Vie quotidienne
Le futur enjeu de la Russie, et par extension de la Sibérie, est démographique : les statistiques montrent en effet qu’entre 1960 et 2018 la croissance démographique a chuté de 101 %. Et, selon les estimations les plus fiables, le phénomène n’a pas l’air de s’inverser (-25 % d’ici à 2025). Le taux de natalité confirme la tendance : 12,9 naissances pour 1 000 habitants en 2017, contre 12,28 d’ici six ans. Pourtant, la famille reste bien la préoccupation majeure des sociétés russes en général (et non pas le niveau de vie) : le mariage garde la cote, quoiqu’il ait lieu un peu plus tard. Vous le remarquerez au cours de vos excursions citadines, particulièrement si vous flânez au bord de l’eau : tout l’été, un nombre incalculable de jeunes mariés organisent tout autant de shootings photo. Si la femme version 2020 ne lésine pas sur sa carrière et son épanouissement personnel, elle demeure le maître de la maison (et des enfants). C’est encore généralement elle qui cuisine, qui prend soin de la maisonnée.
À propos des enfants. L’école (les établissements scolaires ne portent pas le nom d’un personnage historique célèbre, mais un numéro, de même que les pharmacies. Une tradition héritée de l’époque soviétique) est obligatoire de 7 à 16 ans. Ce droit à l’instruction et à sa gratuité est inscrit à l’article 43 de la constitution, c’est-à-dire à partir de la 1re classe élémentaire (l’école maternelle, facultative, prépare les 3-6 ans aux enseignements généraux) jusqu’à la 9e. La 11e finalise le cursus d’enseignement secondaire, avec l’examen ЕГЭ et l’obtention d’un diplôme (enseignement général et autres activités. En Sibérie, les élèves pratiquent bien sûr les sports d’hiver, notamment le patin à glace et le hockey). Les études supérieures sont elles aussi gratuites dans les universités d’État, par ailleurs très qualitatives et très équipées (le campus de Krasnoïarsk, récemment agrandi, est éléphantesque. Les tours, de construction récente, abritent une majorité de résidences étudiantes).
À propos de la santé. Le système russe fonctionne sur la base d’une liste de soins gratuits, financés par le gouvernement et les régions, et la souscription obligatoire d’une complémentaire santé, financée par les cotisations salariales et patronales. Les soins pris en charge sont déterminés par l’État (par exemple s’ils sont conséquents d’un accident). Il n’existe pas de médecine libérale en Russie : vous consultez en hôpital public et structures privées sur rendez-vous (ces dernières prodiguent des soins de bien meilleure qualité, mais bien plus chers). L’une des particularités de la Russie : le marché de la contrefaçon pharmaceutique y est… florissant.
À propos du niveau de vie. C’est un fait, les salaires russes sont très inférieurs aux revenus français. Cela dit, en Sibérie, même dans une grande ville, le coût de la vie reste abordable. À Novossibirsk (3e ville de Russie, 1re ville de Sibérie), vous achetez avec 15 RUB, du pain ou un trajet en tramway ; 50 RUB, un peu plus de 1 litre d’essence ou de diesel ; 70 RUB, une course minimale en Uber® ; 250 RUB, un repas dans une stolovaya ou une entrée au théâtre philharmonique ou un billet pour un match de la Ligue nationale de hockey ; 660 RUB, une carte Sim et 5G de crédit (et vous aurez du réseau partout, pour un bon moment) ; 900 RUB, une entrée dans un banya public haut de gamme (forfait 3 heures) ; 2 500 RUB, un dîner au très chic restaurant La Maison (sans la boisson), à partir de 7 980 RUB, un billet de train pour Vladivostok. Sachez que tous ces biens de consommation sont payables en ligne ou avec votre téléphone.
À propos du tout numérique. En 2020, en Sibérie, pratiquement toutes vos dépenses s’organisent et se payent via votre smartphone ou Internet. D’abord, vous bénéficiez du wifi partout (attention, vous n’y avez accès qu’après avoir fourni un numéro de téléphone russe. Par exemple à l’aéroport). Ensuite, sont extrêmement populaires en Sibérie : WhatsApp® (hyper pratique pour organiser une excursion avec un guide, par exemple), Instagram®, Yandex® (le Google® version russe), Yandex.Maps® (le meilleur moyen de trouver comment vous rendre à tel point), VKontakte® (ou VK, le Facebook® russe, beaucoup plus populaire que son équivalent américain). Révolue l’époque où on hélait un taxi dans la rue ! Désormais, vous le commandez via une appli (plusieurs opérateurs de taxi, nationaux ou locaux, voir dans les fiches pratiques), système d’une efficacité redoutable. Au supermarché (et même au marché, beaucoup de commerçants sont équipés), dans n’importe quelle boutique, dans le train – en résumé partout, le consommateur lambda paye avec son téléphone. Idem avec la CB, même pour de très petites sommes. Pour qui reste attaché à la bonne vieille monnaie, sachez que les ATM ne manquent pas. Sauf peut-être dans les lieux très isolés et, curieusement, dans l’île d’Olkhon, pourtant assaillie de touristes. Au cas où, gardez toujours du cash avec vous.
