Histoire Histoire

De Rurik, premier prince de la Rus’ de Kiev, à Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, 1 157 années se sont écoulées et tout autant de redécoupages géopolitiques, complots assassins, régimes de l’extrême, conflits et traités de paix… L’histoire de la Russie, très complexe, est une véritable saga. Aussi, elle est intimement liée à son expansion territoriale et à la conquête de la Sibérie. Cette « terre de nulle part », gigantesque et tribale, théâtre de grandes aventures, puis « civilisée » en moins de 150 ans. Son nom, aux origines confuses et mystérieuses, incarne l’une des plus importantes entreprises coloniales de l’histoire de l’humanité. Colonisation culturelle, industrielle, pénitentiaire, avec ses épisodes sombres, mais de formidables découvertes, dont on oublie une partie des protagonistes : les nombreux peuples autochtones, dont plusieurs ont disparu, établis dans ces quelque 13 millions de km².

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-40 000

Le Dénisovien vit aux environs de la grotte de Denisova (kraï de l’Altaï). Il est issu de Sapiens et de Néandertal. Ses ossements sont découverts en 2010.

-1000

Domestication du renne

La Sibérie est peuplée d’éleveurs nomades, d’agriculteurs et de chasseurs. Les khanats (royaumes autonomes) apparaissent.

862

Création de la Rus’ de Kiev

Rurik est appelé à Novgorod pour régner sur un territoire contrôlé par des tribus en perpétuel désaccord. Il donne naissance à la première dynastie princière russe : les Riourikides.

988

Baptême du prince Vladimir Ier

Ses relations avec l’Empire byzantin l’amènent à instaurer la religion chrétienne orientale (future orthodoxie) à son peuple. Certains le considèrent comme le fondateur de la Sainte Russie.

1221

Début des invasions mongoles

Gengis Kahn règne. Il déploie son empire, pénétrant en l’actuelle Bouriatie, territoire de Merkits. La steppe et la forteresse de Borbo sont le théâtre de combats sanguinaires dont Gengis Khan sort vainqueur. La steppe est rebaptisée Tugnuï (Bouriatie, district de Mukhorshibir, 118 km au sud d’Oulan-Oude, panorama à couper le souffle).

1236-1480

Domination mongole

Des colonisateurs mongols déferlent au sud de la Sibérie et se déplacent vers l’ouest. La Rus’ de Kiev tombe. Ses principautés sont absorbées par la Horde d’or, un nouvel empire turco-mongol. Celle de Moscou est la plus puissante.

1328 : transfert du siège de l’Église orientale (dite «métropolite») à Moscou sans l’autorisation de Constantinople. L’Église russe prend son indépendance, jusqu’à devenir autocéphale en 1589.

1480 : le prince Ivan III de Moscou déchire, sur les marches de la cathédrale de l’Assomption, le traité de soumission à la Horde d’or. Il refuse de payer le tribut (traditionnellement récolté auprès de toutes les autres principautés). Il formalise l’expulsion des autorités mongoles, qui disparaissent en laissant derrière elles des khanats puissants. Ivan III se dote d’un pouvoir absolu, inspiré des empires romains et byzantins. Ce sont les prémices de l’autocratie.

1597

Mise en place du servage

Un oukase interdit aux serfs de quitter leurs maîtres. 1607 : les maîtres ne peuvent plus libérer leurs serfs. 1649 : la croissance des disparitions est telle que le droit de recherche d’un serf en fuite devient illimité.

1613

Fondation de la dynastie des Romanov

La troisième, la plus longue et la dernière. Élection du tsar Michel.

1652-1667

Réforme de l’Église orthodoxe de Russie

Le patriarche Nikon, dans l’idée d’élever la Russie au rang de Troisième Rome, entreprend de réformer rituels et liturgie de manière à les mettre en conformité avec le culte gréco-byzantin. Les livres liturgiques sont supprimés, traduits, comparés, revus et corrigés. Les rituels, tels que le signe de croix et le nombre d’inclinaisons prescrites au cours de l’office sont standardisés. Beaucoup de fidèles, attaqués dans le fondement de leurs croyances, refusent de se conformer à la nouvelle foi. Ces conflits mènent au raskol (1666-1667) : ils sont des milliers à se séparer du patriarcat de Moscou. Ennemis de l’Église, ces Vieux-Croyants, ou Raskolniki, persécutés jusqu’en 1905, fuient aux quatre coins de la Sibérie et même à l’étranger. Beaucoup s’installent en Bouriatie, fondant entre autres Tarbagataï et Bichura (deux villages traditionalistes à visiter au départ d’Oulan-Oude). Les persécutions reprennent de plus belle à l’époque soviétique jusqu’à cesser définitivement avec la constitution de 1993.

