Les produits du marché
Malgré des hivers généralement rudes, la Sibérie est suffisamment vaste et le climat assez varié pour fournir à ses habitants les produits les plus divers. Bien que cette région soit cultivable seulement sur une petite portion de son territoire, son immensité compense le faible nombre de parcelles cultivées. On y produit ainsi – notamment à proximité de l’Asie centrale et plus particulièrement du Kazakhstan – du blé, de l’orge, du seigle, ainsi que des pommes de terre et autres légumes racines (carottes, navets, betteraves, etc.). Les Russes raffolent en effet des légumes salés marinés au vinaigre (tomates, concombres, oignons, etc.). Une bonne méthode de conservation, notamment en hiver. Les carottes, navets, pommes de terre et choux sont largement utilisés pour des plats longuement mijotés. Les marchés regorgent également d’herbes aromatiques, de la coriandre au persil plat en passant par l’aneth.
Les champignons sont eux aussi extrêmement populaires, poussant en abondance dans les forêts de conifères à perte de vue qui couvrent une grande partie de la Sibérie. Beaucoup des variétés cueillies dans la nature sont quasiment inconnues en France. Séchés ou préservés dans de la saumure, les champignons peuvent aussi être cuits directement : en ragoûts, sautés, rôtis ou en soupe.
On trouve sur les marchés à peu près tous les fruits communs dans le reste de l’Europe et, en été, des vendeurs proposent des pastèques à chaque coin de rue. Les Russes sont également de grands amateurs de baies, souvent cueillies dans la nature, et dont on fait traditionnellement des conserves pour l’hiver, notamment dans les zones rurales. Parmi les autres fruits rouges appréciés, on retrouve bien sûr les airelles, les sorbes, les myrtilles, les fraises dont les fraises sauvages, les mûres de ronce, la plaquebière (mорошка) ressemblant à une framboise orange, ainsi que les groseilles rouges ou encore les groseilles à maquereau, très acides que l’on consomme surtout en confiture. Sans oublier évidemment les framboises dont la Russie est le premier producteur, contrôlant environ un quart de la production mondiale.
Le mot syr (сыр, fromage) est mentionné pour la première fois dans les chroniques de Kievan Rus, mais fait référence au tvorog (tворог, ou cottage cheese). Le fromage à pâte dure n’est apparu en Russie qu’après le voyage de Pierre le Grand à travers l’Europe et notamment en Hollande, d’où il a ramené non seulement du fromage, mais aussi des maîtres fromagers. La production de fromage à l’échelle industrielle en Russie ne commence cependant qu’à la fin du XIXe siècle. Parmi les spécialités, citons le kostroma (Костромской сыр) ou le pochekhonié (Пошехонский сыр) deux fromages au lait de vache à pâte cuite, à 45 % de matière grasse, proche du gouda. Le tilsit (tильзитер) est également fabriqué avec du lait de vache avec une teneur en matière grasse entre 30 et 60 %. Le sovietsky (Советский) est un fromage de l’Altaï au lait de vache pasteurisé, fort répandu depuis les années 1930 dont le nom se traduit par « soviétique ». Il bénéficie pourtant d’une appellation protégée depuis 2011. Historiquement, la Sibérie est une grosse région productrice de produits laitiers et notamment de beurre, alimentant une grande partie du pays au début du XXe siècle, même si sous le régime soviétique et surtout après la chute de l’URSS, l’industrie laitière s’est déportée progressivement plus à l’ouest.
Le caviar, produit international
Enfin, impossible de parler de produits russes sans évoquer le plus prestigieux de tous : le caviar (Икра). Selon la législation, seuls les œufs d’esturgeon peuvent prétendre à cette appellation. Spécialité de l’Empire russe – mais également produit en Iran et dans une moindre mesure en Ukraine et en Roumanie – il est historiquement issu de poissons pêchés en mer Caspienne et en mer Noire, même si aujourd’hui 90 % des esturgeons viennent d’élevages. Extraits avec délicatesse, les œufs sont ensuite lavés et salés, ce qui permet de les conserver bien sûr, mais va aussi relever leur goût. La révolution russe a d’ailleurs forcé les producteurs de ce mets de luxe à émigrer en Europe de l’Ouest. Ce qui explique pourquoi les maisons Petrossian et Kaspia furent fondées à Paris respectivement en 1920 et 1927, mais aussi pourquoi on produit aujourd’hui du caviar en Aquitaine.
