En milieux subarctiques et polaires
Qui dit Sibérie, dit Grand Nord. Tout le long des côtes septentrionales, des zones arctiques à subarctiques, vous vous trouvez en toundra. Permafrost (cette couche de glace permanente et parfois très profonde), étés éclair et hivers aux températures polaires favorisent l’éclosion d’une végétation rase et extrêmement résistante. C’est-à-dire majoritairement des plantes herbacées (jonc, fougère) et graminées, des mousses, des lichens et des arbrisseaux, telles que les airelles, les bruyères ou les rhododendrons (très consommé en infusion, le sagan-dayla est reconnu pour son action tonique). La pluviométrie, certes rare, varie d’une région à l’autre, donnant naissance à des environnements plus ou moins secs à tourbeux. D’où la présence de spécimens d’arbres minuscules et rampants, tels que le saule polaire/arctique (2-9 cm de hauteur) ou le bouleau nain (1 m maximum). Au printemps, on y observe diverses fleurs, dont l’oxytrope de Maydell (jaune) et la Pyrola grandiflora (rose à rougeâtre).
Ils sont nombreux à paître dans ces régions de l’extrême : le bœuf musqué, le renne, l’élan. Côté carnivores, on aperçoit entre autres le renard bleu (ou polaire), le loup et, fendant les airs, le harfang des neiges, ce grand rapace blanc aux yeux jaunes. En bord de mer, peut-être aurez-vous la chance d’admirer le phoque, le morse (toujours plus impressionnant qu’on ne l’imagine, avec ses 1 000 kg et ses 4,10 m de longueur) et leur grand prédateur, l’ours polaire. À l’est, dans les îles Aléoutiennes et au Kamtchatka, la loutre de mer pullule grâce à sa fourrure, qui lui permet de naviguer en eaux froides presque en continu. Les mers de Béring, d’Okhotsk et du Japon, certes froides, bénéficient d’un peu de chaleur venue du Pacifique. Au croisement de ces courants, krill et plancton abondent, rendant les parages particulièrement poissonneux. Grands cétacés (orques, baleines), salmonidés (saumon, kijoutch) et gadidés (navaga) y prolifèrent, de même que le hareng ou le flétan. Attention dans la mer du Japon au crabe royal. C’est le crustacé par excellence, flamboyant par bien des aspects. Sa taille (1,5 m d’envergure), son poids (10 kg), sa couleur rouge et… son prix (environ 250 €/kg) font de lui un mets très recherché. Il est d’ailleurs à l’origine d’un incident écologique d’envergure : extrait de son habitat naturel dans les années 1960, il s’est répandu jusqu’en Norvège, écosystème où il n’a aucun prédateur. Vous le dégustez frais à Vladivostok (en Extrême-Orient et dans d’autres régions se tient chaque année le festival Attrape ton crabe, « ДЕРЖИ КРАБА », organisé par des dizaines de restaurateurs. En octobre).En forêt
À perte de vue ! La taïga est un immense anneau de verdure qui court en discontinu tout autour du globe, dans la partie septentrionale de l’hémisphère nord. Cette zone forestière, dite aussi boréale, occupe une grande part de l’espace russe, de l’Oural jusqu’à l’Extrême-Orient. C’est là la spécificité de la Sibérie, où vous êtes confrontés à non pas une, mais quantité de taïgas, aux climats, paysages et écosystèmes hétérogènes. La taïga se distingue par un climat continental plus ou moins rude : elle évolue sur des sols humides à gelés en permanence (permafrost), à l’enneigement plus moins important et à la période de gel plus ou moins longue (jusqu’à -25 °C en moyenne). L’été y est plus ou moins chaud (jusqu’à 30-35 °C), période durant laquelle la taïga se renouvelle naturellement sous la forme d’incendies spectaculaires. 2018 fut l’année de tous les records, avec la destruction de 3,2 millions d’hectares de forêt, conséquence d’un été plus chaud et plus long.