1689-1725

Règne de Pierre Ier, dit Pierre le Grand (1672-1725)

Le monarque a profondément marqué l’histoire de son pays. Il bâtit Saint-Pétersbourg en 1703 (en réquisitionnant prioritairement les Vieux-Croyants, qui meurent en masse sur le chantier), y transfère le pouvoir en 1712 (capitale impériale jusqu’en 1917). 1721 : proclamation de Pierre Ier premier empereur de toutes les Russie (ainsi naît l’empire, qui se substitue à la Moscovie). 1722 : institutionnalisation du système de la katorga (le travail forcé en Sibérie). Les criminels sont systématiquement exilés dans les mines d'argent de Nertchinsky-Zavod (actuelle Transbaïkalie, région de Chita). La Sibérie devient une gigantesque colonie pénitentiaire : entre 1850 et 1890, près de 20 000 prisonniers y sont envoyés chaque année, dont Fédor Dostoïevski (entre autres personnages célèbres). L’homme de lettres rejoint Tobolsk en 1850 (il y rencontre secrètement trois épouses de Décembristes, qui lui offrent une bible, seul livre autorisé au bagne), puis Omsk. Il est libéré en 1854 et n’obtient l’autorisation de quitter la Sibérie qu’en 1859.

En parallèle, outre ses conquêtes militaires et ses voyages en Europe, Pierre Ier se distingue pour ses réformes. Parmi celles-ci : l’application d’un impôt spécial sur le port de la barbe, par ailleurs double pour les Vieux-Croyants (une mesure très impopulaire. Pierre Ier finit par dispenser les ecclésiastiques, incarnations de Jésus-Christ sur Terre) ; interdiction du port du kaftan, au profit du costume dit européen.

1689

Signature du traité de Nertchinsk

Entre la Chine et la Russie. Il met fin à un conflit et redéfinit la frontière : la Russie, qui perd une partie de la région d’Amour, est privée d’un accès à la mer du Japon. En revanche, de nouvelles relations commerciales lient les deux puissances. 1858-1860 : traités d’Aigun puis de Pékin qui établissent une frontière à peu près équivalente à celle d’aujourd’hui.

1701

Publication du Livre des cartes de Sibérie, qui inclut le premier dessin correct du lac Baïkal.

1725

Un original passe l’hiver au bord du lac Baïkal en lieu et place de la future Listvianka, station balnéaire la plus proche d’Irkoutsk.

1730

Ouverture de la route de Sibérie (ou route de Moscou)

Liaison Moscou-Troïtskosavsk (actuelle Kiakhta, en Bouriatie, à environ 250 km d’Oulan-Oude, à la frontière mongole). Extension de la célèbre route du thé, cette voie commerciale stratégiquement située entre la Chine et l’Europe est la plus importante de l’empire. Elle passe par les grandes foires sibériennes : Irkoutsk, Tomsk, Tobolsk, Tioumen, Iekaterinbourg, Perm et fait l’immense fortune des marchands locaux. Jusqu’à l’inauguration du Transsibérien…

1733-1743

Exploration Béring-Müller-Gmelin

Organisée par l’Académie des sciences et de la Kunstakamera (fondée en 1724), c’est la plus longue expédition savante de l’histoire sibérienne. Le navigateur danois, Vitus Béring, découvreur (officiel) du détroit qui sépare la Russie de l’Alaska (1728), prend la direction des opérations. On découvre de nouvelles espèces végétales et animales, mais pas seulement… Ces premières rencontres pacifiques avec les peuples autochtones, et notamment les populations Evenks, qui guident les explorateurs et tracent les premières cartes de la taïga, formalisent les débuts de l’anthropologie moderne. Suivent d’autres expéditions, Tchitchagov (1766-1767), Litke-Wrangel (1820-1824), jusqu’à la Première Guerre mondiale.

1760-1768 : l’astronome français Jean Chappe d’Auteroche, mandaté par l’Académie des sciences, a pour mission d’observer le transit de Vénus. De retour en France, il publie le virulent réquisitoire Voyage en Sibérie, objet d’une réponse tout aussi explosive de l’impératrice Catherine II (Antidote, 1769).

