Depuis Phnom Penh, lorsqu'on remonte au nord du Cambodge vers le Laos, on suit naturellement la vallée du Mékong, large et fertile. Les plateaux s'élèvent vers l'est jusqu'à des reliefs plus marqués : la chaîne d'Annam qui marque la frontière avec le Viêt-Nam.
Le voyageur attentif pourra constater le changement au fur et à mesure d'une progression de plusieurs jours vers le nord.
Kompong Cham, peu éloignée de la capitale, représente encore le mode de vie des plaines. Plus au nord, la vie sociale de Kratie semble déjà organisée autour du Mékong (transport fluvial et pêche), pendant longtemps la voie de communication principale. Le rythme quotidien est déjà plus calme. Cette ville naguère endormie est le dernier carrefour économique important entre la plaine du sud et le monde des hauts plateaux : Mondolkiri vers l'est et Ratanakiri au nord.
La ville de Steung Treng, encore plus au nord, est vraiment la dernière étape importante sur le Mékong avant d'atteindre le Laos. C'est à partir de là que l'on doit s'écarter du fleuve vers le nord-est si l'on veut pénétrer dans la région de Ratanakiri.
Les provinces de Mondolkiri et Ratanakiri s'étendent sur les contreforts cambodgiens de la chaîne annamitique qui culmine au Viêt-Nam. Ces plateaux montagneux étaient à l'origine couverts de forêts, lesquelles se font de plus en plus rare hélas. Les ethnies des hautes terres se distinguent physiquement de celles de la plaine et, reflet de leur habitat enclavé et de leur histoire, leurs coutumes sont différentes. Selon les croyances khmères, les forêts et les montagnes sont le domaine des esprits, ce qui explique la défiance des gens de la plaine pour ces contrées réputées hostiles. Le fait est que les habitants des bois ont longtemps conservé un mode de vie primitif apparaissant effrayant : les Cambodgiens se considérant comme civilisés évitaient donc de s'y rendre... De nos jours, en raison de l'accroissement des populations dans les plaines et de la diminution des ressources économiques pour les plus pauvres, ces contrées naguère isolées apparaissent comme un nouvel eldorado. Aujourd'hui, incités par le gouvernement, les gens de la plaine défrichent les forêts du nord par le feu sur des milliers d'hectares pour tenter d'y développer l'agriculture. Dans ce contexte, les montagnards ont probablement du mal à défendre leur place.