le continent : les civelles, ses alevins – mets follement coûteux et soumis au braconnage, s'efforcent ensuite de remonter les cours d'eau. On précise que le PNR du Marais poitevin, pionnier en matière de passes à civelles, contribue largement à la sauvegarde de l'espèce de même qu'à l'un de ses grands prédateurs : la loutre d'Europe, qui compte ici une centaine de très discrets spécimens – observer ce petit mammifère relèvera du miracle. Un lot de consolation vous attendra peut-être : ses épreintes rosées à l'odeur de miel et de coquillage... Ce coléoptère xylophage apprécie les milieux humides, la tendresse des bois de hêtre et de frêne dépérissant : la rosalie des Alpes, objet elle aussi d'une protection rapprochée. Impossible de se méprendre au regard de ses longues antennes tachetées et son inhabituelle robe bleu cendré. Sachez enfin que certaines rivières poitevines faiblement polluées ont conservé leur intégrité faunique. C'est le cas du Salleron, où s'épanouissent des colonies de cistudes d'Europe – tortue endémique noire tachetée de jaune et à la carapace vert olive. Idem du côté de la Boutonne, où vous contemplez lamproie de planer, écrevisse à pattes blanches, chabot, triton et salamandre tachetée au-dessus desquels planent cuivré des marais, papillon aux ailes orangées piquées de noir, et busard des roseaux.
Une flore remarquable
Le Poitou fera le bonheur des orchidophiles, qui se délecteront d'observer l'orchis à fleurs lâches, très répandue, à la jolie couleur violet-fuchsia et au labelle fortement plié, ainsi que sa cousine l'orchis des marais, beaucoup plus rare. Et ce n'est pas tout ! Une quarantaine d'espèces d'orchidées s'entrecroisent en effet dans la Vienne, sauvageonnes apparaissant au hasard d'un jardin public, sinon dans leur environnement naturel, la pelouse sèche (rendez-vous dans la vallée des Buis, à Buxerolles, près de Poitiers, sinon à Pamproux, dans les Deux-Sèvres) : orchis bouc (à l'odeur pestilentielle, aimant à pollinisateurs), ophrys abeille, sérapia à labelle allongé, épipactis rouge sombre et ophrys jaune évoluent auprès d'une flore d'affinité méditerranéenne, comme l'astragale de Montpellier (rose) et la sabline des chaumes (blanche). Pas si forestiers mais généreusement arrosés, les deux départements comptent de belles vallées alluviales richement boisées. Ecosystèmes majoritairement feuillus où vous rencontrez chêne (pédonculé, sessile, pubescent, vert, tauzin), châtaignier, peuplier blanc, aulne glutineux, charme commun. Ces sols humides accueillent plusieurs sortes de fougères, dont les très communes fougère aigle (la plus grande de son espèce, mesurant jusqu'à 2 mètres) et osmonde royale, prêle des champs, fossile vivant âgé de quelque 250 millions d'années, et lycopode officinal (deux espèces médicinales), ou encore isoète épineux, beaucoup plus rare, protégé à échelle nationale. Ces arbustes assez communs jouent pourtant un rôle écologique fondamental : genévrier, laurier-tin, chèvrefeuille commun, houx, aubépine, sureau noir maintiennent température et humidité du sol nécessaires à la survie d'autres espèces. Véritable monument depuis le Xe siècle, ses vertus médicinales vantées par l'archange Raphaël, l'angélique officinale, lorsque vous la croisez sauvage, surprend par sa taille (jusqu'à 2,5 mètres de haut), la largeur de ses ombelles vert pâle (si elles sont blanches, il s'agit de l'angélique sylvestris, moins aromatique). L'élégante reine des prés colonise elle aussi berges humides et tourbières, reconnaissable à ses fleurs blanc-jaunâtre très parfumées. Aromatisant naturel, elle possède de puissantes propriétés anti-inflammatoires, antalgiques, sudorifiques et diurétiques. Alors que vous randonnez au mois de mars, et que vous vous apprêtez à traverser une prairie humide, traquez la gracieuse (et toxique) fritillaire pintade, autrefois très répandue, chaque année très attendue par les randonneurs-botanistes deux-sévriens. Enfin, les cueilleurs de champignons trouveront ici de quoi s'occuper : au printemps, le Poitou s'enorgueillit d'excellents coins à morille, tandis qu'à l'automne vous ramassez coulemelle, amanite des césars, cèpe, trompette-des-morts et autre chanterelle. S'il n'est pas question de vous révéler l'emplacement des meilleurs spots, on ne vous laissera pas sans quelques indices : rendez-vous au pied de châtaigniers et des chênes de Gâtine, autour de Secondigny (79) ; dans le nord de la Vienne autour de Châtellerault et de Bonneuil-Matours.