1760

Les propriétaires terriens obtiennent le droit d’exiler leurs serfs en Sibérie.

1765

Le sénat ordonne la diffusion de la pomme de terre. 255 ans plus tard, le tubercule, cuisiné sous toutes ses formes, accède au top 3 des aliments les plus consommés en Sibérie. Vous dégustez le combo kotlet (boulettes de poisson, viande)/purée absolument partout.

1825

Insurrection Décembriste, le 14 décembre, soldée par un échec (voir le dossier spécifique).

1860

Fondation de la ville de Vladivostok. C’est la concrétisation de différents accords passés avec la Chine, qui cède à la Russie la rive gauche de l’Amour jusqu’au Pacifique et la rive est de l’Oussouri.

1861

Abolition du servage

Sous le règne d’Alexandre II, dit le libérateur (1818-1881), 23 millions de serfs sont affranchis. La réforme met quelques années à prendre forme : à chaque paysan, par l’intermédiaire des communes paysannes (les MIR), sont concédés 4 ha de terre cultivable et un droit de rachat. Elle accélère la colonisation de la Sibérie, cette fois-ci par une population libre. L’empire se démocratise : création des zemstvos, assemblées locales élues au suffrage indirect (1864), qui prennent en charge l’enseignement primaire ; séparation du pouvoir judiciaire (la déportation en Sibérie demeure autorisée sur simple décision administrative) ; service militaire obligatoire étendu aux classes supérieures.

La même année, on dénombre 459 compagnies spécialistes de l’or en Sibérie. L’Empire russe est le leader mondial de l’extraction du précieux métal.

1869

Naissance de Raspoutine (1869-1916)

Dans un village sibérien (oblast de Tioumen). Raspoutine est présenté à la famille impériale en 1905, dont il devient un intime. Il s’illustre en prodiguant des soins mystérieusement efficaces au tsarévitch Alexis, hémophile. Il meurt assassiné, après avoir prédit la sombre fin des Romanov et la chute de l’empire. Son autre talent, de 29 cm, participe de sa réputation sulfureuse. Pénis par ailleurs exposé à Saint-Pétersbourg, dans le premier musée de l’Érotisme russe, Le Raspoutine.

1876

Publication de Michel Strogoff

Les aventures du héros de Jules Verne, courrier du tsar Alexandre II, passionnent la France. L’essentiel de l’intrigue se déroule sur les terres hostiles de Sibérie. La même année, Alexandre III décrète la création de l’université de Tomsk, la première de Sibérie. Cette tradition estudiantine fait d’elle une villégiature dynamique (et par ailleurs charmante).

1879

Grand incendie d’Irkoutsk

La ville est défigurée et reconstruite en pierre. Les maisons et immeubles de bois, de style sibérien, y demeurent nombreux. Ils sont aujourd’hui protégés officiellement des spéculateurs fonciers (et des incendies inopinés). Ces maisons sibériennes sont le symbole d’Irkoutsk, faisant de la ville, outre sa proximité avec le lac Baïkal, la plus touristique de Sibérie.

1891-1916

Construction du Transsibérien

Ligne Moscou-Vladivostok, à partir du tronçon Samara-Cheliabinsk (inauguré en 1891). De là, les travaux de la plus longue ligne de chemin de fer de l’histoire (8 300 km) commencent. À partir de 1892, le comité pour la construction du Transsibérien (CSRC), présidé par le tsarévitch Nicolas II, supervise le projet. Six sections de travaux sont déterminées, chacune dirigée par un ingénieur de renom, et démarrées simultanément : Tcheliabinsk-Ob ; Ob-Irkoutsk ; Baïkal-Myssovaïa ; Myssovaïa-Sretensk ; Sretensk-Khabarovsk ; Khabarovsk-Vladivostok. Le chantier s’arrête officiellement en 1916 avec la construction du pont sur le fleuve Amour : l’Extrême-Orient est enfin relié au reste de l’empire. D’autres campagnes de travaux sont menées en parallèle : le Transmandchourien (1897-1903) ; le Circum-Baïkal (1904-1905). Plus de 70 000 ouvriers, paysans, forçats, ingénieurs sont mis à contribution. Le tracé de la ligne transsibérienne modifie celui de l’ancienne route commerciale de Sibérie. Si le train fait la fortune des uns, il ruine les anciens comptoirs florissants, comme Tomsk et Kolyvan (maisons sibériennes particulièrement ornées et monastère Saint-Alexandre-Nevsky, à 36 km de Novossibirsk). Certains marchands déplacent leurs affaires à Novo-Nikolaïevsk, sortie de terre en 1893 et devenue, en 1925, la ville de Novossibirsk. Le Transsibérien pousse certaines régions à modifier leur corps de métier : ses énormes besoins en charbon suscitent le développement de bassins houillers. La ville de Slioudianka (km 5 311 du Transsibérien), où l’on admire la seule gare en marbre rose et blanc de la ligne (inaugurée en 1905), constitue un exemple de cet héritage : vous y observez encore de très impressionnants convois de fret de charbon.

