Temple d'Artemis © xabi_kls - Shutterstock.com.jpg
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Trésors antiques et byzantins

Parmi les sites les plus anciens, ne manquez pas la nécropole mycénienne de Mazarakata à Céphalonie. Ses caveaux creusés directement dans la roche et reliés entre eux par d’étroits couloirs abritent des centaines de tombes. Pour découvrir les splendeurs de l’époque archaïque, c’est sur la presqu’île de Kanoni, où se développa l’antique Corfou, qu’il faudra vous rendre. On peut encore y lire l’expression d’un urbanisme raisonné divisant l’espace par activités : les habitations à l’ouest, les sanctuaires à l’est et les activités marchandes et artisanales au nord-ouest, comme l’attestent des vestiges d’ateliers et boutiques. S’il ne fallait y retenir qu’un vestige, ce serait celui du Temple d’Artémis. Simplicité, logique et robustesse président à l’édification des temples doriques dont la décoration se caractérise surtout par des colonnes sans base, aux chapiteaux sans décor, et par des frises alternant éléments en saillie (triglyphes) et en retrait (métopes). Ce temple, l’une des premières réalisations en pierre de l’île, se caractérise également par une cella ou salle centrale allongée, partagée en trois nefs par deux enfilades de colonnes, ceinturée par un péristyle et encadrée d’un pronaos (vestibule) et d’un opisthodome (pièce où l’on exposait les offrandes). Rigueur et élégance doriques qui sont également à voir sur le site archéologique de Mon Repos qui abrite notamment les vestiges du Temple de Kardaki de près de 25 m de long. Les vestiges romains sont moins nombreux, cependant ne manquez pas les ruines des thermes à Benitses (Corfou), ou bien encore celles de la petite villa romaine aux belles mosaïques à Skala (Céphalonie). Certaines fortifications composées de murs cyclopéens et de tours sont parfois encore visibles comme à Peratata (Céphalonie) et Poros et Nirikos (Leucade). Ces structures ont sans aucun doute inspiré les Byzantins qui, à leur tour, firent édifier bon nombre de places fortes, à l’image de l’ancienne citadelle de Corfou, ou bien encore des kastro aux puissants murs d’enceinte, à l’image de celui d’Agios Georgios (Céphalonie) dont l’enceinte, longue de 600 m, n’est percée que d’une unique porte voûtée. L’une des caractéristiques phares de l’architecture byzantine est celle du réemploi des matériaux. La grande basilique Agia Kerkira à Paléopolis était originellement un vaste édifice païen à 5 nefs, avant de devenir, au XIIe siècle, une église byzantine dont le mur nord de la nef, désormais unique, était composé de 121 corniches de marbre provenant d’un temple antique. Même réemploi dans l’église des Saints Jason et Saint-Sosipatros (Corfou) du XIIIe siècle, joyau byzantin dont on admire l’appareillage alternant brique et pierre, les fresques décoratives et les décors en stuc. Mais ce sont les iconostases, cloisons en bois sculpté ou en métal précieux ornées d’icônes séparant la nef du chœur, qui illustrent le mieux la richesse décorative de la grande période byzantine.

Puissance vénitienne

Pour asseoir définitivement sa puissance, la Sérénissime s’est d’abord attachée à renforcer toutes les places fortes des îles, à commencer par la citadelle de Corfou qu’elle complète par un fort, et qu’une douve surmontée d’un pont mobile en bois protégé par deux bastions sépare de la terre ferme. Une double enceinte imprenable est érigée pour relier l’ancienne citadelle et le fort neuf. Poudrières, tour carrée d’horloge et entrepôts navals sont encore visibles aujourd’hui. Parmi les autres beaux témoins de cette puissance vénitienne, ne manquez pas les ruines de la forteresse d’Assos (Céphalonie) avec son impressionnante porte d’entrée en chicane et celles du Kastro de Zakynthos-Ville (Zante). L’influence de Venise se lit également dans l’urbanisme des villes. Places cernées d’élégantes arcades, rues bordées de belles demeures aux toits de tuiles rouges et aux façades aux tons pastel ornées de hautes fenêtres et de balcons en fer forgé soulignant le piano nobile ou étage noble… : il souffle comme un vent de dolce vita sur ces îles grecques ! La place Kremasti de Corfou est l’une des plus belles avec ses vieilles demeures aux volets verts et ses nombreux passages voûtés et surtout son puits central richement ouvragé. Mais c’est peut-être Zakynthos (Zante) qui porte le plus fièrement ces couleurs vénitiennes. C’est d’ailleurs ici qu’est née la célèbre Ecole ionienne de peinture mêlant tradition byzantine et Renaissance vénitienne, qui influença également durablement l’architecture. Voyez la place Agios Marcos, véritable théâtre à l’italienne cerné d’arcades où tout le monde se presse pour voir et être vu. La Sérénissime a également laissé son empreinte sur les édifices religieux, alternant sobriété Renaissance et exubérance baroque. Ce sont bien sûr les campaniles, ou tours-clochers isolées, qui sont les plus célèbres représentants de Venise. Parmi les plus belles églises des îles Ioniennes, ne manquez pas : Panagia Antivouniotissa, l’église cosmopolite de Corfou avec sa façade Renaissance et ses trois nefs imposantes, les églises Agios Nikolaos et Agios Dimitrios de Lefkada à la foisonnante ornementation baroque ou bien encore la très sobre et élégante église Agios Nikolaos Tou Molou de Zakynthos. De même qu’ils ont appuyé leur puissance militaire sur des structures préexistantes, byzantines pour la plupart, les Vénitiens ont également remanié de nombreux monastères médiévaux. Zante en abrite de très beaux, tels le monastère Agios Georgios et le monastère d’Anafonitria, dont la massive tour médiévale fut transformée en clocher. Le monastère du Pantocrator à Corfou est également un incontournable. N’y manquez pas les somptueuses fresques recouvrant le plafond de la nef et ses icônes d’argent. De façon générale, on reconnaît ces monastères à leurs volumes simples et géométriques surmontés de coupoles. Les villages des discrètes Cythère, Ithaque et Leucade témoignent, eux, de l’évolution de l’architecture domestique sous le règne de la Sérénissime. Pour se prémunir des attaques fréquentes des pirates et autres ennemis de Venise, les habitants se faisaient construire de véritables maisons fortes aux murs très épais, à un ou deux étages, avec des portes en bois et des fenêtres très étroites. Une fois la sécurité retrouvée, ces petits fortins ont laissé place à des maisons aux hautes fenêtres, aux façades ornées de balcons et percées d’arcades.

