Le Yunnan fait partie des provinces les plus appréciées des touristes en Chine. Il suffit de prononcer son nom pour qu'un tas de couleurs, d'arômes, de paysages et d'impressions viennent à l'esprit. Les rizières en terrasse, les forêts tropicales, les festivals, les marchés locaux des minorités, l'architecture bai, les danses tibétaines, les villages reculés... autant d'images qui se bousculent dans l'imaginaire et qui se vivent au Yunnan.
Autour de Kunming, la " cité de l'Eternel Printemps ", s'épanouissent hibiscus et camélias, orangers et plants de tabac. Dans le nord, la province s'élance à l'assaut de l'Himalaya et les températures se refroidissent sensiblement. Dans le sud, la région autonome du Xishuangbanna est un paradis tropical abritant quelques-unes des dernières grandes forêts pluviales de la planète. Quant à la forêt de pierre de Shilin, elle est le prolongement en point d'orgue des fabuleuses formations karstiques du Guangxi et du Guizhou.
Le Yunnan est l'une des provinces les plus agréables de Chine pour faire du tourisme individuel. Le vélo reste le mode de transport privilégié pour explorer campagnes et villages, parmi lesquels Dali et Lijiang qui méritent une mention honorable. Au même titre que Yangshuo, près de Guilin, ces anciens villages devenus villes demeurent des havres de routards. Souvent pris d'assaut par les touristes, ils peuvent cependant très vite se transformer en véritables enfers ! Un conseil : allez-y mais ne restez pas trop longtemps, à moins que vous ayez besoin de récupérer des forces après une longue immersion dans la campagne profonde chinoise ! Dirigez-vous plutôt vers le plateau tibétain au nord ou dans la région tropicale du Xishuangbanna au sud, dont certains villages reculés sont encore épargnés par le tourisme de masse. Pour combien de temps encore ? Dépêchez-vous de visiter ces terres pour une plongée dans une Chine protéiforme, loin de l'uniformité des gratte-ciel et des galeries commerciales.
De nombreux voyageurs regrettent de ne pas avoir prévu assez de temps pour visiter le Yunnan. La province est grande et mérite un long séjour. N'oubliez pas non plus de vous équiper selon les régions dans lesquelles vous avez prévu d'aller.
Histoire
Au carrefour des routes commerciales entre la Chine, la Birmanie et l'Inde, le Yunnan antique était occupé par le royaume de Dian, siégeant non loin du lac du même nom. Principalement agricole, cette société bénéficiait d'une abondance de ressources minières, habilement exploitées par ses habitants. Refoulés par les armées han, ils s'unirent longtemps dans une résistance farouche avant de fonder au VIIe siècle le puissant royaume Bai de Nanzhao. Au Xe siècle, le royaume de Dali prit sa suite pour s'effondrer trois siècles plus tard sous les coups des troupes mongoles de Kublai Khan. Si les Ming surent disposer des Mongols, il fallut attendre la dynastie suivante des Qing pour imposer un semblant de contrôle sur la région et intégrer le Yunnan à l'empire chinois. Eloignée du pouvoir central et composée d'une mosaïque de peuples, la province ne se stabilisa réellement qu'à partir du XXe siècle. Entretemps, un soulèvement séparatiste musulman et anti-mandchou fut violemment réprimé par l'empereur en 1873, tandis que les puissances étrangères, jouant des dissensions locales, profitaient du commerce de l'opium dans la région. Dès le milieu du XIXe siècle, les Français s'adjugèrent le contrôle de l'Indochine, en espérant créer une zone d'influence plus large et s'ouvrir les portes de la Chine du Sud. Ils parvinrent rapidement à ouvrir Kunming sur l'extérieur : la ligne de chemin de fer entre Hanoi et Kunming, commencée en 1898, fut terminée en 1910. Mais les tensions en Europe à la même époque incitèrent finalement la France à ménager l'Angleterre et à céder du terrain en Chine, au profit de seigneurs de guerre locaux. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés fournirent aux nationalistes de Tchang Kaï-chek du matériel militaire pour combattre l'ennemi japonais. Ce matériel fut acheminé par une route de 1 000 kilomètres dans les montagnes, de Rangoon jusqu'à Kunming : c'est la célèbre route de Birmanie. Après les désastres humains du Grand Bond en Avant et de la Révolution culturelle, la marche au développement du Yunnan s'est engagée depuis les années 1980. Le tourisme, et encore aujourd'hui le narcotrafic, comptent parmi les principales ressources de cette province désormais bien ancrée en Chine.