1894-1917

Règne de Nicolas II (1868-1918)

Dernier empereur de Russie. 1891 : son père, Alexandre III, lui confie la supervision des travaux du Transsibérien. Il pose la première pierre à Vladivostok. La même année, il effectue un voyage officiel à Krasnoïarsk sur le vapeur Saint-Nicolas (où le bâtiment, encore amarré, a été transformé en musée). 1899 : publication d’un oukase interdisant la déportation pénitentiaire en Sibérie. Le règne de Nicolas II est marqué par les conflits sociaux, dont beaucoup éclatent en Sibérie : de 1905 à 1907, pas moins de 404 grèves et révoltes éclatent dans la région de Tomsk. 1912 : grève des mineurs de la Lena (qui exigent une journée de travail de 8 heures). La répression est musclée : plus de 500 grévistes sont tués ou blessés. De là, un vent de révolte se répand dans toute la Russie, propice à la révolution socialiste. Mars 1917 : abdication et assignation à résidence au palais Tsarkoïe-Selo. Juillet 1917 : transfert de l’ex-famille impériale à Tobolsk, via le train de Tioumen. Les Romanov sont détenus dans l’ancienne maison du gouverneur général de Sibérie (devenue en 2018 musée des Romanov). Mai 1918 : déplacement à Iekaterinbourg, dans la maison Ipatiev, où les Romanov et leur personnel sont exécutés. 1977 : destruction de cette maison dite « à destination spéciale » sur l’ordre du Politburo (sous la responsabilité de Boris Eltsine, alors secrétaire général du parti de la ville de Sverdlovsk, aujourd’hui, Iekaterinbourg). À son emplacement se situe aujourd’hui l’église de Tous-les-Saints, consacrée en 2003 (visitée par de nombreux nostalgiques de l’époque impériale, notamment le 17 juillet pour la Saint-Tsar-Nicolaï).

Canonisés, inscrits à la liste des martyrs de l’Église orthodoxe de Russie, reconnus victimes du bolchévisme en 2008, les Romanov sont aujourd’hui vénérés (leur fin tragique alimente régulièrement les théories du complot). De très nombreux monuments commémoratifs leur sont dédiés : à Krasnoïarsk, l’étonnante église des Nouveaux-Martyrs en chantier (Novomachenikov i Ispovednikov Rossiyskih, avec panorama sur la vallée de l’Ienisseï) ; à Novossibirsk, une statue de Nicolas II et du tsarévitch Alexeï derrière la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky (première cathédrale en pierre de la ville).

1896

Trois vapeurs anglais réussissent (enfin) l’exploit de naviguer sur la mer de Kara, prise par les glaces 10 mois par an. Ils remontent le fleuve Ienisseï jusqu’à Touroukhansk. La même année, un bureau des migrations vers la Sibérie est créé.

1897

Exil de Lénine en Sibérie

Vladimir Oulitch Oulianov, âgé de 27 ans et étroitement surveillé par les services de police, est condamné à trois ans d’exil à Shushenskoïe (kraï de Krasnoïarsk). Aujourd’hui, cette villégiature estivale (au climat doux) est très appréciée des Russes. Vous y visitez un très complet musée Lénine et participez, à la mi-juillet, au festival multiethnique (musique folk, artisanat russe et autochtone… Accessible en train et bus).

1898

Livraison du premier brise-glace

Conçu pour la Marine impériale russe, le Iermak (d’après le célèbre Cosaque). Un navire similaire se trouve à Irkoutsk, l’Angara, inauguré en 1900 et conçu pour traverser le lac Baïkal avant la construction du Circum-Baïkal. Le bâtiment se visite, de même, les berges ont été aménagées en une très agréable base de loisirs.

