Un pays en transition religieuse
Très présente et très pratiquée jusqu’aux années 1970, la religion catholique est toutefois actuellement en perte de vitesse, notamment chez les jeunes citadins. Ainsi seuls 22,7 % des Espagnols déclarent aller à la messe et se confesser régulièrement. L’Église, qui a longtemps bénéficié d’une grande audience, perd aujourd’hui son influence sur la vie quotidienne des fidèles. En 2019, 16,8 % de la population se déclare sans religion et 13,3 % athée. Un phénomène inédit se révèle alors : la somme des non-croyants, soit 29,1 % dépasse celle des pratiquants, soit 22,7 %. Les autres religions sont très peu représentées (à peine 3 % revendiquées).
Notons que ces chiffres varient en fonction des provinces espagnoles. Ainsi, la Rioja compte plutôt près de 40 % de pratiquants, tandis que le Pays basque se révèle très peu religieux. Les analystes attribuent ces différences notamment à la modernité et à l’industrialisation de chaque région. Les communautés les plus multiculturelles et urbanisées présentent ainsi une baisse significative de l’appartenance religieuse.
La conception de la laïcité espagnole diffère de celle que l’on connaît en France. Citons deux grandes différences : en Espagne, si l’on se marie à l’église, on n’a pas besoin de repasser devant le maire ; et le gouvernement continue à verser des millions d’euros chaque année à l’Église catholique, argent qui sert à la rémunération des prêtres et à l’entretien des édifices. Le vote d’une loi réduisant le poids de la religion dans l’enseignement, en 2006, a marqué une rupture et a rencontré l’opposition de l’Église et du PP (Parti populaire), déjà opposés au mariage des homosexuels. Le cours de religion, jusqu'alors obligatoire à l’école et décisif pour l’accès aux classes supérieures et universitaires, devient alors optionnel. Cependant, en 2013, le gouvernement de Mariano Rajoy vote une nouvelle réforme de l'éducation qui replace la religion au centre du débat. Désormais, les élèves doivent choisir entre les cours de religion ou de « valeurs culturelles et sociales », ou les deux.
Un calendrier rythmé par la religion
Au Pays basque, comme partout en Espagne, de nombreuses festivités sont d’origine religieuse. Après s’être terminée sur Noël, l’année recommence religieusement avec notamment les Défilés des Rois mages, le 5 janvier, qui envahissent les rues des grandes villes d’Espagne – les Rois mages demeurent une institution dans tout le pays et bien souvent, les enfants reçoivent un petit cadeau le soir de Noël, mais attendent l'arrivée des Rois mages pour recevoir un gros cadeau. Les Semana Grande de Bilbao et Saint-Sébastien célèbrent, elles, la montée au ciel de la Vierge Marie, de manière très festive, avec des concerts, des courses de taureaux et des rues remplies de monde pendant une dizaine de jours autour du 15 août. Les fêtes patronales sont également très nombreuses : le 20 janvier, c’est la Tamborrada, fête du Saint patron de Saint-Sébastien et 24h de concerts ; au mois de juillet, les Sanfermines à Pampelune rendent hommage au saint patron de la ville Firmin ; chaque village fête ainsi son Saint patron, réunissant musiques, danses, gastronomie et activités locales.
Saint-Ignace de Loyola, saint patron des Exercices spirituels
Né en 1491 dans le château de Loyola, à Azpeitia (Guipuscoa), Íñigo grandit au sein d’une famille de la noblesse basque. Orphelin à quinze ans, il rejoint la cour de Ferdinand d'Aragon, puis devient secrétaire au service du trésorier de la reine de Castille, Isabelle la Catholique. À trente ans, durant le siège de Pampelune, il est blessé par un boulet de canon et perd pendant un temps l’usage de ses jambes. Lui qui rêvait d'exploits militaires se retrouve cloué au lit, la lecture d’ouvrages religieux devient son passe-temps. À la fin de sa convalescence, il se convertit et décide de faire un pèlerinage jusqu’en Terre sainte, à Jérusalem. Il passera par plusieurs sites emblématiques, comme le sanctuaire de la Vierge à Arantzazu, la montagne de Montserrat, puis la ville de Manresa – où il reste un an, priant dans une grotte. Au cours de cette période d’ermite, il commence la rédaction des Exercices spirituels. Il part ensuite à Barcelone, puis Gaète et Rome, qu’il rejoint à pied et sans argent, avant d’arriver, enfin, à Jérusalem, le 4 septembre 1523. Pendant les dix ans qui suivent, il étudie la philosophie, le latin et la théologie en Espagne. En parallèle, il prêche auprès des étudiants et partage son expérience de l’ascèse avec des « exercices spirituels » vus d’un mauvais œil par l’Inquisition. Il se voit alors obligé de fuir à Paris pour se protéger. Là-bas, il séduit les foules, qui se passionnent pour sa foi et sa dévotion au Seigneur. Le 15 août 1534, à l’issue d’une messe célébrée dans la crypte du Martyrium de saint Denis à Montmartre, le petit groupe de dévots prononce les vœux de chasteté et de pauvreté, et s’engage à rejoindre Jérusalem pour se consacrer à la gloire de Dieu. En chemin, les compagnons sont obligés de s’arrêter à Venise, car la guerre les empêche de poursuivre leur route. Ignace, comme la plupart de ses compagnons, est ordonné prêtre à Venise le 24 juin 1537. Après l’ordination, le groupe d’amis se disperse dans le nord de l’Italie pour prêcher et enseigner la doctrine chrétienne en attendant de pouvoir poursuivre la route vers Jérusalem. Ignace prend la direction de Rome pour se mettre au service du pape. Le 27 septembre 1540, le pape Paul III approuve cette « Compagnie de Jésus » et ordonne à ses membres de rester à Rome pour continuer leur mission. Ainsi, Ignace et ses compagnons abandonnent le projet de se rendre à Jérusalem pour se consacrer à leur travail apostolique. Ignace est élu premier Père général de son ordre en 1541. Il consacrera le reste de sa vie à la rédaction des constitutions de l’ordre et fera officiellement reconnaître les Exercices spirituels par le pape. Le 31 juillet 1556, Ignacio meurt à Rome à l’âge de 65 ans. Il est canonisé le 12 mars 1622 par le pape Grégoire XV, en même temps que son grand ami François Xavier. Aujourd’hui, deux sanctuaires espagnols sont consacrés à Ignace de Loyola : l’église de Gésu à Rome et le Sanctuaire-Basilique de Loyola à Azpeitia. Le Sanctuaire accueille régulièrement des pèlerins – notamment autour du 31 juillet, jour de la fête de Saint-Ignace-de-Loyola.