S’il est tentant de vouloir rapporter du caviar russe dans ses bagages, abandonnez toutefois l’espoir de trouver un excellent produit à bas prix. Bien qu’il soit un peu moins cher qu’en France, le caviar reste – même en Russie – un mets de luxe. Un produit trop bon marché risquerait soit de ne pas être confectionné à base d’œufs d’esturgeon (souvent remplacé par du saumon), soit d’être mal travaillé et donc peu goûteux. Le terme béluga (белуга), ossetrina (осётрина) ou sevruga (севрюга) désigne simplement différentes espèces d’esturgeons. Le béluga est un poisson qui peut atteindre 7 m de long pour plus d’une tonne. Il met jusqu’à 15 ans pour pouvoir se reproduire d’où sa rareté exceptionnelle et son coût mirobolant, environ 10 000 €/kg.Les basiques de la cuisine russe
Bien que la Sibérie possède ses propres spécialités influencées à la fois par les natifs sibériens et par ses voisins d’Asie centrale, on retrouve malgré tout un grand nombre de recettes russes classiques, typiques de celles de Russie occidentale. Un repas en bonne et due forme en Russie commencera traditionnellement avec des zakouski (закуски). Ces hors-d’œuvre très variés comprennent entre autres viande froide, charcuterie, œufs mimosa, poisson salé ou fumé (du hareng, du saumon, de l’esturgeon, etc.), œufs de poisson (caviar ou œufs de saumon), des crustacés ainsi que différents types de salades à base de tomates, de concombres, de pomme de terre ou encore de carottes. Les légumes et les champignons marinés sont très populaires comme les cornichons malossol (малосольные) parfumés à l’aneth ou les tomates en saumure (солёные помидоры). Le tout est souvent servi sur des canapés de pain de mie ou des blinis (блины).
Parmi les entrées communes en Sibérie, on ne peut pas passer à côté de la salade Olivier (салат Оливье). Son nom lui vient de Lucien Olivier, chef belge du célèbre restaurant moscovite L’Ermitage, qui créa dans les années 1860 cette salade à base de pommes de terre, de carottes, de cornichons et de petits pois agrémentée de mayonnaise. Attention, en Russie si vous commandez de la vinegret (винегре́т), il ne s’agit pas d’un assaisonnement, mais bien d’une salade, à base de betteraves, pommes de terre et carottes. Le très coloré « hareng en fourrure » (seledka pod chouboy, cельдь под шубой) est une entrée populaire composée de harengs recouvrant de nombreuses couches de légumes (pommes de terre, betteraves rouges, etc.), la betterave colorant en violet la mayonnaise qui nappe ce plat délicieux. Autre recette à base de poisson, le très simple hareng au miel (seledka s modom, cеледка с мёдом) où le poisson marine quelques heures avec des oignons, du sel, du citron et un soupçon de miel. Réservé à des amateurs aguerris le kholodets (холодец) est une préparation plus connue en France sous le nom d’aspic, réalisé à base de viande cuite (porc ou volaille généralement) figée avec des petits légumes dans une quantité plutôt conséquente de gelée. Souvent, les entrées sont accompagnées de pain. Deux sortes sont généralement proposées : le pain blanc au froment (belyy khleb ou белый хлеб) classique et le pain noir de seigle (tchiorny khleb, ou чёрный хлеб) souvent un peu aigre et légèrement sucré à la fois.