1905

Programme Stolypine

Destiné à peupler les terres de Sibérie. Des millions de paysans s’y installent contre des terres gratuites ou peu onéreuses. Une grande campagne de communication est menée, des milliers de tracts distribués, des trains gratuits sont mis à disposition des volontaires. En 1914, la population est évaluée à 4 millions d’habitants (contre 2,4 millions en 1851).

1917-1922

Révolution socialiste et guerre civile

D’abord accueillie avec enthousiasme par tous les peuples de Sibérie. Octobre 1917 : les bolchéviques s’emparent du pouvoir. Janvier 1918 : la constitution de la République soviétique fédérative socialiste de Russie est instaurée. Dans un contexte conflictuel, chaotique, le régime soviétique s’improvise, puis pas à pas se formalise (c’est la période de la Terreur rouge, un enchaînement de soulèvements populaires et de répressions) : contrôle de la presse, nationalisation des entreprises industrielles puis privées, création de la police politique Tchéka, création du Parti communiste de Russie (Bolchévik), centralisation des réquisitions des surplus agricoles, exécution systématique des opposants, épuration ethnique, annulation du droit de grève, neutralisation des partis d’opposition, multiplication des camps concentrationnaires, etc.

En parallèle, une «Armée blanche» s’organise pour lutter contre le régime révolutionnaire. Cette coalition, vacillante et aux idées divergentes, se déploie sur l’ensemble du territoire russe. L’amiral Alexandre Koltchak prend la tête des forces sibériennes ; il contrôle l’Est et la région de l’Oural. L’Armée rouge est alors créée, dirigée par Trotski : Rouges et Blancs se livrent à des affrontements ultra violents – les bastions blancs sont épaulés par les Alliés (Japon, USA, France entre autres) tandis que les bastions rouges bénéficient du soutien du peuple. 1919 : les Armées blanches se disloquent et perdent du terrain ; 1920 : Koltchak est fusillé à Irkoutsk ; 1922 : dernier mouvement armé à Vladivostok et victoire écrasante de l’Armée rouge. 

Pendant ce temps, le Politburo est créé (1919), principal opérateur de pouvoir. 1920 : saisie d’une partie des trésors de l’Église orthodoxe, puis élimination de milliers d’ecclésiastiques. 1921 : instauration de la Nouvelle Politique économique (et d’une période de calme). 1922, décision qui va reformuler le cours de l’histoire soviétique : nomination de Joseph Staline au nouveau poste de Secrétaire général du comité central du Parti communiste.

Toujours en parallèle, la formation d’un État fédéral soviétique se concrétise : des républiques révolutionnaires ou des régions autonomes sont « invitées » à y entrer (l’Armée rouge est envoyée chez les prospects réticents) ; des alliances avec des États voisins sont scellées. 30 décembre 1922 : naissance de l’URSS.

1919

Naissance de Mikhalaï Kalachnikov en Sibérie (kraï de l’Altaï ; mort en 2013), inventeur, parmi 150 autres armes, du célèbre fusil d’assaut AK-47 (ou Kalachnikov, ou Kalach’). D’abord produite pour les régiments d’infanterie motorisée (puis pour les para et les divisions blindées, avec crosse pliante) de l’armée soviétique, c’est finalement l’arme la plus répandue sur terre (70 à 110 millions d’unités en circulation). À ne pas confondre avec Isaï Kalachnikov (1931-1980), célèbre auteur vieux-croyant, qui a beaucoup écrit sur sa culture, le village de Sharaldai, la Bouriatie et les influences mongoles (parmi ses œuvres, Un âge cruel, 1979).

1924

Mort de Lénine

Vous remarquerez au fil de vos explorations sibériennes que les statues du Père fondateur, pourtant abattues en Europe, sont foison, de même que les rues Lenina. Pourtant, les années 1990 remettent profondément en cause le rôle et l’influence du leader communiste. Il sera réhabilité dans les années 2000.

En 1924, Staline, qui dispose d’une autorité considérable, évince ses opposants à tour de bras. La constitution de l’URSS est ratifiée la même année.

1928-1933

Grand tournant et premier plan quinquennal. Industrialisation du pays à vitesse grand V, collectivisation des terres avec résultats très mitigés en matière de productivité agricole. C’est lors de cette première phase de soviétisation de la Sibérie que l’ensemble des communautés autochtones nomades et sédentaires sont assignées, donc sédentarisées) au Kholkoze (coopérative agricole). En 1929, la loi antireligieuse entérine l’interdiction des pratiques chamaniques traditionnelles et donne toute sa légitimité à l’ethnocide massif qui se joue, dont les populations autochtones sibériennes sont victimes. L’apprentissage obligatoire du russe (1938) achève de désarticuler les organisations traditionnelles.