En Sibérie, qui dit taïga dit d’abord résineux. Pins, sapins, épicéas, cèdres se dressent en majorité, entrecoupés de feuillus (bouleaux et aulnes). Dans cet ensemble règne, impérial, le mélèze (50 m de hauteur et 1 m de diamètre pour les spécimens les plus anciens), qui jaunit et perd ses aiguilles en hiver. Aussi le voyage automnal vaut-il le détour : la taïga est saupoudrée d’or. On trouve d’autres essences endémiques, plus clairsemées : le chêne séculaire, le peuplier, le noyer de Mandchourie, le charme de Mongolie, les érables blancs, noirs et jaunes, les bouleaux de fer et japonais.
À l’est du fleuve Ienisseï, en Sibérie orientale, la taïga s’éclaircit. Le mélèze de Dahurie prolifère, une essence qui bat tous les records. De latitude, d’abord (jusque dans la vallée de la Khatanga, kraï de Krasnoïarsk), et de résistance au froid (répertorié au nord de la Iakoutie/République de Sahka). Toujours en Iakoutie, vous remarquez une taïga moins dense, à l’intérieur de laquelle le soleil pénètre. Lichens, champignons (lactaires, bolets, amanites entre autres), herbes médicinales et baies y prolifèrent, comme les myrtilles, les airelles rouges et des marais, les framboises. D’autres taïgas se distinguent du modèle boréal classique. La taïga feuillue de l’Altaï, par exemple, composée d’épicéas, de pins, de trembles et entrecoupée de clairières tapissées de hautes herbes (jusqu’à 2 m de hauteur). Surtout, en Extrême-Orient, la taïga d’Oussouri, avec ses airs de jungle luxuriante. Ici, on observe putiers d’Asie, acacias jaunes, jasmins, églantiers, myrtes, aubépines, rhododendrons, fruitiers (dont des abricotiers) ; autour des troncs serpentent pois champêtres, solanacées de Perse et vignes de l’Amour ; des espèces géantes, comme l’if vivace d’Extrême-Orient (10 m de haut ; 1 m de circonférence), ou le peuplier (25 m de haut ; 4,5 m de circonférence). Fougères, iris, campanules, muguets ou jusquiame noire (fleur toxique contenant des alcaloïdes, associée aux rituels chamaniques) habillent les sous-bois.
À l’intérieur de ces forêts profondes se cachent petits et grands mammifères. La liste a de quoi faire rêver : animaux à fourrures (zibelines, hermines, lynx, loups ordinaires et rouges, qui ont fait la fortune des premiers comptoirs sibériens, comme Irkoutsk), ours, antilopes, rennes, cerfs, élans, sangliers, gloutons, porte-musc de Sibérie, putois, chiens viverrins (en amont des fleuves Amour et d’Oussouri, en milieux humides ; également nommés chiens muets de l’Oussouri) entre autres ! L’Extrême-Orient se distingue également pour sa faune, puisqu’il dissimule bien des bestioles rares, presque légendaires... Parmi elles, le léopard et le tigre de l’Amour, évoluant à l’état sauvage dans les kraïs de Khabarovsk et du Primorié. 300 kg, jusqu’à 4 m de longueur, Sa Majesté, longtemps décimée, est protégée depuis 1936.
Ils sont nombreux à se croiser dans les airs : grues, gélinottes, oies, canards, cygnes, tétra. Tout là-haut, l’aigle royal, dit Kamtschatica, survole son territoire de chasse. Vous l’avez sans doute repéré, car son envergure est exceptionnelle (jusqu’à 2 m entre les ailes et un poids de 10 kg) : agile, il pique, les serres déployées, vers des proies de tailles variables, du rongeur au jeune cerf ! C’est l’une des grandes figures mythologiques vénérées en Bouriatie, dont il est l’un des totems (vous en apercevez une multitude de représentations dans l’île d’Olkhon). Au cœur des taïgas sombres, et également en Sibérie orientale, se cache un étrange oiseau sédentaire, le dikoucha (Falcipennis Elliot). Ses particularités ? Outre sa taille (jusqu’à 40 cm), il se cache en forêt pour échapper à ses prédateurs… sans pour autant fuir à l’approche d’un visiteur.