La soupe, mets phare
Comme dans les autres pays d’Europe de l’Est, les soupes tiennent une place très importante. Fumantes en hiver et rafraîchissantes en été, elles sont une composante indispensable du repas et souvent le plat unique pour la majorité des Russes. La soupe au riz et aux pommes de terre ou les simples bouillons de poulet ou de bœuf, parfumés de légumes et d’herbes, sont servis avec des pirojki. La plus connue de toutes les soupes russes et sans doute le bortsch (Борщ). À l’ouest, on connaît principalement le bortsch rouge (krasnyy borshch, красный борщ) à base de bouillon de bœuf, chou rouge et betteraves, le tout parfumé d’une foule d’herbes aromatiques. Mais il existe d’autres variétés comme le bortsch vert (shchavel, щавель), à base d’oseille, sans betterave. Une cuillère de crème aigre (smetana, cметана) avant la dégustation adoucit le bortsch et le rend plus onctueux. Il existe également un bortsch froid (kholodnik, xолодник) contenant de la betterave précuite, du concombre, de l’aneth et du kéfir (lait fermenté). Parmi les autres soupes on peut citer le chtchi (Щи) aigre, à base de choucroute, de légumes et de viande ou encore l’oukha (Уха), à base de poisson, accompagnée de pommes de terre et parfumée au laurier. Très proche, la solianka (Солянка) est une soupe épicée à la choucroute, contenant également de la tomate, des câpres et des olives. En été, essayez l’okrochka (Окрошка), une soupe froide à base de kéfir, de légumes précuits, de jambon ou de viande cuite, le tout généreusement assaisonné d’aneth.
La viande et le poisson, une place de choix dans la culture de l’Est
Les viandes les plus consommées dans le pays sont le porc, le mouton, l’agneau et la volaille. Le bœuf est plus rare et considéré comme une viande de choix. Facilement disponible pendant les périodes plus pauvres et connu pour sa longue conservation, le corned-beef (tushonka, тушёнка en russe) est très prisé. Côté charcuterie on retrouve notamment l’immanquable kolbasa (колбаса) – similaire aux saucisses d’Europe de l’Est ou d’Allemagne – avec une farce très fine. Elle est largement consommée, dans les salades composées, au petit déjeuner et au dîner. Elle remplace souvent la viande dans les foyers modestes. Le terme est cependant générique et on observe de nombreuses variantes avec une farce plus ou moins fine, fumée ou avec au sang comme notre boudin noir. Le lard (salo ou сало), qui ne contient quasiment que du gras en Russie, est servi en entrée en tranches très fines avec du pain et se consomme, en hiver principalement, avec de la vodka. Il est parfois frit, accompagné de pommes de terre ou cuit pour aromatiser un bouillon.
Les poissons se présentent frais, fumés (à froid ou à chaud) ou séchés. Saumon, esturgeon, brochet, carpe, sandre ou encore thon sont les espèces les plus communes. Le vobla (вобла, ou « gardon de la Caspienne ») est un poisson consommé salé et séché généralement avec une bière ou un verre de vodka. On retrouve également divers crustacés et fruits de mer comme les écrevisses que l’on pêche pendant tout l’été. Elles sont souvent grillées avec de l’aneth et vendues telles quelles sur les bords des routes.
Pour le plat de résistance, qui n’est pas forcément un plat unique, les Russes aimant les tables abondamment garnies, il se compose souvent d’une viande rôtie ou grillée, de boulettes, de poisson ou de poulet garni. Ces plats sont accompagnés de riz, de pommes de terre à l’eau ou frites, parfois de sarrasin. Pour ne citer que quelques recettes, on pourrait commencer par le fameux bœuf Stroganov (бефстроганов) un ragoût de bœuf agrémenté de champignons dans une sauce à la crème aigre, à la moutarde et au paprika, faisant honneur à la prestigieuse famille Stroganov. Invention franco-russe, le veau Orloff (Мясо по-французски) est un rôti traditionnellement garni d’un mélange de champignons et d’oignons avant d’être nappé de béchamel et gratiné au four, bien que les versions modernes contiennent aussi du bacon et du fromage. Très nourrissant, le poulet à la Kiev (kotlety po kievski, Котлеты по-киевски) est une recette de blanc de poulet fourré de beurre aux herbes, puis pané et frit. Les pirojki (Пирожки) sont des beignets de pâte brisée, farcis généralement de viande. Enfin le galoubtsy (Голубцы) n’est pas sans rappeler le dolma grec même si en Russie les feuilles de chou remplacent les traditionnelles feuilles de vigne, que l’on farcit d’un mélange de viande de bœuf hachée crue, d’oignons et de riz. Les petits paquets ainsi obtenus sont cuits à la vapeur ou au bain-marie, et se dégustent avec de la crème fraîche.