1933

 -68 °C (historiques) à Oïmiakon. La république de Sakha/Iakoutie devient la région habitée la plus froide du monde.

1933-1939

Totalitarisme stalinien

Parmi les grandes étapes de la construction du régime : instauration du culte de la famille socialiste (de ce fait, l’avortement et l’homosexualité sont gravement poursuivis) ; l’établissement de la peine de mort à partir de 12 ans ; la grande purge et la généralisation de la suspicion (autrement dit, la normalisation du régime de la terreur). Tout un chacun devient un suspect potentiel, passible de la peine de mort ou de la déportation au Goulag (sans possibilité d’appel). Ces premières mesures passent à force de vodka, dont Staline restaure la libre consommation. La propagande antireligieuse prend de l’ampleur, d’abord en direction de l’Église orthodoxe puis à 360 degrés : fidèles, ecclésiastiques de toutes confessions sont condamnés à mort ou envoyés au Goulag (où des messes sont données en secret) ; les centres d’enseignement théologique ferment leurs portes et les publications religieuses sont proscrites. De même que tous les lieux à vocation spirituelle sont fermés ou détruits (29 000 églises jusqu’en 1941). C’est pourquoi vous n’observez que peu de bâtiments et artefacts orthodoxes anciens en Sibérie : la plupart d’entre eux ont disparu et ceux qui ont pu être sauvés sont jalousement conservés (pièces uniques de l’art religieux sibérien visibles au musée régional de Krasnoïarsk). Beaucoup de foyers ont su dissimuler leurs objets sacrés ; à l’inverse, d’autres ont recyclé l’icône familiale en objet du quotidien, par exemple en planches à découper. Les mises sous séquestres ralentissent pendant la grande guerre patriotique et les invasions allemandes, puis reprennent activement jusqu’à l’époque Khrouchtchev.

1938

Naissance du danseur Rudolf Noureev (mort en 1993), dans le Transsibérien, à Irkoutsk. Il grandit à Oufa, en Sibérie occidentale. En 1961, devenu superstar soviétique de la danse classique, il parvient à échapper au KGB et à passer à l’Ouest. Il demande l’asile politique à la France. Il est directeur de la danse de l’Opéra Garnier de Paris de 1983 à 1989.

1939-1945

Grande guerre patriotique

1941 : en conséquence du Front de l’Est, et de l’avancée allemande, les autorités soviétiques déplacent les grands sites industriels en Sibérie. Krasnoïarsk, entre autres sites, devient le refuge d’un très important complexe militaro-industriel qui accueille des milliers d’ouvriers (et d’ouvrières) eux aussi déplacés. 1941 : création des usines automobiles Ulyanovsky Avtomobilny Zavod (Volga). On y met au point des véhicules militaires et paramilitaires, dont le célèbre UAZ, ce fourgon tout terrain particulièrement répandu autour du lac Baïkal et dans l’île d’Olkhon. La même année, Staline s’octroie le pouvoir absolu en se nommant commandant en chef suprême.

C’est à cette période que se développe le style architectural stalinien, en marge du Constructivisme (par ailleurs interdit) : alors que le peuple s’entasse dans des appartements collectifs (sept à huit familles par logement), la haute bureaucratie prend ses quartiers dans des appartements privés, somptueux et vastes. Le théâtre d’opéra et de ballet de Novossibirsk, inauguré en 1945, est très représentatif du style (le plus grand de Russie, dit le Colisée sibérien).

1946-1953

Après-guerre

Le bilan est catastrophique : environ 21 millions de morts, soit 12 % de la population, tous les pays d’Europe de l’Est sont passés sous autorité soviétique. 1949 : la première bombe atomique soviétique explose. Divers sites industriels sibériens et autres villes secrètes sont dédiés à la recherche nucléaire civile et militaire. 1950 : rétrocession des chemins de fer de Mandchourie à la république populaire de Chine. 1953 : mort de Staline.

