Plus d’un fromage, entre onctuosité et générosité

Qui parle de Brie ne saurait omettre de mentionner ses fleurons gustatifs. Pour commencer, le Brie de Meaux, issu de lait cru, non pasteurisé et bénéficiant d’une AOP, est connu depuis le Moyen Age et s’est forgé une légende qui se laisse volontiers narrer. Au VIIe siècle, saint Faron, évêque de Meaux, aurait commandé un fromage de Brie alors que les vaches avaient cessé de produire leur précieux lait. Le miracle ne se fit pas attendre. Désireux de partager avec les plus pauvres l’onctueux laitage habituellement réservé aux nobles, le saint brisa la malédiction et les vaches offrirent de nouveau leur lait. Plus tard, au XIIIe siècle, le brie comptait parmi les denrées les plus courues à la Foire de Provins. C’est peu dire puisque les baux fermiers du XVe siècle exigeaient de fournir aux propriétaires « des fromages de grand moule à la Saint-Martin », jour du paiement des fermages. Le brie de Meaux était donc un produit de prix ! D’ailleurs, bon nombre de rois et de princes l’appréciaient beaucoup, de Charlemagne à Henri IV. Dans son ouvrage intitulé Catalogue de la gloire du monde, Barthélemy Chasseneux, grand juriste de son temps, consacra en 1529 « roi des fromages » celui qui « fondait presque comme du beurre », titre confirmé au congrès de Vienne en 1815 par Metternich, chancelier d’Autriche. Avec l’arrivée du chemin de fer à la fin du XIXe siècle, le brie de Meaux s’exporta plus loin et en de plus grandes quantités !

Mais le département compte bien d’autres délicieux fromages, portant arômes et nuances propres à chacun : brie de Melun, brie de Nangis, brie de Montereau, brie de Provins, brie de Favières mais également le célèbre coulommiers, l’exquis fontainebleau, le jean-de-brie, le bayard-gourmand, le grand-morin, le gratte-paille, le pierre-robert, le mauperthuis, la butte de Doue, le brie-yère (eh oui !) et bien d’autres pâtes onctueuses, sans oublier bien entendu toutes une riche palette de chèvres (bûches, pyramides, tomettes, crottins, paley, nanteau) ou encore la confiture de lait briard. Le coulommiers ou « brie petit moule » puise ses origines dans le Moyen Age, époque où il honorait les tables des seigneurs et des grands dignitaires du royaume. Au fil des siècles, il ravit plus d’un palais, dont celui de Raoul Ponchon (1848-1937), écrivain et chroniqueur de presse français, qui écrivit :

« Tel fromage que vous nommiez,

Jurant sur les saintes Images

Que sur tous les meilleurs fromages

Prévaut celui de Coulommiers. »

Ces fromages suscitent un bel enthousiasme et d’incontournables rendez-vous comme le « Brie Happy » à Meaux ou « La foire aux fromages » à Coulommiers, sous les auspices notamment de confréries comme celle des Compagnons du Brie de Meaux ou celle des Chevaliers du Brie de Melun.

Palette de saveurs et art de vivre

Le patrimoine gastronomique seine-et-marnais, qu’il s’agisse de Brie laitière ou de Brie humide, ne se limite évidemment pas au fromage. Terre agricole, terre de moulins, elle a su inspirer nombre de traditions : macarons à Réau, bières artisanales à Meaux ou en Gâtinais, lentilles vertes ou blondes et pois cassés en pays briard, fritures de goujon des guinguettes, miels de Brie et du Gâtinais… Parmi un riche panel de spécialités : la moutarde de grains à l'ancienne dite de Meaux, produite à Lagny-sur-Marne, héritage d’un savoir-faire daté du temps de Charlemagne. Quant aux volailles du Gâtinais, elles ont leur rendez-vous annuel depuis près d’un siècle à Egreville, lors de la Foire à la volaille qui réunit les véritables gastronomes de la région sous une superbe halle du XVe. De nos jours, plusieurs producteurs perpétuent quant à eux la fabrication d'un cidre à partir de pommes issues de vergers longeant parfois les nombreux cours d’eau qui traversent le département. Parmi les fruits utilisés, la Mauperthuis, aux arômes fleuris. Ailleurs, certains domaines viticoles (Clos de Nonville près de Nemours, Domaine de Beau Tilleul sur les terres de Beautheil, Coteaux du Montguichet à Chelles, Domaine du Bois Brillant à Guérard) renouent avec d’anciennes traditions avec un pinot noir ou un chardonnay qui offrent de beaux arômes à découvrir. Enfin, c’est à Crouy-sur-Ourcq que se cultive un or venu jadis de Perse, le safran qui a su devenir une épice de choix en France. Ce must du must dont un seul gramme demande 250 fleurs récoltées à la main, sert aujourd’hui à parfumer miels, vinaigres, confitures, voire moutardes.

Un pays de douceurs

C’est aussi à partir d’une fleur délicate que sont issues quelques douceurs originaires de Nemours : les bonbons au coquelicot. Leur histoire débute en 1870, au 66, rue de Paris à Nemours, où le confiseur François-Etienne Desserey créa des pastilles à base du dit papavéracée, autrefois consommé en sirop pour soulager la toux. Le petit rectangle rouge translucide a depuis fait bien du chemin et on le trouve aujourd’hui à Nemours sous le nom de « Coquelicots de Nemours ». Un délice en appelant un autre, il n’est pas question d’omettre le sucre d'orge de Moret-sur-Loing, un bonbon très ancien ! Sa légende débute au XVIIe siècle, chez les Sœurs bénédictines de Notre-Dame-des-Anges. La confiserie, fabriquée au prieuré à partir de sucre et d’une décoction d’orge, dépassa son rôle de simple remède aux vertus adoucissantes. La formule fut toutefois jalousement conservée puis transmise jusqu’à nos jours. Louis XIII et Napoléon en raffolaient tandis que Sarah Bernhardt ne rentrait jamais en scène sans en avoir consommé au préalable. Lorsque santé rime avec gourmandise ! Depuis 1972, berlingots et bâtonnets se fabriquent à Moret-sur-Loing, dans la plus pure tradition, suivant la recette du XVIIe siècle, sans ajout, sans colorant ni agent de saveur. Une confiserie dont on a aussi consacré un musée ! Enfin, évoquons la plus belle d’entre toutes, la rose de Damas ou Rosa gallica officinalis, rapportée d’Orient au XIIIe siècle par Thibaud IV de Champagne. De la roseraie, la délicate a su séduire confiseurs d’hier et d’aujourd’hui, idylle à l’origine de quelques plaisirs et non des moindres : confiture de pétales, bonbons, miel, moutarde, thé, pains d’épices, nougats… Mentionnons aussi le sablé briard fabriqué à Mormant à base de cidre fermier, les chocolats de Chelles, de Lagny, de Dammarie-les-Lys, etc., ou encore les fameuses niflettes provinoises que l’on célèbre toujours.