Un creuset de minorités
Aujourd'hui, environ un tiers de la population du Yunnan se compose de minorités ethniques. On en relève 26 différentes, soit près de la moitié des 56 " nationalités " officiellement recensées en Chine : Yi, Bai, Hani, Zhuang, Dai, Hui, Miao, Lisu, Lahu, Wa, Naxi, Yao, Dulong, Jingpo, Tibétains, Bulang, Buyi, Achang, Nu, De'ang, Mongols, Pumi, Jinuo, Benglong, Shui et Man. Malgré le folklore touristique, ces peuples minoritaires ont dans l'ensemble su maintenir leurs structures sociales, leurs traditions et leurs modes vestimentaires. Certains d'entre eux disposent même de leur propre système d'écriture, comme les pictogrammes dongba pour les Naxi. La population du Yunnan est une population en majorité assez pauvre. Si de plus en plus d'enfants sont aujourd'hui scolarisés, de sérieux problèmes persistent : le Yunnan détient ainsi le triste record du plus grand nombre d'individus atteints du virus du sida. De nombreuses campagnes de dépistage ont été lancées à l'initiative du gouvernement pour lutter contre la maladie. En 2007, le premier centre destiné au traitement du sida a vu le jour au Yunnan à une trentaine de kilomètres de Kunming. Avec un coût total de 160 millions de RMB, le centre est capable d'accueillir 200 patients. Un service de consultation a également été ouvert, pour autant l'épidémie ne faiblit pas.
Arts et culture
Avec autant de peuples, de paysages et de pays frontaliers, la province du Yunnan est l'une des régions les plus riches de Chine sur le plan culturel. Lors de vos pérégrinations, profitez des marchés locaux qui rythment la vie des petits villages pour rentrer en contact avec les populations minoritaires de la province. Sur la route, vous observerez peut-être des cortèges de femmes et d'hommes qui transportent sur leur dos les denrées et l'artisanat qu'ils espèrent vendre sur les marchés. Souvent vêtus de leurs costumes et bijoux traditionnels, certains n'hésiteront pas à vous aborder pour vous vendre quelque étoffe ou le produit de leur cueillette. Le Yunnan est l'une des régions de Chine où l'on trouve encore des femmes aux pieds bandés. Au sud de Kunming, en direction de Jianshui, quelques petits villages (Tonghai et Liuyu) comptent plusieurs de ces femmes aux " petits pieds ". Aujourd'hui d'un âge très avancé, elles témoignent d'un millier d'années d'oppression. Les pieds étaient autrefois considérés par les Chinois comme la partie la plus érotique du corps féminin. Il s'agissait d'un véritable critère de beauté : plus ils étaient petits, plus la femme pouvait bénéficier d'un bon mariage. Les femmes aux grands pieds subissaient insultes et quolibets et avaient beaucoup de mal à se trouver un mari. Autrefois limitée à la cour impériale, la torture des pieds bandés gagna très vite tous les milieux sociaux et se perpétua de génération en génération. Les femmes parfaites devaient posséder des pieds d'une longueur de 15 centimètres, qu'elles glissaient dans de petits chaussons brodés. Le bandage des pieds commençait vers l'âge de 8 ans et se faisait jour et nuit. Les fillettes souffraient le martyr, à tel point qu'arrivées à l'âge adulte, elles avaient beaucoup de peine à se déplacer. La plupart d'entre elles restaient à la maison. En 1902, une loi interdisant le bandage des pieds fut promulguée, mais il fallut attendre la chute de l'Empire et l'avènement de la République populaire de Chine (1911) pour mettre un terme officiel à cette tradition millénaire.
Si vous voyagez dans le Yunnan au mois d'avril, visitez les contrées tropicales du Xishuangbanna et vibrez au rythme du festival de l'Eau. Chez les Dai, la nouvelle année et l'arrivée de la mousson sont célébrées dans la joie et l'allégresse. Pendant près de cinq jours, les villages dai du sud de la province s'animent au rythme des danses traditionnelles, des courses de bateaux et des batailles d'eau géantes. Le Yunnan est un grand producteur de thé. Certaines de ses variétés sont connues à travers le monde, comme le thé pu'er, considéré comme un grand cru chinois. Les feuilles de thé sont pressées et se vendent sous forme de galettes, de briques ou de nids. Le thé doit être râpé avant d'être consommé.