Découvrez Russie - Sibérie : Le Transsibérien

Indissociable du voyage en Russie, le Transsibérien fait rêver des millions de globe-trotteurs. Il en a d’ailleurs inspiré plus d’un, dont Blaise Cendrars et Joseph Kessel. Inaugurée en 1916, cette ligne de chemin de fer de 9 288 km relie Moscou et Vladivostok en six à sept jours. Il ne s’agit donc pas d’un train, mais d’un réseau ferroviaire tentaculaire grâce auquel il est très facile de se déplacer en Sibérie, jusqu’en Chine via la Mongolie. Sur le quai, alors que les mécanos font sonner la machine pour en vérifier l’état, ces quelques notes sibyllines vous préviennent de l’imminence du départ. À bord, dès votre installation, expérimentez la convivialité transsibérienne. Faites comme les autres : installez vos petites affaires, créez vos habitudes, partagez vos victuailles, causez comme vous pouvez, laissez-vous aller à la contemplation des paysages en sirotant votre thé. En attendant d’arriver…

Le train de tous les records

L’aventure transsibérienne commence dans les années 1860 avec l’idée d’unifier et de consolider l’intégrité du territoire sibérien. Il faut attendre le règne d’Alexandre III pour qu’un projet se concrétise ; en 1883, la construction de la ligne Ekaterinbourg-Tioumen démarre, le train va enfin franchir l’Oural ! Imaginez ces ingénieurs envoyés dans une Sibérie vierge et sauvage, avec pour mission de déterminer le meilleur tracé. Ces études, qui vont redessiner les routes commerciales, auraient d’ailleurs fait l’objet de pots-de-vin… Le tsar confie la conduite des travaux à son fils : en 1891, le futur Nicolas II pose la première pierre à Vladivostok ; le chantier a aussi commencé à l’autre extrémité de la ligne, à Ufa. Kilométrage, prouesses techniques, durée et conditions de travail, investissement financier : le chantier du Transsibérien est celui de tous les records. En 25 ans, 7 500 km de rails, 3 500 gares, dépôts et infrastructures sont bâtis sur des territoires de l’extrême, entre autres zones de permafrost, reliefs escarpés, zones marécageuses, fleuves gigantesques. Parmi ces exploits, la percée des 212 km du Circumbaïkal, littéralement arrachée à la montagne, qui contourne le lac Baïkal (ligne Irkoutsk-Oulan-Oudé. À emprunter de jour en train classique ou à vapeur, afin de profiter du panorama sur le lac). À mesure que les travaux avancent et que les trains circulent, la Sibérie sort (enfin) de son isolement. Elle connaît un boom démographique et économique spectaculaire. De nouvelles villes sortent de terre, comme Novo-Nikolaïevsk en 1893, devenue Novossibirsk et aujourd’hui 3e ville de Russie. Le train a aussi ses avantages stratégiques : alors que l’empire est en crise, Nicolas II peut se déplacer à vitesse grand V ; pendant la Grande Guerre, il assure aux troupes miliaires un système de ravitaillement et de repli. Surtout, il facilite les échanges commerciaux avec la Chine. Il consolide même l’alliance franco-russe contre l’Empire austro-hongrois et l’Allemagne en échange d’un crédit et l’implication des usines Eiffel, qui fournissent des éléments métalliques de gros œuvre. À l’époque soviétique, le réseau transsibérien est considérablement déployé, plusieurs républiques socialistes y sont raccordées. On y fait rouler des convois toujours plus puissants et rapides (pour en savoir plus, visitez le musée du Rail de Sibérie occidentale de Novossibirsk). Les révolutions industrielles et culturelles sont en marche ; des milliers de personnes sont ainsi déplacées par les autorités, outre les fameux prisonniers du goulag, car il s’agit aussi de « soviétiser » chaque parcelle de territoire. De nos jours, même s’il est considéré par beaucoup de Russes comme une épreuve, il n’en demeure pas moins pratique (trajets réguliers, accessibilité des gares, etc.), pas cher, donc très populaire !