1955-1964

L’ère Khrouchtchev

Le leader (1894-1971) s’engage dès son arrivée au pouvoir à déstaliniser l’URSS. Les crimes de Staline sont dénoncés. En 1953, 1,2 million de détenus sont libérés du Goulag, et des milliers de condamnés sont réhabilités). Un système de répression administrative se substitue à celui de la terreur. Si l’athéisme est toujours une valeur forte, les répressions antireligieuses se relâchent. Un programme de défrichement des terres vierges de l’URSS et de la Sibérie est lancé pour désengorger les grands kolkhozes situés à l’ouest de l’Oural. Une gigantesque opération d’urbanisation est menée : la construction des khrouchtchovka, ces barres d’immeubles en béton, fournit des logements individuels et gratuits (souvent une pièce, une cuisine et des sanitaires. La liste d’attente demeure longue. En 1980, 82 % des ménages y accèdent). Vous les apercevez dans tous les centres-villes de Sibérie. Les grandes centrales hydroélectriques de Sibérie sont bâties à cette époque : le barrage de Novossibirsk (1957-1959), et son gigantesque réservoir artificiel, surnommé la mer de l’Ob (un lieu de détente et de loisirs très apprécié des citadins) ; le barrage de Divnogorsk (1963), à 33 km de Krasnoïarsk (panorama à couper le souffle sur l’Ienisseï, la taïga et les monts Saïan) ; celui d’Irkoutsk (1950-1956), déployé en chaîne des centrales de l’Angara dans les années 1970. Des ouvrages d’art démesurés, réalisés au détriment de l’environnement (le taux d’humidité, qui accroît la rigueur du climat, a rendu ces environnements inhospitaliers pour de nombreuses espèces endémiques). Khrouchtchev, qui souhaite améliorer la productivité des scientifiques soviétiques, cherche à dupliquer les conditions de vie et de travail selon lui idéales, dont bénéficient les savants occidentaux : c’est dans cet esprit qu’il appuie le développement de la cité académique Akademgorodok, cité innovante dans laquelle souffle un vent inédit de liberté (Charles de Gaulle y effectue une visite historique en 1966, dans le cadre d’accords de coopération scientifique). Enfin, l’ère Khrouchtchev est curieusement associée au maïs, que le chef d’État tenta, après un voyage aux États-Unis, de semer en masse en Sibérie (et sans pesticides ni modifications génétiques). Une expérience peu concluante.

1959

Premières mesures de profondeur du lac Baïkal (1 620 m).

1965-1979

Ère Brejnev (période de dégel et de coopération internationale). 1972 : reprise du chantier de la ligne ferroviaire BAM (démarré par les forçats du Goulag), la grande entreprise « pan-soviétique » qui met en danger l’équilibre financier de l’URSS. Les travaux s’achèvent en 1984.

1971

Levée de l’anathème sur les Vieux-Croyants.

1972-2019

Construction (par étapes) de la ligne ferroviaire Magistrale Amour-Iakoutie (jusqu’à Iakutsk depuis 2019). Une extension vers Magadan est en cours.

1973

Alexandre Soljenitsyne publie à Paris l’Archipel du Goulag. Il est expulsé d’URSS vers l’Allemagne de l’Ouest.

1974

Akira Kurosawa termine le tournage de Dersou Ouzala en Sibérie. D’après l’ouvrage autobiographique du topographe V. Arseniev, chargé par l’armée impériale d’effectuer des relevés dans les terres vierges de l’Oussouri. 

1977

Commercialisation de la célèbre Lada Niva, le 4x4 très grand public soviétique. Un nombre incalculable d’exemplaires roulent encore sur les routes de Sibérie.

1985-1991

Ère Gorbatchev (marquée par la pérestroïka, la glasnost, la détente avec les USA puis… le démantèlement de l’URSS). 1986 : le Dalaï-Lama visite le datsan Ivolginsky (en Bouriatie, à 35 km d’Oulan-Oude). 1988 : le patriarcat de Moscou fête ses 400 ans, première messe au Kremlin depuis 70 ans. 1989 : élection des députés du Congrès du peuple au suffrage universel direct à bulletin secret, première élection démocratique depuis 1917. 1990 : élection de Mikhaïl Gorbatchev à la présidence de l’URSS.

1990

Premier congrès des peuples du Nord et fondation de RAIPON, l’association des peuples du Nord, de la Sibérie et de l’Extrême-Orient (protection des droits, des intérêts des peuples autochtones de Russie et de la nature). Une quarantaine de nations et groupes ethniques y sont réunis.