Des protectorats à l’époque contemporaine

La présence successive des grandes puissances européennes, et notamment de la France et de la Grande-Bretagne, a donné aux îles Ioniennes une atmosphère cosmopolite unique. Et c’est sans aucun doute la ville de Corfou qui s’en fait le plus élégant témoin. Le Liston ne vous rappelle rien ? Cette rue bordée de demeures à arcades a été imaginée par Matthieu de Lesseps, l’architecte en charge de… la rue de Rivoli à Paris ! Les Britanniques, eux, ont laissé libre cours à un néoclassique parfois un tantinet pompeux. Le plus beau des représentants de ce néoclassique est le Palais Saint-Michel et Saint-Georges, œuvre de l’architecte anglais Whitmore, dont on admire la façade ornée d’un portique dorique, l’impressionnant vestibule aux frises décoratives et surtout la salle de bal aux coupoles à caissons dorés. Les Britanniques ont également repensé l’urbanisme de la ville de Corfou en transformant l’Esplanade en un grand terrain de cricket ! A Céphalonie, c’est à eux que l’on doit l’impressionnant pont Bosset, dont les 650 m de long relient les deux rives de la lagune. L’harmonie qui règne à Ithaque est sans doute liée au fait que les Britanniques y avaient interdit la construction d’édifices de plus de deux étages, privilégiant l’équilibre des proportions et la sobriété des coloris. S’il se fait le fier représentant de la mode néoclassique, l’Achilleion de Corfou n’est pas l’œuvre des Anglais mais celle d’architectes italiens commissionnés par Elizabeth d’Autriche. Inspirée des villas de Pompéi et tout entière dédiée à la gloire du héros Achille, cette demeure impressionne notamment par son monumental vestibule et ses somptueux jardins. Le rattachement officiel à la Grèce s’accompagne, lui, d’un nouvel élan de constructions publiques, à l’image du Théâtre Municipal de Corfou. Au siècle suivant, les îles sont victimes de séismes à répétition, dont l’un des plus dévastateurs en 1953. Céphalonie fut durement touchée et Argostoli dut être entièrement reconstruite. Pour ce faire, on choisit de perpétuer la tradition des espaces verts, fronts de mer et façades pastel harmonieuses en vogue au siècle précédent. Leucade, elle, développa une architecture unique destinée à supporter les assauts de la Terre. De nombreuses églises, dont celle d’Agios Minas, furent coiffées de clochers métalliques, plus légers et donc susceptibles de causer moins de dégâts en cas de chute. Pour les maisons, les habitants ont privilégié des structures en bois ou en tôles sur des assises de pierre. Aujourd’hui, si elles n’ont pu échapper aux affres du tourisme de masse voyant pousser comme des champignons resorts et autres complexes hôteliers, les îles Ioniennes ont malgré tout su garder leur authenticité, privilégiant de plus en plus les créations aux lignes épurées se fondant naturellement dans leurs paysages à couper le souffle.

Habitat traditionnel

A Zakynthos (Zante), vous pourrez découvrir les kalives, hautes cabanes rectangulaires de bois et de chaume bâties sur de hauts pilotis de bois ou perchées dans les arbres, auxquelles on accède par une échelle, et qui servaient originellement de tours de guet. Certaines îles abritent également des trésors de l’architecture en pierre sèche, qu’ils s’agissent de cabanes circulaires à toits coniques, en voûte à encorbellement ou en dôme, ou bien de cabanes rectangulaires à toits plats, de murets séparant les terres ou de murs de soutènement pour les étagements en terrasse. Ithaque et Leucade en possèdent de beaux exemples. Les maisons traditionnelles sont le plus souvent de plan rectangulaire, à un ou deux étages, avec un pignon et des toits à arêtes recouverts de tuiles canal rouges (aujourd’hui remplacées par des tuiles plates, plus résistantes aux séismes). Leur façade de pierre crépie est souvent blanchie à la chaux, faisant ressortir les couleurs vives des portes et fenêtres. L’espace intérieur est divisé par des cloisons de bois et de clayonnages. La cuisine, elle, est originellement placée à l’extérieur de la maison par mesure de sécurité. Vérandas et balcons en bois sont fréquents. Leucade et Céphalonie regorgent de ces maisons dont la richesse dépend évidemment de celle de son propriétaire, les grands exploitants se faisant construire de grandes demeures à étages avec d’imposants portails. Pour découvrir ces îles Ioniennes autrement, osez donc quitter leurs plages idylliques pour partir à la découverte de ces merveilleux villages de pierre, perdez-vous dans leurs dédales de ruelles ombragées et observez leurs trésors depuis leurs pittoresques placettes !