Les spécialités sibériennes
En raison de son immensité, la Sibérie présente diverses influences. Au sud-ouest, la proximité avec le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan offre des saveurs à la fois asiatiques et perses. Cette région est connue notamment pour sa culture tatare. Le thé, les nouilles et les raviolis – comme les mantis (манты) farcis de viande d’agneau – d’origine chinoise rencontrent les fruits secs et le riz long grain rentrant dans la confection de nombreuses recettes de riz pilaf (plov, Плов), que l’on garnit ici d’agneau, de volaille, de légumes ou encore d’abricots secs et de pistaches. Le porc – dans cette région à dominante musulmane – est quasi absent. On lui préfère le mouton, l’agneau, la volaille et bien sûr le cheval, consommé par les nomades des steppes depuis des millénaires, qui sert à préparer le qazı (казы-карта), un assortiment de découpes de viande de cheval bouillie. Malgré les hivers rudes, les étés assez chauds permettent la culture de nombreux légumes : carottes, concombres, navets, tomates, piments, oignons ainsi qu’une grande diversité de fruits. On retrouve aussi de nombreux pains plats ou des chaussons salés tel que les chebureki (Чебурек), fourrés de viande d’agneau puis frits. Autre plat de viande, aux influences sensiblement orientales, le chachlik (Шашлык) est originaire du Caucase et d’Asie centrale, mais il est devenu incontournable dans toute la Russie. Ces brochettes, traditionnellement d’agneau, mais aussi de porc, de bœuf ou de poulet sont délicatement épicées.
Confectionnés à l’origine par des peuples nomades, les pelmeni (пельме́ни) sont aussi l’un des plats les plus populaires en Russie. Ces gros raviolis cuits traditionnellement à la vapeur sont farcis de mouton, porc, bœuf, champignons ou pommes de terre. Ils sont toujours couronnés d’une noix de crème aigre juste avant de servir. Autrefois, on profitait du glacial hiver sibérien pour congeler naturellement des pelmenis pour tous l’hiver. Aux confins de la Mongolie et notamment dans la République de Bouriatie, certaines spécialités ont des influences plus sensiblement mongoles comme le buuz (Бууза), un type de ravioli vapeur en forme de bourse que l’on farcit de mouton, de bœuf et d’oignon. Citons également le fameux koumis (Кумыс), du lait de jument fermenté au goût puissant ou encore les délicats boortsog (баурсак), de petits beignets très communs souvent servis avec du miel ou de la confiture. On peut également citer le çäkçäk (чак-чак), un dessert composé de brisures de pâte frite que l’on agglomère avec du caramel parfumé au miel.
Autour du lac Baïkal, on pêche l’omoul, un poisson qui est très apprécié une fois salé et fumé. On retrouve également d’autres spécialités typiques souvent propres aux populations natives de Sibérie comme les Yakoutes. Le stroganina (en russe строганина, littéralement « copeaux ») est un plat des peuples indigènes de l’Arctique russe se composant de longues et fines tranches de poisson cru ressemblant en effet à des copeaux. Le sugudai (Сугудай) est une recette de morceaux de poisson cru coupés en gros morceaux, puis assaisonnés et garnis d’oignons, de jus de citron, de beurre fondu, de vinaigre et d’aneth. La salade indigirka (Салат Индигирка) est assez similaire, le poisson étant coupé en petits dés et servi en guise de zakouskis. Certains produits de la région peuvent nous paraître encore plus inhabituels, mais nécessaires à ces populations du Grand Nord, comme les viandes d’ours, d’élan, de phoque ou même de morse, très grasses qui permettaient de subsister tout l’hiver. Entre Vladivostok et la péninsule du Kamtchatka s’étend la côte Pacifique russe connue pour ses eaux très poissonneuses. On y pêche notamment le très renommé crabe royal (камчатский краб), dont le prix peut dépasser les 200 €/kg. L’influence coréenne dans la région est forte et la Russie ne compte pas moins de 150 000 citoyens originaires de la péninsule de Corée dont la plupart vivent dans cette région du pays. Ainsi, la consommation d’algues dans les soupes ou de kimchi (chou coréen fermenté au piment) y est commune.