Les différentes lignes

Il en existe quatre, sur lesquelles de nombreux trains circulent – les plus célèbres, et plus rapides, sont les trains dits Rossiya 001 (au départ de Vladivostok, circule les jours pairs) et 002 (au départ de Moscou, jours impairs). Les compagnies ferroviaires russes (les RJD ou RZD) en sont le principal propriétaire/exploitant. Les lignes transsibériennes relient de nombreuses villes russes et étrangères, ainsi que des réseaux ferrés annexes. De ce fait, vous n’achetez pas un seul billet de Transsibérien, mais un à plusieurs trajets, c’est-à-dire autant de billets que nécessaire pour arriver à destination. Vous attrapez et quittez le train où vous voulez, dans le sens de votre choix, dans la limite de vos visas (russe et autres).

Ligne Moscou-Vladivostok : le Transsibérien, 9 288 km. Comprend d’autres itinéraires, dont la boucle Moscou - Kazan.

Oulan-Oude-Oulan-Bator : le Transmongolien, inauguré en 1950, 2 080 km. Trains directs Moscou - Oulan-Bator.

Chita-Beijing : le Transmandchourien, 2 536 km, mis en service en 1903. La Chine en est le principal opérateur. Trains directs Moscou - Beijing.

Baïkal-Amour Maguistral : le BAM, 3 834 km, mis en service en 1984, au départ de Taïchet jusqu’à Sovietskaïa-Gavan (ville portuaire de Khabarovsk, Extrême-Orient russe).

Plusieurs trains de luxe (et privés) circulent sur ces lignes. Décor, confort, restauration et programmation touristique avec guides francophones, tout y est 5-étoiles : le Golden Eagle, www.goldeneagleluxurytrains.com ; l’Or des tsars, www.train-or-des-tsars.fr ; le Russie impériale (depuis 2014, opéré par les RJD/RZT, www.train-russie-imperiale.fr). Enfin, depuis 2013, des projets de construction de nouvelles voies (dans l’Altaï, par exemple) et d’agrandissement de la ligne BAM (le BAM-2).

L’achat des billets

Il a été considérablement simplifié ces dernières années : le train circule à l’heure de Moscou, mais les billets sont depuis peu vendus en heures locales. Vous les prenez au fil de votre voyage. Attention, certains tronçons sont moins régulièrement desservis, d’autres sont très fréquentés en été : réservez un peu en avance (surtout autour du lac Baïkal et sur la ligne du Transmongolien). Il peut être impossible de réserver un trajet sur Internet pour le jour même, car les billets sont émis et distribués aux horaires d’ouverture des bureaux moscovites. Il est 9h à Irkoutsk, vous décidez de réserver le train de 14h30 pour Oulan-Oude ? Chou blanc, puisqu’il est 4h du matin dans la capitale.

Trois options s’offrent à vous :

La plus simple, en ligne, sur www.russianrailways.com (le site international des RJD/RZT) et www.russiantrain.com. Ces sites sont traduits en français et en anglais ;

La plus onéreuse, via une agence de voyages, en France ou en Russie. Elle se charge de tout, en fonction de votre itinéraire ; vous n’avez plus qu’à monter à bord ;

La plus aventureuse (et moins chère) : en gare, en vous aidant d’un traducteur en ligne si vous ne maîtrisez pas le russe. Arrivez en avance, car les gares sont assez vastes.

Les prix varient selon les sites de réservation (parfois plus chers sur les sites étrangers), la date, les trains, la durée du trajet et la classe. À titre (très) indicatif, le trajet Irkoutsk/Oulan-Oude dure 9 à 8h. Il peut coûter entre 125 € (train Rossiya 002, 1re classe, couchette) et 17 € (train 362N, 3e classe, siège simple) par personne. Tous ces éléments vous sont précisés dès lors que vous avez indiqué votre trajet. En gare, le prix descend à 8 €.