Économie, sciences & high-tech
La Sibérie est un hub économique florissant, largement exploité à l’époque soviétique. Depuis 2014, cet héritage, sous bien des aspects délabrés, est revalorisé. Les anciennes coopératives, métamorphosées en géants industriels de pointe à capitaux publics et privés, s’ouvrent aux investisseurs étrangers (dont français) : agriculture (15 % de la production russe, particulièrement céréales, élevage, pomme de terre, betterave), pêche (2/3 des prises en Extrême-Orient), filière bois (la Russie dispose de 1/4 des réserves mondiales, dont la grande majorité se trouve en Sibérie), extraction minière et transformation (pétrole/gaz, nickel, aluminium, or, diamant, charbon, sel et gisements rares), énergie (le réseau hydro-électrique est tentaculaire), biens de consommation, électronique, armement, aéronautique, aérospatial entre autres filières lucratives, positionnées dans le top 5 mondial. D’anciennes villes secrètes (autrefois non cartographiées et numérotées) ont été transformées en sites de recherche internationaux (comme Krasnoïarsk-45, devenue Zelenogorsk, qui enrichit 15 % de l’uranium utilisé dans le monde). Dans la vallée de la Tounka (rive méridionale du lac Baïkal), célèbre pour ses paysages montagneux majestueux et son ambiance mongole, à Tibelti, village hors du temps, se cache une station de radioastronomie ultra moderne : le radiotélescope Badary, inauguré en 2005, parabole géante de 32 mètres, et sa chaîne de 236 antennes (ses sous-sols labyrinthiques sont légendaires) spécialisée dans l’observation de l’activité solaire. Enfin, c’est en Sibérie occidentale que se trouve la plus grande cité scientifique de Russie : Akademgorodok. Fondée en 1958 au cœur de la taïga, elle offrait aux scientifiques un espace de liberté presque sans limites – seul laboratoire d’URSS autorisé à travailler sur la génétique, la cité n’a par ailleurs jamais été fermée. Des dizaines d’instituts de toutes les disciplines sont réunis ici (par exemple l’Institut de chimie des corps durs et de mécano-chimie, qui mène des travaux sur la valorisation des déchets issus des filières agroalimentaires et bois), de même que l’université d’État de Novossibirsk. Depuis les années 2000, son Technoparc constitue l’une des plus performantes plateformes IT de Russie, surnommée la « Silicon taïga ». Amateurs de sciences (ou pas), ne manquez pas de visiter cette ville forestière (une vraie, avec ses 130 000 habitants, ses bistros et son resto gastronomique) que n’importe quel autochtone de la région vous décrira comme un monde à part. À une trentaine de kilomètres de Novossibirsk, accessible en train ou en bus, à proximité de la mer de l’Ob.
Tourisme
C’est une excellente nouvelle pour les voyageurs : depuis juin 2019, S7 Airlines (compagnie aérienne sibérienne, qui couvre tout le territoire, 3e compagnie russe) opère quatre liaisons directes entre Saint-Pétersbourg et Irkoutsk par semaine. En moins de 6h (et 5h de décalage horaire, donc techniquement ce déplacement ne vous prendra que 1 heure), vous atteignez le centre de la Sibérie et la périphérie du lac Baïkal ! Cette nouveauté est symptomatique d’une industrie du tourisme en plein boom. Le tourisme professionnel, d’abord, car les nombreux centres d’affaires et industriels, qui multiplient les campagnes de communication, attirent à eux les acteurs (et les ressources) étrangers. Krasnoïarsk, premier producteur d’aluminium, organise chaque année le Congrès international des métaux non ferreux. Cette information a son intérêt : gare aux voyageurs qui s’y arrêtent autour du 20 septembre, les hôtels sont full en cette période ! Le tourisme privé, ensuite. Ces dernières années, la Sibérie est devenue la destination no 1 du voyageur chinois (d’où le développement de l’aéroport Baïkal international, situé à Oulan-Oude). À Irkoutsk et en périphérie du lac, vous remarquez les innombrables restos asiatiques (chinois, coréens, souvent très bons et authentiques), la signalétique et autres brochures touristiques systématiquement traduites en mandarin. Cible n° 2 : le touriste européen, attiré par le légendaire Transsibérien. Notez qu’Iekaterinbourg, Irkoutsk et Khabarovsk battent chaque année des records de fréquentation (Irkoutsk, 600 000 habitants, 1,6 million de visiteurs en 2018). Le voyageur russe, quant à lui, est déjà un habitué. Dans cette optique, beaucoup de spots n’ont pas encore adapté leurs outils aux globe-trotteurs étrangers (les musées de Krasnoïarsk, par exemple, ne proposent que de rares contenus en anglais). Bien des lieux et des activités, très faciles d’accès pour un Russe, sont encore difficiles (voire impossibles) à trouver si l’on ne lit pas le cyrillique. Compte tenu des politiques gouvernementales en matière de tourisme menées depuis les Jeux olympiques de Sotchi (2014), les opérateurs locaux se préoccupent d’enrichir leurs offres. C’est dans ce cadre que depuis cinq ans différentes villes ont bénéficié d’un toilettage (le centre-ville d’Oulan-Oude, par exemple). La création d’une plateforme numérique globale et propre à la Sibérie est par ailleurs en projet.