Les desserts
À part une poignée de douceurs venant d’Asie centrale, la plupart des desserts en Sibérie sont plutôt originaires de l’ouest de la Russie. On s’accommode souvent bien de quelques biscuits comme les prianiki (Пряники), de petits pains d’épices ronds fourrés à la confiture et recouverts d’un nappage en sucre. Ou encore les sushki (су́шки) de simples anneaux croquants au goût léger, que l’on sert pour le thé. Dans les confiseries on retrouve aussi des zefir (зефи́р), de petites meringues moelleuses aux fruits rouges, parfois enrobées de chocolat. Sinon les Russes raffolent de crêpes et autres syrniki (сырники), de petits pancakes très épais au fromage blanc que l’on sert souvent avec de la crème aigre, de la confiture ou de la compote de pomme. À mi-chemin entre boisson et dessert le kissel (кисель) est un jus de fruits rouge légèrement épaissi avec de la fécule de maïs que l’on mange soit en soupe froide, soit comme coulis avec des crêpes.
Il existe des gâteaux plus complexes comme le Napoleon (Наполеон) une sorte de mille-feuille ou le très léger ptichye moloko (птичье молоко) que l’on pourrait traduire par « lait d’oiseau », qui se compose d’une génoise recouverte d’une crème au lait meringuée, le tout nappé de chocolat noir. Le medovik (mедовик) est un gâteau multicouche créé pour l’impératrice Elizabeth Alexeievna au XIXe siècle, composé de couches de biscuit au miel et de crème fouettée. Enfin le muraveinik (mуравейник) ou « gâteau nid de fourmi » est un dessert composé de brisures de biscuits agglomérées avec une crème au caramel et moulé en forme de cône. Gâteau des classes modestes on le retrouve maintenant en pâtisserie.
Pâques est une période très importante pour les 60 millions de Russes orthodoxes. On y consomme deux desserts très populaires. Le paskha (пасха) est connu pour sa forme ressemblant généralement à une pyramide tronquée. C’est un entremets composé principalement de fromage fermier (tvorog), crème épaisse, beurre, parfumé à la vanille et généreusement garni de fruits confits et de raisins secs. Enfin le koulitch (кули́ч) est une sorte de haute brioche cuite dans un moule cylindrique. On la parfume de rhum et de safran, avant d’y ajouter des fruits confits et des amandes. Une fois cuite, elle est couronnée d’un glaçage blanc.
Les boissons chaudes
Et pour déguster tous ces desserts, il y a une boisson chaude envers laquelle les Russes vouent un véritable culte. Le thé (Чай) a une place majeure dans la société russe et le pays est l’un des plus gros consommateurs au monde. Dès 1567, des dignitaires cosaques envoyés par la Russie sont les premiers à goûter du thé lors de leur mission en Chine. Au XVIIe siècle des dirigeants mongols envoient au tsar du thé en grande quantité comme cadeau diplomatique, introduisant à la cour la fameuse boisson chaude qui devint dès lors une marchandise précieuse, transportée depuis la Chine à dos de chameau à travers la Sibérie et l’Asie centrale. Le chemin de fer au XIXe siècle réduit la durée de ce trajet de presque un an à quelques semaines rendant le thé plus accessible.
Le thé, en Sibérie et plus généralement Russie, est traditionnellement préparé dans un samovar, une sorte de double bouilloire où le thé est longuement infusé dans une théière posée au-dessus d’une cuve chauffée où l’eau reste toujours à bonne température. Le thé étant très fort, on remplit sa tasse avec parcimonie et puis on y ajoute de l’eau chaude. Élément central d’un foyer russe, le samovar peut être très simple, mais certains sont de véritables chefs-d’œuvre d’artisanat, ornés de métaux précieux, de porcelaine, de nacre ou même de cristal. Le thé noir est communément consommé dans le pays, mais attention au terme « thé russe », car il a un double sens. En France il désigne un thé noir parfumé à la bergamote, mais l’appellation a aussi une réalité géographique. En effet, dès le XIXe siècle, des botanistes russes essayent de cultiver des théiers dans l’Empire russe et notamment au bord de la mer Noire où le climat doux et humide convient bien à la plante. Bien que le thé noir originaire d’Inde ou du Sri Lanka représente la majorité du thé consommé en Russie, dans certaines parties de la Sibérie notamment dans les régions proches de la Mongolie, on consomme le süütei tsai (cутэй цай), un thé vert que l’on agrémente de lait de jument, de yack ou de chamelle, de beurre et d’un peu de sel. Une boisson riche et consistante pour les hivers glacés.