Les 3 classes

Quelle que soit votre méthode de réservation, vous avez le choix entre trois classes. Vous l’avez compris, vous ne bénéficierez pas des mêmes conditions de voyage. Pensez également que certains trains sont encore dans leur jus… La 1re classe (ou business) : voiture spalny vagon (SV). Compartiment 2 places (mixte ou non), 2 banquettes + 2 couchettes + 1 cabinet de toilette. Selon la durée du trajet, plusieurs repas et collations sont inclus. Draps, serviette et goodies (pantoufles, brosse à dents, etc.) fournis. Pour la 2e classe (plusieurs catégories) : voiture kupe. Compartiment 4 places (mixte ou non), 2 banquettes transformables + 2 couchettes supérieures (moins chères, car vous ne pouvez pas vous y asseoir) + 1 prise électrique. Toilettes communes (2 par voiture). Selon la durée du trajet, plusieurs repas et collations sont inclus. Draps, serviette et goodies (pantoufles, brosse à dents, etc.) fournis. Et enfin la 3e classe : voiture platskart. Compartiments ouverts 4 à 2 places, 2 sanitaires. Pas de repas. Draps + serviette fournis ou achetables en voiture (sur les sites russes, les draps sont inclus). Essayez de réserver les couchettes inférieures, plus confortables (et un peu plus chères). Vous voyagez à deux ? Réservez les deux couchettes d’un même côté : ainsi, la journée, vous partagerez la même banquette. La 3e classe est ce dortoir légendaire, extrêmement convivial !

La vie à bord

Avant le départ. Vous dormez au moins une nuit à bord ? Jouez-la comme un local ! Préparez-vous un sac d’appoint : tenue confortable, paire de claquettes, nécessaire de toilette, frontale, prise multiple (en 3e classe, on s’arrache les prises électriques pour recharger les smartphones) et surtout des espèces, pour régler vos extras (terminaux CB pas toujours disponibles ; les Russes payent majoritairement avec leur téléphone). Embarquez des provisions : thé ; café, soupes et nouilles lyophilisées ; produits du marché ; eau. Depuis récemment, les légendaires babouchkis, vendeuses ambulantes de pirojkis, de fruits et autres poissons fumés, n’ont plus accès aux trains (officiellement, loi antiterrorisme). Imprimez vos billets, gardez votre passeport à portée de main : vous les présenterez à votre provodnitsa, le (ou la) chef de voiture, avant de grimper à bord.

Pendant le trajet. Laissez-vous guider par la provodnitsa, casez vos bagages puis changez-vous (en 1re et 2e classes, on vous laisse le compartiment). La provodnitsa est à la fois votre cheffe et votre alliée (elle garde les étrangers à l’œil) ! Elle distribue les draps, vous explique comment déplier la banquette (pour qui dort dans la couchette du haut, une petite échelle pliante vous permet d’y accéder), vous colle une amende si vous fumez entre deux wagons. Elle fournit des extras : couverts, tasse (le podstakannik, que vous pouvez acheter à bord, moyennant 1 300 RUB environ). Elle vend également du thé, du café, et quelques vivres (chips, confiserie, eau, etc.). Mais elle ne parle que rarement anglais… À propos des boissons, à l’entrée du wagon se trouve le samovar, réserve permanente d’eau chaude en libre-service. À propos des arrêts : une affichette (traduite en anglais dans les Rossiya) vous indique les heures d’arrivée en gare et les temps d’arrêt à quai, parfois en heure de Moscou. Certains arrêts durent plus de 15 minutes : profitez-en pour vous ravitailler ou fumer (autorisé), mais ne vous éloignez jamais, même pour visiter une belle gare (celle de Novossibirsk, vert pétant, est somptueuse). En 2e et 3e classes, deux WC et leur mini lavabo sont à votre disposition (toilette de chat parfois acrobatique). Évitez les embouteillages et les sanitaires salis en vous levant aux aurores. Sinon, attendez le ménage de la provodnitsa (fin de matinée). Sachez qu’elle existe, la légendaire douche (mais pas dans tous les trains) ! Dites « douche » à la provodnitsa (même mot en russe), elle saura vous guider jusqu’au bon wagon. Il faut la réserver en avance (créneau chaque demi-heure ; 150 RUB) : on vous présentera un planning, à vous d’indiquer votre heure ! Enfin, vous avez accès à un wagon-restaurant (souvent… vide).

En partant. Défaites votre lit et rendez les draps à la provodnitsa. N’oubliez rien… Pour qui souhaite acheter ses billets en gare, profitez de vos arrivées pour prendre le trajet suivant. Une dernière astuce : les gares sont équipées de salles de repos avec lits dans lesquels vous pouvez dormir. Une nuit en gare peut s’avérer beaucoup plus abordable (et aventureuse) qu’à l’hôtel. Explorez cette option à l’occasion !

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