1991

Juin : Boris Eltsine devient président de la République de Russie. Août : putsch raté des conservateurs. 21 décembre : dissolution de l’URSS. 25 décembre : hissage du drapeau de la Fédération de Russie au sommet du Kremlin de Moscou.

1991-1999

Présidence Eltsine (effondrement économique, guerres de Tchétchénie, démission d’Eltsine, Poutine est désigné par intérim).

1993

Anatoly Karpov, né à Tcheliabinsk en Sibérie, devient champion du monde d’échecs. Ses matchs contre Youri Kasparov ont défrayé la chronique pendant les années 1980-1990. Le jeu d’échecs est très populaire en Sibérie : l’été, les amateurs s’affrontent dans les parcs et jardins. Joueurs d’échecs, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

2000-2008

Premiers mandats présidentiels de Vladimir Poutine.

2008-2012

Dmitri Medvedev est élu président.

2012-2018

Troisième mandat de V. Poutine. La durée du mandat présidentiel passe à six ans. 2013 : voyage en Bouriatie, discours de soutien aux bouddhistes russes.

2013

Une météorite se désintègre au-dessus de Tcheliabinsk, en Sibérie. Plusieurs débris s’écrasent dans la région. Le phénomène n’est pas si rare (crash spectaculaire en 1908, au nord de Krasnoïarsk ; en 2002 à Vitimiski, à 700 km d’Irkoutsk).

2015

Tournage de Dans les forêts de Sibérie, adaptation cinématographique du récit de Sylvain Tesson, en partie dans l’île d’Olkhon. Figurants et membres de l’équipe technique sont des habitants de l’île et de la région.

2016

Inauguration du cosmodrome Vostotchny (fusées et vaisseaux Soyouz). Le but du projet : délocaliser certaines activités du site de Baïkonour (Kazakhstan). Le site de lancement se trouve en Extrême-Orient, près de Tsiolkovski. Un second pas de tir dédié aux fusées Angara sera opérationnel d’ici 2021.

2018

Réélection de V. Poutine. Ce quatrième mandat est béni par le patriarche Nikon. 3,2 millions d’hectares de taïga brûlent en Sibérie. Un feu de forêt naturel d’une ampleur historique.

2019

Mars : Krasnoïarsk accueille les 29e Universiades (championnats universitaires internationaux de sports d’hiver). Août : la ville de Ienisseïsk (kraï de Krasnoïarsk) fête ses 400 ans (à environ 330 km de Krasnoïarsk). Elle est désormais beaucoup plus accessible. Octobre : Oulan-Oude reçoit les Championnats du monde de boxe féminine (AIBA).

Top 10 : Personnages historiques

Les personnalités historiques de la Sibérie

L’histoire de la Sibérie ne s’est pas faite sans la ténacité de nombreuses personnalités : explorateurs, bagnards déportés à vie, hommes politiques ou artistes ambitieux. Voici un florilège de ces hommes et de ces femmes hors du commun, héros locaux ou célèbres dans le monde entier.

E. Timofeïévitch

1532-1584. Officiellement, le découvreur de la Sibérie. Le mercenaire douteux lance la ruée vers l’Est.

V. J. Béring

1681-1741. En 1741, le navigateur accoste près du mont Saint-Élie, Alaska. Il a enfin trouvé le détroit !

E. Troubetskaya

1800-1854. L’héroïne de son époque a renoncé à tout sauf à l’amour, son Décembriste déporté en Sibérie.

V. Arseniev

1872-1930. Sibériologue, auteur du récit autobiographique Dersou Ouzala, nom de son éclaireur Nanaï.

G. Raspoutine

1869-1916. Le conseiller-mage des Romanov naquit en Sibérie occidentale à Pokrovskoïe (o. de Tioumen).

A. V. Koltchak

1874-1920. Leader de l’Armée blanche retranchée en Sibérie. Fusillé par les bolchéviques à Irkoutsk.

M. Roskava

1912-1943. Recordwoman du survol de la Sibérie en avion ; crée les 1ers escadrons aériens 100 % féminins.

M. Kalachnikov

1919-2013. Né en Altaï. Son patronyme sonne comme la célèbre AK-47 puisqu’il en est l’inventeur.

B. Eltsine

1931-2007. Le premier président de la Fédération de Russie est originaire de l’Oural (o. de Sverdlovsk).

R. Noureev

1938-1993. Étoile de la danse classique, d’origine bachkire, né dans le Transsibérien près d’Irkoutsk.

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