Au royaume de la vodka
S’il y a un alcool que tout le monde associe à la Russie en un battement de cils, c’est bien la vodka (Водка). Les Russes en usent et en abusent, au point que l’un des premiers actes politiques de Gorbatchev, en 1985, pour remettre le pays au travail, avait été de promulguer des lois limitant la vente de vodka et autres alcools. Mais il n’y gagna qu’impopularité et dû très vite en venir à l’évidence que prohibition et Russie ne font pas bon ménage, bien que la consommation d’alcool ait diminué chez les jeunes générations. La vodka, faite à partir de blé ou de pomme de terre, est traditionnellement un alcool peu coûteux. Les plus raisonnables se contentent d’un ou deux verres par repas (des petites doses de 5 cl environ), mais quand la fête bat son plein, les toasts et les dégustations ne se comptent plus. Ce n’est pas un digestif ou un apéritif, mais elle est généralement bue tout au long du repas. La vodka fournit également l’un des cocktails favoris des Russes : on y met des fruits à macérer (cassis, citron, etc.) qui donnent un goût parfumé au breuvage. La vodka de Vladimir, fabriquée sous la marque Prince d’Argent, est délicatement parfumée et très agréable. La Stolitchnaïa et la Moskovskaïa sont en principe les plus pures, encore qu’il faille être bien sûr de leur provenance. Le must reste la Beluga, produite dans la ville de Mariinsk, au cœur de la Sibérie.
La bière (Пиво), si elle ne détrône pas la vodka, notamment à table, est très répandue et la Russie est le quatrième plus gros consommateur de bière au monde. Les plus grosses brasseries du pays sont Tinkoff et Baltika et les Russes préfèrent souvent les bières blondes, même s’il existe quelques brunes ou blanches de bonne qualité. S’il est évident que la viticulture est impossible dans la quasi-totalité de la Sibérie, le vin (Вино) est de plus en plus consommé en Russie. Il s’agit de crus d’importation originaires des régions de la mer Noire. Ainsi les vins de Géorgie (Khvanchkara, хваншкара et Kinzmaraouli, кинзмараули - les préférés de Joseph Staline) sont les plus populaires. Toutes proportions gardées, le vin reste assez cher en Russie et des vins trop bon marché risquent de vous laisser un mauvais souvenir au réveil. Bien que, durant l’ère soviétique, les vins de mauvaise qualité directement fournis aux coopératives par camions-citernes étaient légion, il y a eu depuis quelques améliorations significatives. Enfin, pour les grandes occasions, la Russie a son champagne « soviétique » (Sovetskoïe champanskoïe, Советское Шампанское), une sorte de mousseux dont le prix peu élevé explique en partie sa popularité. Servi pour les grandes occasions (anniversaires, fêtes, etc.) il est tout à fait acceptable et sa version douce accompagne très bien les pâtisseries.
Parmi les boissons peu ou non alcoolisées, on peut citer le kvas (квас) issu de la fermentation du pain de seigle, donnant une boisson fraîche très légère à moins de 2 % d’alcool que l’on parfume souvent avec des fruits et de la menthe en été. Le mors (морс) est une préparation à base de jus de canneberges agrémenté de jus de citron. Malgré son nom, le kompot (компот) est le nom donné à l’eau de cuisson de fruits (pomme, fraises, pêches, etc.) que l’on sert bien fraîche, même s’il désigne aussi les fruits cuits. Le medovukha (медовуха) est issu de la fermentation du miel. Bien que généralement titrant à environ 5 %, il peut monter jusqu’à 15 %.