Connaissez-vous le nerpa ? Il s’agit de la plus petite espèce de phoque ; elle évolue sur tout le bassin du lac du Baïkal, particulièrement dans les îles Ouchkani au mois de juin. Amateurs de pêche (et de poisson), comptez sur plusieurs espèces endémiques et… savoureuses : golomyanka (poisson de profondeur, de petite taille, il est composé à 45 % de graisse. Il se mange frit), ombre (fumé, grillé), taïmen, truites (certains spécimens mesurent jusqu’à 1,9 m), esturgeons, brochets, lavarets et bien sûr omul, supposément interdit à la pêche, mais que l’on trouve sur toutes les tables. Pour déguster du poisson frais de qualité, rendez-vous au marché central de Listvianka, station balnéaire très fréquentée par les citadins d’Irkoutsk. Ne passez pas à côté du sagudaï, spécialité locale à base de poisson cru, d’oignons, de sel et de poivre.
Pour finir, la taïga se veut le repaire d’insectes piquants. Guêpes, taons, œstres, araignées et surtout tiques sont particulièrement virulents. Lors de vos promenades en forêt, même proches de la ville, couvrez-vous intégralement : chaussettes, chaussures fermées, manches longues et pantalons.
En steppe
Changement d’ambiance. La steppe ceinture en discontinu la majorité du sud de la Sibérie, de l’Oural à l’Extrême-Orient. Elle est interrompue par la chaîne de l’Altaï et les monts Saïan, entre le fleuve Ienisseï et le sud-est du lac Baïkal. Ce troisième environnement se compose de prairies, brousses et savanes tempérées, c’est-à-dire d’immenses territoires herbeux dépourvus d’arbres. Ici aussi la pluviométrie dépend des régions, donnant naissance à des paysages variés tels que la steppe arborée (frontalière avec la taïga) et la steppe buissonnante entre autres. Ni particulièrement aride, ni a priori humide, la steppe est un univers instable, au climat continental adouci, mais avec une amplitude thermique assez phénoménale entre l’hiver et l’été. La steppe est un milieu ouvert, environnement qu’on explique par des phénomènes naturels : des feux de forêt estivaux, destructeurs, mais nécessaires, qui empêchent la formation d’arbres ; la prolifération de troupeaux sauvages ou d’élevage. Vous la traversez par exemple sur la route de l’île d’Olkhon, à partir du village d’Yelancy, où le paysage change brutalement ! Ouvrez les yeux : au loin, on apercevra une harde de chevaux, élevés pour la viande. Beaucoup plus rares, elles sont pourtant bien là, les gazelles à goitre, gazelles à queue blanche et antilopes saïga. Parmi les cervidés, on retrouve le cerf élaphe, le cerf sika et le chevreuil de Sibérie, plus grand que son cousin européen. Ses bonds peuvent atteindre 15 m ! La steppe est le terrain de prédilection de nombreux rongeurs, les marmottes de Sibérie (sud de l’Oural) et grises (Altaï), le lièvre variable, le pika, cet amusant petit rongeur aux oreilles rondes. Hamster russe, gerboise, lagurus, et rats-taupes, étranges rongeurs souterrains et aveugles, constituent eux aussi le peuple (invisible) de la steppe. Le loup et le renard en sont les principaux prédateurs, de même que la grande outarde, en voie de disparition. À propos des oiseaux, donc, les grandes steppes sibériennes sont survolées par la grue demoiselle, blanche et noire, plus petite que la grue (vous entendez son cri, très puissant, s’il est porté par le vent, à plus de 2 km), le tadorne casarca, le vanneau sociable (espèce d’échassier très menacée), l’aigle royal, l’aigle des steppes, le faucon sacre (qui nidifie en Sibérie) ou l’étonnant étourneau roselin, au, comme son nom l’indique, plumage en partie rose. Enfin, au sud-ouest de la Sibérie occidentale, à l’intérieur des prairies verdoyantes, circule une créature fantastique : la karakourt, cette araignée noire, aux treize points rouges sur le dos. Méfiez-vous, elle est aussi belle que venimeuse. Sa piqûre peut être fatale aux animaux et aux hommes.